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Âmes liées de Minigoupix



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» Auteur : Minigoupix - Voir le profil
» Créé le 21/02/2011 à 14:01
» Dernière mise à jour le 21/02/2011 à 14:10

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Âmes liées
Ses plumes bleues caressaient les nuages, tandis que le soleil faisait courir sur elles quelques étincelles de lumière. Il volait en silence, porté par les courants d'air glacés du ciel. Se jouant des caprices du vent, Artikodin, l'oiseau roi des neiges et des glaces, contemplait son royaume.
La forêt était couverte de neige. Aussi loin qu'il pouvait voir, le monde s'était paré du blanc étincelant de l'hiver. L'eau des lacs et des rivières, gelée, renvoyait le même éclat que ses yeux. L'univers tout entier avait pris ses couleurs.
Pourtant, Artikodin n'en ressentait aucun orgueil. Il participait à l'équilibre de la nature, comme chaque Pokémon légendaire. C'était son rôle, sa raison d'être, et son seul bonheur. Comme chaque matin, il ferma un instant les yeux et, se laissant porter par le vent, goûta au silence et à la fraîcheur de ce jour d'hiver.. À ses yeux, rien n'était plus pur que la neige. Rien n'était comparable à la magie des flocons qui tombent, au silence des montagnes enneigées, à la beauté de ce tapis immaculé sur lequel le soleil faisait danser ses rayons.
Et puis la glace... Ah, la glace ! Diamants parfaits, chefs-d'œuvres éphémères, l'eau sous sa plus belle forme...
Un sifflement presque inaudible brisa le silence. Artikodin ouvrit les yeux et plongea sur le côté. Trop tard. Une effroyable brûlure parcouru son aile, une douleur insupportable. Esquivant de justesse une boule de flammes, il aperçut un Dracaufeu qui l'attaquait. Derrière lui, un peu en retrait, un hélicoptère noir barré d'un R rouge.
L'oiseau agita violemment ses ailes, malgré la douleur. Une brume se forma autour de lui. Profitant de cette accalmie, il plongea vers le sol, laissant ses ennemis se perdre dans le nuage qu'il avait créé. Puisant dans ses dernières forces, il se dirigea vers la montagne. La montagne faisait partie de lui. Elle l'aiderait.
Alors qu'il allait perdre espoir, elle lui souffla, par l'intermédiaire du vent, l'emplacement d'une grotte en contrebas. Artikodin piqua vers le refuge. Il atterrit brutalement sur le sol de la caverne. Grimaçant sous la douleur, il se traîna jusqu'au fond de la grotte, avant de perdre connaissance.

Un crissement dans la neige le réveilla en sursaut. Nul ne pouvait échapper à la vigilance de la neige. Elle l'avait toujours alerté, elle, sa plus fidèle protectrice, de la présence de tous les êtres qui la foulaient du pied.
Artikodin se figea. Le bruit de pas se rapprochait. Dans une grimace de douleur, il constata que son aile l'élançait toujours autant. Impossible de fuir. Il allait devoir se battre...
Se battre ? Dans son état ? Impossible.
Mais il était pourtant un Pokémon légendaire ! Il ne pouvait pas se faire piéger aussi facilement que ça !
Son monologue intérieur cessa lorsqu'une silhouette se dessina à l'entrée de la grotte. Artikodin cria, tentant de l'effrayer. Le cri de l'oiseau était capable de glacer le cœur de n'importe quel être humain. Nul ne pouvait l'entendre sans être cloué au sol par sa force et sa beauté...
Un pitoyable gémissement sortit de sa gorge. La silhouette s'immobilisa un instant, puis entra dans la grotte.
« Ah ! Tu es là ! »
Une voix féminine. Douce et rassurante. Artikodin se sentit étrange. Cette voix... C'est comme s'il l'avait déjà entendu...
« Ne t'inquiète pas, je ne te veux pas de mal... »
Artikodin se secoua. Mais à quoi pensait-il ? Perturbé par sa voix, il avait laissé l'intruse s'approcher de lui. Beaucoup trop près. Agitant son aile libre, il créa une mini-tornade pour la repousser. Celle-ci, s'accrochant à la paroi de la grotte, lui cria :
« Arrête ! Je veux t'aider ! Je suis là pour te soigner ! »
Artikodin s'interrompit. Le soigner ? Était-ce là un autre piège ?
« Fais-moi voir ton aile... »
Elle s'était accroupie à côté de lui. Il ne l'attaqua pas. Elle tendit lentement la main vers l'oiseau... avant de se heurter à un mur invisible.

Elle ne me touchera pas. Elle ne me touchera jamais. Elle a pu s'approcher de moi, mais elle ne me touchera pas. Je suis un Pokémon légendaire. Je suis un des gardiens de ce monde. Aucun humain ne m'a jamais touché. Aucun humain ne me touchera jamais.

Il sentait dans sa voix qu'elle était sincère. Mais il ne pouvait pas la laisser le toucher. Même pour le soigner. C'était hors de question.
Puis il leva la tête. Croisa le regard de la jeune fille. Un regard clair et lumineux. Comme la neige.
Sa protection vola en éclats.

« Eoko va utiliser son Glas de soin pour apaiser ta brûlure ? Tu veux bien le laisser faire ? »
D'un hochement de tête, Artikodin acquiesça. Elle avait examiné son aile, la soulevant avec délicatesse et précaution. Il était perturbé. Jamais il n'avait connu une telle situation. La jeune fille, pointant une Pokéball dans le vide, appela :
« Lulaby ! »
Dans un éclair de lumière blanche, le Pokémon carillon apparut.
« Eoko ! » chanta-t-il joyeusement, adressant un grand sourire à sa dresseuse.
Artikodin se rasséréna, il ne s'était pas trompé sur son compte. Un Pokémon aussi heureux ne pouvait qu'avoir une dresseuse de confiance.
« Lulaby, Glas de Soin, s'il te plaît ! »
S'il te plaît. Artikodin était intrigué. Cette humaine était différente. Elle... elle avait un lien particulier avec les Pokémons, un lien qu'il n'arrivait pas à saisir.
Le Eoko ferma les yeux, et commença à se balancer dans les airs. Un bruit de carillon, d'abord infime, prit de l'importance, jusqu'à devenir le seul et unique bruit dans la grotte. Il résonnait aux oreilles d'Artikodin comme une mélodie apaisante, chargée d'énergie positive. Sans s'en rendre compte, il se laissa bercer par cette musique, et finit par s'endormir.

Lorsqu'il se réveilla, son aile, bien que toujours douloureuse, lui faisait moins mal. La jeune fille ne s'était pas approchée de lui. Elle était assise sur le sol de la grotte, plongée dans ses pensées. Quand elle s'aperçut qu'il était réveillé, son visage s'illumina.
« Ah ! Tu vas mieux ? »
Artikodin était perturbé par le comportement de la dresseuse. Tandis qu'il tentait de démêler ses sentiments, elle s'approcha de lui pour observer son aile. Elle semblait vraiment s'y connaître. Elle caressait doucement ses plumes, tournant l'aile délicatement et s'arrêtant dès qu'elle sentait qu'il avait mal.
« Ton aile est un peu tordue. Tu as dû te faire ça à l'atterrissage. »
A l'atterrissage ? Artikodin tiqua. Comment savait-elle qu'il avait dû atterrir ?
« Ah ! Tu es là ! »
C'est ce qu'elle avait dit quand elle l'avait trouvé. Donc elle le cherchait. Et elle savait probablement qu'il s'était fait attaquer par cet étrange hélicoptère... Pourquoi donc ? L'avait-elle vu tomber, et, sans qu'il sache pourquoi, était partie à son secours ? Ou alors...
Ou alors elle se trouvait dans l'hélicoptère.
Et elle était venue le capturer.
Mais il croisa de nouveau son regard. Non. Elle ne pouvait pas. Il le sentait, elle ne voulait pas le capturer. Elle était sincère. Peu importe les raisons pour lesquelles elle l'aidait, il avait confiance en elle.
Enfin, c'était ce qu'il pensait jusqu'à ce qu'elle commence à lui tordre l'aile.
Il cria, courroucé, et ce cri n'avait plus rien à voir avec son gémissement d'hier. Mais la fille, nullement impressionnée, plongea son regard dans le sien.
« Calme toi, lui intima-t-elle. J'essaye de remettre ton aile en place. Ça va te faire un peu mal, mais ensuite, tu pourras voler à nouveau. »
Artikodin lui obéit, soupirant. Voilà qu'il se mettait à écouter les ordres d'une humaine ! Il faisait un bien piètre Pokémon légendaire. Cette fille avait trop d'influence sur lui. Il ne pouvait la regarder dans les yeux sans que sa colère ne fonde comme neige au soleil. Et ça, pour un Pokémon glace, c'était bien pire qu'un légendaire aux ordres d'un humain ! Dès qu'il serait soigné, il partirait. Il ne pouvait pas, ne devait pas s'attacher à elle. Ce n'était qu'une humaine...
« Et voilà ! »
Artikodin la regarda, éberlué. Il ne lui avait suffi que d'une dizaine de minute pour remettre en place son aile. L'agitant un peu, il découvrit qu'elle était parfaitement remise. Elle ne lui faisait plus mal du tout.
« Alors ? Tu vas mieux ? »
Elle s'était penchée vers lui, souriante. Artikodin tressaillit. Il devait partir. Maintenant. Il le fallait. Ou sinon, il ne partirait jamais. Évitant le regard de la dresseuse, il déploya ses ailes, et d'un seul élan, se propulsa hors de la grotte.
Il sentit avec délice l'air froid de l'hiver fouetter son visage. Voler lui avait manqué. Sans se retourner, il partit dans le ciel, heureux de retrouver sa liberté. Il était un Pokémon légendaire. Seule la nature le rendait serein.
Seule la nature ? Il se rappela fugacement du regard de la jeune fille. Il se sentait bizarre. Son cœur cognait à sa poitrine. Le monde semblait avoir changé. Pourtant, la neige recouvrait toujours la forêt, le ciel était d'un bleu magnifique, il entendait encore le souffle du vent dans les sapins...
Mais il manquait quelque chose. Était-il possible que... Non. Impensable. Il ne pouvait y croire...

Les légendaires détiennent les secrets du monde et de la vie. Ils savent parfaitement la raison pour laquelle les humains capturent des Pokémons. Pourquoi les Pokémons obéissent à leur dresseur.
A cause du lien.
Le lien.
Le lien qui se crée parfois, lorsque le regard d'un Pokémon croise celui d'un humain.
Lorsque leurs deux êtres s'écoutent.
Lorsque leurs deux cœurs se comprennent.
Lorsque leurs deux âmes résonnent.
Le lien.
Infini.
Indestructible.
Les Pokéballs ne sont que des représentations de ce lien. Lorsqu'il est créé, pas besoin d'objets pour que les deux chemins se rejoignent.
Et ne fassent plus qu'un.

Et soudain il le vit. L'hélicoptère noir. Tournant dans le ciel comme un Ninjask en colère.
Une fumée épaisse sortait de l'appareil, et celui-ci semblait descendre vers le sol avec une vitesse effrayante...
Il ne descendait pas.
Il tombait !
Deux silhouettes sautèrent sur un Dracaufeu avant de s'éloigner dans le ciel. Artikodin resta interdit. Ses sens prodigieux d'oiseau légendaire savaient exactement où l'engin allait s'écraser, mais son esprit refusait de comprendre.
Près de la grotte.
Bien sûr, si la jeune fille était restée à l'intérieur, elle devrait être protégée.
Sauf que lui parti, elle n'avait plus aucune raison d'y rester.
Artikodin regarda, impassible, la chute de l'appareil. Ce n'était qu'une humaine. Il n'avait pas à intervenir. L'hélicoptère n'allait pas s'écraser par sa faute, il n'avait donc rien à voir avec ça. C'était son destin de mourir. Et même un légendaire ne peut s'opposer au destin.
Et pourtant...
Il revit le sourire soulagé de la jeune fille lorsqu'elle l'avait découvert. Celui simple et joyeux de son Eoko. Son attention à ne pas lui faire mal lorsqu'elle le soignait.
Et ses yeux.

Même un légendaire ne peux s'opposer au destin. Mais même le destin ne peux s'opposer à la volonté d'un légendaire.

Il fondit vers le sol, rattrapant puis dépassant l'hélicoptère. Il l'aperçut marchant dans la neige, sans se rendre compte de ce qui allait lui arriver. Lorsqu'elle le vit se poser devant elle, ses yeux s'écarquillèrent de surprise et d'émotion.
Artikodin plongea son regard dans le sien. Il ne doutait plus, à présent. Ils étaient liés. Remontant ce lien, il parvint jusqu'à l'esprit de la jeune fille.
« Monte sur mon dos ! Vite ! »
Elle ne chercha pas à savoir pourquoi. Pendant un infime instant, ils n'avaient été qu'un seul et même être.
Un Pokémon légendaire qui porte un humain.
Et alors ? Songea Artikodin tandis qu'elle s'agrippait à ses plumes.
Il ferma les yeux. L'hélicoptère n'était plus qu'à quelques mètres.
« Prête ?
-Prête ! »
Et il prit son envol. Aussi rapidement qu'un souffle de vent. L'hélicoptère s'écrasa avec fracas, tandis qu'il montait dans le ciel.
Artikodin se sentait étrange.
Blessé dans son orgueil de légendaire.
Courroucé de s'être opposé au destin.
Sûr d'avoir fait le bon choix.
Et, ajouta-t-il lorsqu'il l'entendit s'adresser à son esprit, heureux d'être avec elle.
« Merci !
-Merci à toi. »
Le vent fouettait son visage. La forêt était magnifique. Il n'avait jamais été aussi serein.
« Où m'emmènes-tu ?
-Où tu voudras. »
Et il s'envola vers l'horizon, des flocons blancs tombant dans son sillage.