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Des vacances mouvementées... de Don d'ARCEUS



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» Auteur : Don d'ARCEUS - Voir le profil
» Créé le 15/11/2010 à 22:38
» Dernière mise à jour le 17/10/2014 à 13:37

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Quelques complications
« Un problème, jeune fille ? »

Célinda leva ses yeux emplis de larmes vers l'homme ténébreux qui se tenait devant elle – c'était en effet bien lui qui lui avait adressé la parole. La jeune fille se rappela alors la relation qu'elle avait établie sans le vouloir avec lui : elle était sensée l'aimer. Un jeu dangereux. Encore. Mais Célinda y avait pris goût.

« Tu cherches un moyen de vieillir, dis-moi ? Pour quoi ? Pour être aussi vieux que moi ? Tu penserais avoir plus de chance de me séduire en ayant mon âge ?
– Que me voulez-vous ? s'enquit Célinda, d'une voix rauque, fatiguée à force de pleurer.
– Moi ? Rien, sinon t'aider, mais tu m'as l'air…
– Pffff. La seule façon dont vous êtes susceptible de m'aider, c'est de me tuer, n'en ayant pas la force moi-même… Vous aimez hélas trop ma souffrance pour y mettre un terme et louper ainsi une occasion pareille de me faire à nouveau souffrir…
– Je n'ai jamais aimé ta souffrance ! Comment oses-tu dire une chose pareille ? Ce n'est pas parce que je t'ai fait souffrir que je l'ai vraiment voulu !
– J'ai du mal à vous suivre…
– Tu peux me tutoyer, tu sais. Et quand je te dis que je t'ai toujours fait souffrir sans le vouloir, tu peux me croire ; à chaque fois que je t'endors, je ne sais pas pourquoi mais tu fais un rêve…
– J'appellerai plus ça des cauchemars…
– Tes amis en font, eux aussi ?
– À vrai dire, on n'a jamais vraiment parlé que des miens, de cauchemars… Mais oui, je pense qu'ils en font aussi…
– Ça me rassure, dans ce cas. Je croyais qu'il n'y avait que toi qui en faisais et, même si j'étais obligé de t'endormir, à chaque fois que je le faisais j'avais des regrets…
– Tu utilises l'imparfait ? remarqua Célinda, sans se rendre compte qu'elle avait employé le tutoiement.
– Oui. Désormais, je te promets de ne plus jamais t'endormir contre ta volonté, et même de t'endormir tout court. Tu n'as que trop souffert par ma faute, et là encore tu souffres. Cela n'a que trop duré. Laisse-moi te porter jusque chez toi.
– Je…
– Tu ne peux pas t'y rendre toute seule, laisse-moi t'aider. »

Il avait raison, aussi Célinda le laissa-t-elle la retourner sur le dos puis la prendre dans ses bras. Un sentiment de dégoût infime l'envahit lorsque l'homme ténébreux la retourna, sentiment qui s'amplifia lorsqu'il passa ses bras sous ses jambes et ses omoplates – elle se félicita d'ailleurs pour avoir mise une robe de ce genre-là plutôt qu'une autre plus provocante, sans quoi elle devinait que son malaise aurait été encore plus amplifié par le contact direct de sa peau avec celle de l'homme aux ténébreux… À moins que ce fussent justement les ténèbres l'entourant qui lui donnaient un haut-le-cœur permanent. La jeune fille regretta de ne pas avoir pensé à camoufler ses émotions – le pouvait-elle encore, au moins ? – ; l'homme ténébreux prit en effet conscience du malaise de celle qu'il portait et la mit debout le plus doucement du monde, après quoi il retira vivement ses mains de la jeune fille, qui s'appuya sur le rebord d'un muret entourant une maison pour ne pas tomber.

« Je… je suis vraiment désolé… s'excusa maladroitement l'homme ténébreux. Je ne voulais pas… te faire de mal. »

Célinda avait l'impression de rêver. Cet homme était décidément bien mystérieux, tout à coup… Avait-il vraiment cru qu'elle l'aimait ? Le mensonge lui semblait pourtant assez gros…

« Je… Pas de problème… hum… Tu t'appelles comment ?
– Tu peux m'appeler Tén…
– Tén ?
– Oui… À moins que tu préfères Ténébrax… C'est le pseudonyme qu'on m'a donné… Au début, c'était pour caractériser le fait que je ne tienne pas le monde au courant de la totalité de mes plans, qu'il y ait toujours une part d'ombre dans ce que je leur disais… ça me va à présent plus que jamais… Tu te sens la force de rentrer seule ?
– Je… Non, je ne pense pas…
– J'aimerais tellement pouvoir t'aider…
– Arrête de faire semblant d'être gentil avec moi ; tu as sans doute beaucoup plus important à faire que d'essayer de faire la cour à une gamine dans mon genre…
– Nous savons tous les deux aussi bien l'un que l'autre que tu n'es pas une gamine. Loin de là.
– Deux personnes comme toi et moi n'ont rien à voir ensemble !
– Justement, deux personnes complémentaires ne sont-elles pas faîtes pour s'aimer ?
– Pas deux personnes comme nous !
– Pourquoi pas nous ?
– Parce que nous sommes des Poké-humains, et non des humains, tout simplement !
– J'ai peur de ne pas te suivre…
– Voyons, tu as déjà vu un Piafabec traîner avec un Chenipan ?
– Nous ne sommes ni un Chenipan, ni un Piafabec !
– Nous sommes aussi antinomiques qu'eux !
– Si tu le dis… » fit l'homme ténébreux en s'éloignant de la jeune fille.

Cette dernière se mordit les lèvres. Elle avait beau se dire qu'il avait mérité ça, elle s'en voulait ; sa présence ne lui était, à vrai dire, pas complètement désagréable, surtout qu'elle n'avait plus personne avec qui partager ses peines…

« Je… Tén ! » s'écria Célinda en s'élançant maladroitement vers l'ombre ténébreuse.

Celle-ci sembla se retourner et balança négativement la tête devant la course irréfléchie de la jeune fille. Celle-ci ne tarda d'ailleurs pas non plus à se rendre compte de l'ineptie dont elle avait fait preuve en entamant une course qu'elle n'aurait pas le moyen d'arrêter sans perdre l'équilibre. La lueur apeurée qui s'éveilla dans son regard à cette constatation parut tirer un léger sourire contraint à l'homme ténébreux. Célinda le pria d'un regard de la prendre dans ses bras avant qu'elle n'ait plus la force de rester en équilibre. Ce que l'homme fit sans hésiter, après quoi il la projeta vers le muret que venait à peine de quitter la jeune fille. Cette dernière s'élança de nouveau vers Ténébrax en se préparant cette fois à s'accrocher à lui ; leur contact avait beau la répugner, elle se força – elle ne savait pourquoi – à le percuter, puis, de ses lèvres, elle chercha celles de l'homme. Elle les trouva avant même qu'il eût réagi à leur collision ; le simple contact des lèvres de Célinda avec son cou – c'était ce qu'elles avaient trouvé en premier – l'avait d'abord paralysé – de stupeur ? De bonheur ? – puis il s'était résolu à embrasser sans retenue la jeune fille qui sentit alors les ténèbres de l'homme l'entourer. Lorsque Célinda ouvrit les yeux – elle les avait effectivement fermés en plongeant sa tête dans les ténèbres qui entouraient alors seulement Ténébrax –, ses yeux s'agrandirent de stupéfaction. Ce n'était pas un adulte qui se cachait derrière ces fameuses ténèbres, mais… un jeune homme de son âge ! Les yeux cyan de ce dernier semblèrent lui souhaiter la bienvenue de l'autre côté du rideau de ténèbres. La jeune fille détacha ses lèvres du garçon comme pour mieux le contempler, mais une fois de plus, c'était sans compter sur son état de faiblesse. Ténébrax prit alors Célinda dans ses bras puis il se dirigea vers sa maison, y entra pour enfin se rendre dans la chambre de la jeune fille, où il la déposa sur son lit. Un étrange sentiment de malaise envahit soudain Célinda lorsqu'elle ne sentit plus le contact de Ténébrax. Elle tendit alors les bras vers le jeune homme, mue par le même réflexe que les enfants auxquels on arrache un nouveau jouet des mains, qui, à sa grande stupéfaction, s'allongea à côté d'elle et passa un bras sous sa nuque – avait-il deviné ce qu'elle avait éprouvé à leur séparation ? La jeune fille pencha alors la tête vers celle du garçon et commença à détailler sa physionomie en attendant qu'il entamât la conversation, ce qu'il ne tarda pas à faire…

« Je… je n'ai pas toujours été entouré de ténèbres, comme tu peux t'en douter. Il fut en effet un temps où j'avais une vie pareille à tous les autres enfants : j'avais des parents que j'aimais et qui m'aimaient, une grande sœur qui me chérissait, une petite sœur tout à fait adorable, bref, une vie ordinaire. Nous n'étions ni riches ni pauvres, nous vivions heureux. Et ça nous suffisait. Une de ces nuits fraîches d'été, où tout paraît si calme et si beau, les éléments se déchaînèrent autour de ma maison, sans aucune raison apparente, et toute ma vie vola en éclats l'espace d'un instant. Ils moururent tous sous mes yeux, un par un, comme une exécution bien planifiée, alors que moi, qui aurais dû bien mourir mille fois, je n'ai eu droit qu'au sentiment d'une mort mille fois endurée. Je me prenais mille et un éléments dans la face et je ne mourais pas. Je ne faisais que souffrir. Des ténèbres surgissant de je-ne-savais-où m'entouraient peu à peu, m'enfermant dans l'obscurité totale, condamné à seulement ressentir la douleur qui m'arrivait. J'ai bien essayé de fuir mais… je ne voyais pas où aller. À chaque pas, c'était une nouvelle douleur qui s'ajoutait aux précédentes… Les éléments ont tout de même fini par se calmer. J'étais anéanti. Je n'avais plus de maison, plus de famille, plus d'amis – à cause de ces ténèbres qui n'ont cessé de prendre de la consistance depuis ce jour maudit –, j'avais perdu tous mes repères. J'étais seul. J'ai continué à vivre. Contrairement à mes parents et à mes sœurs. Maintes fois j'ai essayé de les rejoindre, autant de fois j'ai échoué. Je ne comprenais pas pourquoi je ne mourais jamais. Rien à faire. Je n'ai cessé de me demander : pourquoi ne puis-je échapper à la douleur constante de leur absence ? Pourquoi cela m'arrive-t-il à moi ? Tu t'es aussi posée cette question, une fois ou deux. Moi, ça fait des années que j'essaye d'y répondre. Sans succès. Comme toi, j'ai connu la solitude. Peut-être la tienne était-elle moindre à côté de la mienne, mais tu as été seule, toi aussi. Et tu as souffert. Comme moi. Depuis ce jour-là, le malheur n'a en effet cessé de croiser mon chemin, que ce soit le jour avec tous les malheurs imaginables et inimaginables – trahison, mort, moqueries – ou la nuit, avec ce cauchemar qui n'a de cesse de me hanter depuis leur mort, qui retrace complètement ce soir-là. Jusqu'à notre rencontre… »

Lorsque Ténébrax eut fini son récit, Célinda avait terminé son examen du garçon. Elle en avait tiré plusieurs conclusions qui toutes l'inquiétaient : elle le trouvait beau, paraissait intelligent – et l'était sans aucun doute – et mature. Du moins, c'était ce que lui soufflait sa chevelure d'un blanc éclatant, bien que sa musculature ne soit pas celle d'un vieillard mais d'un athlète. Bref, tout l'inverse d'elle, tout ce qu'elle avait toujours désiré…

Le visage de Vitalio s'imposa alors brutalement à l'esprit de la jeune fille qui se redressa brusquement, s'arrachant du même coup à une torpeur dont elle avait eu à peine conscience.

« Mais… Qu'est-ce que je fais ici, a… allongée à côté de lui ? »

« Oublie Vitalio, lui murmura la voix douce et pénétrante de Ténébrax. Il n'est rien pour toi, il ne te comprend pas plus qu'il ne te connaît au fond. Oublie-le… »

Devant la persuasion à peine dissimulée du ton qu'avait employé le jeune homme, Célinda se laissa aller à croire qu'il avait raison, et elle se rallongea pour mieux écouter les paroles qu'il déversait au creux de son oreille avec une voix extrêmement apaisante, toute différente que celle qu'il employait auparavant… une voix ensorcelante. Ténébrax se rapprocha de sa proie pour mieux lui caresser le visage du bout des doigts… Célinda se laissa faire avec une passivité qu'elle ne s'était jamais connue mais qui ne l'étonna pas outre mesure : il lui semblait tout à coup que rien ne comptait plus que cet instant qu'ils partageaient tous les deux. Il était si tendre avec elle, elle qui n'avait été qu'attente depuis trop longtemps. Et pourtant, c'était une fois encore tout ce qu'elle se sentait le droit de faire : attendre le plaisir, laisser le désir du bonheur imminent la consumer au rythme des caresses et des chuchotis rassurants de Ténébrax. Elle se sentait si bien et n'aspirait plus qu'à se sentir encore mieux au fil des secondes qui semblaient s'écouler au ralenti…

Vitalio entra soudain dans la chambre et sembla avoir un haut-le-cœur à la vue de son amie et du jeune homme ténébreux. Il quitta aussitôt la pièce avec une mine à la fois consternée et dégoûtée qui n'échappa pas à Célinda. Cette dernière se leva précipitamment pour rattraper son ex-ami.

« Tu m'abandonnes ? » s'enquit Ténébrax, d'une voix particulièrement triste qui fit de la peine à la jeune fille en l'entendant.

Célinda trouva cependant la force et le courage – d'où, elle n'en savait rien, mais elle les avait eues – de résister à l'attirance qu'elle éprouvait à cet instant précis pour l'homme ténébreux, tellement plus forte à cause de son air abattu si sincère…

« Je… Oui, mais je reviens bientôt, attends-moi ! »

La porte d'entrée claqua une fois, puis une deuxième fois lorsque la jeune fille sortit de sa maison. Un rictus mauvais se forma sur les lèvres de Ténébrax ; certes, elle n'était pas restée, mais elle avait dit qu'elle reviendrait. Et Célinda tenait toujours ses promesses…