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Des vacances mouvementées... de Don d'ARCEUS



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» Auteur : Don d'ARCEUS - Voir le profil
» Créé le 07/11/2010 à 18:38
» Dernière mise à jour le 13/03/2011 à 14:01

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Une réconciliation bien vite oubliée
Célinda passa une nuit blanche. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle avait pu réagir ainsi avec ses amis. Elle serait presque allée les voir si ça n'avait pas été la nuit et si Éliana ne manquait pas de sommeil à ce point, et si aussi elle savait où était parti Vitalio. Parti… Une larme commença à se former au coin de l'œil de la jeune fille, qu'elle se força à retenir de couler ; si celle-là coulait, les autres auraient inévitablement suivi quoi qu'elle eût fait.

Célinda se rendit dans la cuisine et se prépara un petit-déjeuner ; elle ne nota même pas l'absence de ses parents, elle n'avait plus la notion du temps – l'avait-elle jamais eue ? –. Lorsqu'elle se coupa une tranche de pain et qu'elle commença à la beurrer, elle se remémora ce petit-déjeuner où Vitalio avait pris si soin d'elle. Cette réminiscence lui coupa définitivement l'appétit ; la jeune fille fila s'habiller dans sa chambre puis se mit en route pour la maison de son amie. Tant pis si on la trouvait matinale, elle avait besoin de s'assurer de ce qu'elle avait vécu la veille.

Une fois sur le seuil de la maison d'Éliana, Célinda faillit appuyer sur la sonnette ; elle se retint juste à temps, au souvenir du repos dont celle qu'elle était venue voir avait besoin. Elle fit alors le tour de la maison pour jeter un œil par la fenêtre de la chambre de celle-ci – bien qu'elle se doutât que ses volets ne fussent pas encore ouverts. Elle fut cependant à peine surprise en découvrant qu'on n'avait pas pris la peine – ou le temps ou eu la force – de les fermer. La jeune fille dormait à poings fermés, tel un bébé dans son berceau. La sérénité qui se dégageait de la scène fit envie à Célinda ; depuis combien de temps n'avait-elle pas éprouvé pareille paix intérieure ? Une paix intérieure tout court, même ?

Éliana cligna plusieurs fois les yeux avant de les ouvrir complètement. Célinda se remémora alors qu'elle n'aurait pas dû être là et elle fit un pas de côté pour ne pas être vue de la jeune fille qui tournait lentement la tête vers la fenêtre de sa chambre. Éliana se leva lentement, s'étira puis se dirigea vers la fenêtre qu'elle ouvrit. Elle prit une bonne bouffée d'air frais et remarqua alors Célinda à sa gauche qui l'observait.

« Ainsi, ce n'était pas un rêve… soupira la jeune fille, avec regrets. Enfin, quel bon vent t'amène ? »

Célinda ne releva pas la première partie de sa phrase – regrettait-elle donc aussi que ce ne fût pas un rêve ?

« Je voulais simplement m'assurer que je n'avais pas rêvé hier soir… désolée de t'avoir réveillée, s'excusa-t-elle timidement.
– C'est tout ? »

Toujours aller à l'essentiel. Une des nombreuses maximes qu'a toujours respectées Éliana.

« Je… non… À vrai dire, je voulais te dire que je regrettais mon comportement, hier soir… Je souhaitais que tu me pardonnes et que nous redevenions amies…
– Rien que ça ? » ironisa Éliana.

Célinda demeura silencieuse, en attente d'une réponse de l'autre jeune fille. Cette dernière prit à peine le temps de réfléchir.

« Bien sûr que je le veux !
– V… vraiment ?
– On a toujours été les meilleures amies du monde, pourquoi ça ne continuerait pas ainsi ?
– Je te serrerai dans mes bras, si tu n'étais pas de l'autre côté de la fenêtre…
– Ça, je m'en doutais un peu, figure-toi. Au fait, où est Vitalio ?
– Je… c'est ma faute…
– Vous vous êtes encore disputés, n'est-ce pas ?
– C'est-à-dire que… oui, en fait… Nous ne sommes pas quittés en de très bons termes, à vrai dire…
– Je me disais, aussi, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas eu de problème de ce genre… Bon, dis-moi le cœur du problème, qu'on se casse la tête à le résoudre…
– Tu devrais peut-être aller prendre ton petit-déjeuner avant…
– Les amis d'abord, Célinda.
– Mais je… tu dois avoir faim ! Tu n'as presque rien mangé hier soir ! »

Un bruyant borborygme lui répondit.

« Bon, d'accord, tu as gagné, entre.
– Je… Tes parents ne sont pas là ?
– Non.
– C'est bizarre, les miens non plus… En même temps, ils m'avaient prévenue que ce seraient mes premières vacances "seule"… je ne me doutais seulement pas à quel point le mot "seule" était bien choisi… Enfin bon, je ne voudrais pas te gêner non plus…
– Ne fais pas ta timide… » fit Éliana en fermant la fenêtre.

Célinda fit le tour de la maison et sonna à la porte d'entrée. Éliana vint lui ouvrir, un sourire sur les lèvres.

« Tu n'étais pas obligée de sonner… Allez, entre, fais comme chez toi. »

La jeune fille pénétra dans la maison puis suivit son amie dans la cuisine où celle-ci fit réchauffer un bol de lait.

« Ça ne va pas Célinda ?
– Je… non, rien.
– Qu'est-ce qu'il y a ? Tu sais bien que tu peux tout me dire !
– C'est juste que… ça me rappelle le déjeuner que Vitalio m'avait préparé… et la conversation qu'on a eue après. Surtout.
– Celle où tu m'as dit qu'il n'était pas arrivé à poser des mots sur ses sentiments envers toi, c'est ça ?
– Oui, approuva Célinda, à peine étonnée que son amie s'en souvînt.
– Écoute, ce n'est pas parce qu'il n'est pas arrivé à poser des mots sur ces sentiments-là qu'il ne t'aime pas…
– Oui mais…
– Oui mais quoi ?
– Je… Hier soir, je… lorsqu'il est… parti, j'ai vu une lueur inquiétante, dans son regard.
– Quel genre de lueur ?
– Une sorte de flamme dure…
– Tu l'as mis en colère – une fois de plus –, c'est tout.
– Je… non, je ne crois pas… enfin, si, mais il sait très bien à quel point je peux être jalouse, parfois…
– Jalouse, tiens donc ? Et de qui ? De moi ? Bien sûr, qui d'autre ? Et pourquoi étais-tu jalouse de moi, cette fois ? »

Un silence succéda à sa question. Un silence qui en disait suffisamment long pour qu'Éliana devinât à peu près la réponse à son interrogation.

« Allons bon… D'un côté, je te comprends assez d'avoir réagi avec virulence mais… en fait, de l'autre aussi. Vitalio aurait dû le comprendre. Il a même très certainement dû le comprendre…
– Qu'entends-tu par là ?
– Rien de plus si ce n'est que Vitalio est un garçon assez intelligent pour comprendre une fille complexe, assura Éliana en sortant son bol du micro-ondes.
– Mais encore ?
– Réfléchis deux secondes, Célinda ; ou bien Vitalio s'est mis en colère face à l'intensité de ta jalousie, ce dont je ne doute pas, mais pas au point de te planter là, ou bien…
– Ou bien quoi ?
– C'est ce qu'il nous faut trouver. Tu dis que Vitalio est parti ; tu sais où ? Dans quel but ?
– Il a malheureusement disparu avant que je n'ouvre la bouche…
– Nous voilà bien… » fit Éliana, en buvant distraitement le contenu de son bol d'un trait.

Lorsqu'elle eut terminé, elle se leva pour laver son bol et le ranger dans la pile des couverts sales.

« Bon, résumons : tu t'es disputée avec Vitalio du fait de ton impardonnable jalousie, puis il est parti. Où ça ? En fait, je ne vois que deux possibilités ; ou il est allé dans la forêt ruminer sa colère, ou bien il est bel et bien parti. Dans le premier cas, on doit aller le chercher, tandis que dans le deuxième, c'est lui qui ira nous trouver. Où serait-il parti dans ce deuxième cas ? Là encore, je n'entrevois que deux réponses possibles – dis-moi si je me trompe – ; Vitalio étant quelqu'un de particulièrement serviable et intelligent, il devrait soit être parti trouver un moyen de faire vieillir l'homme ténébreux, ou alors il a décidé de chercher le but précis de l'opération de cet homme…
– Tu… tu crois ?
– En tous cas, c'est ce que me souffle mon intuition féminine. Bon, voilà ce qu'on va faire ; déjà, je vais m'habiller puis je me rendrai dans la forêt seule pour voir si Vitalio y est…
– Seule ?
– Désolée, mais je suis obligée d'envisager le pire des scénarios ; si tu y allais seule, il te fuirait sans aucun doute, et si nous y allions toutes les deux, eh bien… je ne sais pas ce qui se passerait, n'étant pas dans sa tête, alors je préfère prendre mes précautions, tu comprends ?
– Oui, bien sûr… Et s'il n'y était pas ?
– Alors on se répartira les tâches… D'accord ? »

Célinda resta silencieuse.

« Bon, je vais m'habiller et faire ma toilette, ça te laisse un peu de temps pour réfléchir à tout ça… »

Sur ce, Éliana alla dans sa chambre se vêtir. Lorsqu'elle revint voir son amie une fois sa toilette terminée, celle-ci lui livra sa réponse avant qu'elle eût le temps d'ouvrir la bouche.

« Bon, c'est d'accord, va chercher Vitalio dans la forêt, pendant ce temps-là, moi, je…
– Non, toi tu restes ici : si jamais Vitalio est dans la forêt, je l'amène ici et on voit ensemble ce qu'on fait.
– Hum… Tu vas arranger notre querelle, avant de l'emmener ici ?
– Si je trouve des idées en chemin…
– Je suis sûre que tu en as déjà au moins une. Il n'y a pas une énigme, pas un problème que tu n'aies su résoudre jusqu'ici…
– Tu es très observatrice et perspicace, quand tu le veux… Bon, j'y vais, attends-moi bien sagement ici…
– Je ne sais pas si je vais rester en place très longtemps…
– Il le faudra pourtant bien, Célinda… Et puis, si ça se trouve, tu n'auras pas à attendre très longtemps…
– Ne parle pas de malheur !
– Allez, j'y vais, à tout à l'heure… » dit Éliana en se dirigeant vers la porte d'entrée, laissant son amie seule dans sa maison.

Cette dernière s'assit sur le canapé du salon, en proie à un malaise indescriptible. Voilà que son amie se chargeait d'arranger sa relation avec Vitalio ! Ce n'était pourtant pas la première fois, c'est vrai, mais c'était la première fois qu'elle le faisait elle-même, sans l'intervention de Célinda… Comment en était-elle arrivée là ? La jeune fille patienta avec une angoisse toujours croissante dix longues minutes avant que la porte d'entrée ne s'ouvrît, laissant apparaître son amie… seule.

« Ne t'en fais pas, je suis sûre qu'il nous reviendra. En attendant, je pense que nous avons suffisamment à faire pour que tu oublies cette histoire… le temps de son retour, bien sûr. Bon, qui fait quoi ? »

Célinda resta silencieuse.

« Hého, je te parle ! Tu veux faire quoi ? Rechercher le moyen de faire vieillir une personne ou bien te renseigner sur les intentions de l'homme ténébreux ? »

Un bref éclat de lumière illumina les yeux de Célinda un court instant au bout duquel cette dernière finit par dire :

« Je… je vais chercher le moyen de le faire vieillir… et le trouver.
– Ce serait l'idéal…
– Mais toi… Tu ne vas pas aller fouiller le QG de l'homme qui en a après nous, tout de même ?
– Il le faut pourtant bien… »

Son amie avait pertinemment raison, aussi Célinda hocha-t-elle lentement la tête, bien que cette idée ne la ravît pas réellement.

« Bon, je te laisse à tes recherches, je vais me mettre au boulot.
– Je t'accompagne, il faut que je me rende chez moi… »

Éliana ferma la porte à clé derrière elle puis les deux jeunes filles firent le bout de chemin qu'elles avaient en commun ensemble, dans un silence total, les pensées ailleurs. Au moment de se séparer, les deux amies se stoppèrent net et, d'un regard, elles se souhaitèrent bonne chance puis continuèrent leur chemin chacune de leur côté. Célinda venait à peine de reprendre la route pour sa maison qu'Éliana l'interpella :

« Euh… au fait… Célinda…
– Oui ? fit celle-ci, en se retournant.
– Je… en fait, j'aurais voulu en savoir un peu plus sur votre fameuse querelle…
– C'est que… le sujet de notre dispute était assez… stupide, en fait…
– Depuis quand as-tu des conversations stupides avec qui que ce soit ?
– Depuis que je suis jalouse…
– De quoi étais-tu donc jalouse, cette fois ?
– De toi.
– Ça, je m'en doutais un peu. Non, ce que je veux savoir, c'est ce qui a pu, chez moi, provoquer à ce point ta jalousie pour que Vitalio se fâche d'aussi violente manière…
– Je… mais la cause en est tout à fait ridicule.
– Ne te gêne pas pour moi. Nous sommes amies, Célinda…
– Oui, mais… le sujet reste quand même assez délicat à aborder. »

Éliana attendit sagement que son amie capitulât, ce qui ne prit, à vrai dire, qu'une poignée de secondes.

« Bon, d'accord, je veux bien tout te révéler, mais à condition que tu ne te moques pas de moi…
– Moi, me moquer de toi ? Tu dérailles complètement, Célinda…
– Promets-le-moi…
– … Bon, c'est d'accord. Allez, dis-moi tout !
– Je… Vitalio avait commencé à me remercier pour le sacrifice que j'avais fait pour lui, puis il a voulu que je le pardonne pour la tristesse qu'il m'avait causée… et la colère. Une colère qui avait également été présente dans ton regard l'espace d'un instant, d'après lui… avant que tu ne l'approuves silencieusement par une lueur malicieuse dans ton regard. Il m'a alors dit que ça serait bien que je t'excuse également pour ton plan… je lui ai dit que tu n'aimais pas que l'on prenne ta défense comme ça, que tu savais très bien le faire toi-même. Et puis qu'il ferait mieux de se défendre lui-même avant de te défendre. Il a ignoré ma remarque et c'est là que ma jalousie a pris le dessus. Je… j'ai vraiment été pitoyable…
– Vraiment ?
– Je… oui, répondit Célinda, en baissant les yeux.
– Explique-moi !
– Eh bien… je… je suis allée imaginer qu'à travers ton fameux plan, tu n'avais pas cherché que ma délivrance…
– C'est-à-dire ?
– … mais aussi ton plaisir. Il a essayé de me persuader du contraire, mais je… je me suis révélée intraitable. Il m'a dit que tu avais accepté sans rechigner de modifier ta stratégie… Je lui ai demandé pourquoi il portait cependant des sous-vêtements… Et après pourquoi toi, tu en portais. Il a été un peu agacé par cette question. Et aussi par celle qui portait sur les bruits que tu avais poussé pendant toute la… scène. Il a pourtant assuré que tu n'avais fait que simuler, mais une fois de plus, je ne l'ai pas écouté et je lui ai demandé de me le jurer et… et il ne l'a pas fait. »

Un silence succéda à son résumé pendant lequel Célinda, inquiète du si long mutisme de son amie, avait fini par lever la tête. Des larmes – de rage ? – coulaient sur son visage angélique.

« Je… Tu es complètement folle à lier ! Quand bien même j'aurais éprouvé du plaisir, cela ne te regarderait pas !
– Mais… nous sommes amies !
– Nous l'étions.
– Nous le sommes toujours !
– Depuis quand ?
– Depuis toujours !
– Je regrette, mais je crois que tu te trompes…
– Mais, non, je, nous, enfin…
– Si, tu te trompes !
– Calme-toi, Éliana, s'il te plaît, tu es vraiment terrifiante… supplia Célinda, les larmes aux yeux.
– Que je me calme ? Et pourquoi donc ? J'ai promis de ne pas me moquer, pas de ne pas m'énerver !
– Je… Éliana ! Arrête ! s'écria la jeune fille, puis, tombant à genoux et sanglotant je… je ne sais vraiment pas ce qui m'a pris. Pourquoi a-t-il fallu que mon seul et unique défaut – en plus de ma mocheté – soit cette jalousie dévorante ? Pourquoi ?
– Je n'ai hélas pas de réponse à ta question… Mais puisque tu y tiens tant, je vais te livrer celles qui sont en ma possession.
– Je… tu veux dire que… tu vas m'avouer avoir pris du plaisir à… faire ce que tu as fait ? s'enquit Célinda en levant ses yeux embués de larmes, pensant que son amie allait l'achever.
– J'aurais aimé qu'il en fût ainsi pour prouver que ta jalousie avait enfin une raison valable d'exister, mais j'étais hélas bien trop préoccupée par le malheur que je te faisais endurer pour savourer la moindre attention de Vitalio à mon égard ! Je n'aurais pourtant pas hésité un seul instant à me donner à lui des centaines de fois, s'il l'avait fallu pour te délivrer de ton sort, tu m'entends ? Pas un seul instant, pas une seule seconde ! Je n'aurais pas plus profité de la deuxième fois ou de la centième fois que de la première, j'aurais été dévorée par le remords du début jusqu'à la fin, mais au moins tu aurais enfin retrouvé tes moyens ! J'aurais même été capable d'obliger nos sous-vêtements à changer d'apparence – je ne sais pas comment, mais je l'aurais fait ! – et là, j'aurais arraché celui de Vitalio puis les miens avant qu'il ait compris ce qui se passait, puis je l'aurais obligé à me faire l'amour le plus sauvagement du monde, si l'illusion de notre nudité se révélait trop flagrante ! Et c'est comme ça que tu considères le sacrifice que j'étais prête à faire – et que j'ai fait – sans aucune hésitation ! Si j'avais su, je ne me serais pas préoccupée le moins du monde de ta délivrance, je me serais complètement donnée à Vitalio, je n'aurais pas accepté sa proposition, j'aurais été jusqu'au bout de mon plan initial – car même s'il ne t'a pas paru travaillé, il l'était quand même un peu –, ignorant la réticence de Vitalio à déposer sa virginité au creux de mes mains, ignorant qu'il m'était strictement impossible de faire tout ça pour le faire, tout simplement ! Quant à ton interrogation sur la présence d'une paire de sous-vêtements sur mon corps, il ne s'agissait seulement que d'un moyen supplémentaire éventuel pour te rendre plus insupportable l'idée que je me déshabille plus que Vitalio !
– Je… je suis vraiment désolée, je… je… sanglota Célinda, en entourant de ses bras les jambes de son amie, comme un enfant en pleurs cherche l'amour de sa mère pour le consoler de son chagrin. Enfin… je ne mérite pas Vitalio, je… je te le laisse, tu le mérites plus que moi… »

Éliana eut alors un rire à la fois jaune et étranglé :

« Tu ne m'as donc pas comprise ? La souffrance est bien la dernière chose qu'il me viendrait à l'esprit de t'infliger. Il m'a pourtant bien fallu m'y résigner – et quand je dis m'y résigner, c'est un bien grand mot, j'ai bien failli vomir à chaque bouffée de souffrance que nous t'infligions, Vitalio et moi ! – pour te délivrer de ta déplorable situation – et pourtant si… révélatrice de tes sentiments vis-à-vis de Vitalio –… Je te n'en ai pas sorti pour t'en mettre dans une autre – moins affreuse, certes, mais affreuse quand même – en m'emparant de Vitalio et surtout, surtout, en te laissant la possibilité de t'en vouloir en ayant le sentiment que c'est ta faute si je suis à présent avec lui ! Surtout que je n'en veux pas moi, de Vitalio, non pas que je ne l'aime pas, mais bien parce que je ne l'aime pas assez pour en faire un… petit-ami, expliqua Éliana en grimaçant à l'utilisation du dernier mot. De plus, si quelqu'un a besoin de lui, c'est bien toi, alors efforce-toi de le garder toujours près de toi quoi qu'il arrive, au lieu d'essayer de le refiler à la première venue, ou c'est moi qui pleurerait dans tes bras, la prochaine fois ! Vous êtes fait l'un pour l'autre, point final.
– M… Mais… Tu n'es pas la première venue ! Tu es la plus jolie, la plus intelligente, la plus…
– Tu essayes de me flatter pour mieux me le refiler ? s'enquit la jeune fille, une flamme agitée dans les yeux, apeurant Célinda.
– Je… N… non. C… C'est la vérité… Mais… et toi ?
– Quoi, et moi ?
– Je… tu sais très bien de quoi je veux parler…
– Non, pas vraiment. »

Éliana avait prononcé cette réplique avec une telle sincérité que Célinda, déstabilisée, crut à la disparition de l'étincelle de complicité qui jadis existait entre elles.

« Je… je ne veux pas te remplacer par Vitalio… Enfin, pas comme ça, pas en te laissant seule…
– Me remplacer ? Tu choisis mal tes mots, Célinda…
– C'est que… tu… balbutia Célinda, de plus en plus gênée. Enfin, je ne veux pas te laisser seule ; si… si Vitalio et moi nous… enfin, si on… tu risques de te retrouver bien seule si…
– Essaie donc déjà de trouver le moyen de reconquérir l'amour de Vitalio…
– Fallût-il déjà qu'il existe…
– … je doute que ce soit facile, du moins assez facile pour que tu envisages aussi tôt l'avenir de cette manière… je ne doute cependant pas que ce soit plus facile que de rétablir l'amitié qui jadis vous unissait, sur ce je te laisse, j'ai d'autres choses à faire que d'essayer de te convaincre de la véracité de mes propos…
– Non ! Éliana ! Ne pars pas ! Je… t'en… supplie ! » enjoignit Célinda, en essayant d'entraver le mouvement des jambes de son amie.

Celle-ci parvint presque à se libérer de l'étreinte de la jeune fille mais cette dernière réussit à la resserrer ce qui eut pour effet de faire tomber Éliana. Célinda en profita pour la paralyser de tout le poids de son corps.

« Qu'est-ce que tu fais ? s'enquit Éliana, le souffle court.
– Je t'empêche de partir.
– Tu m'écrases, tu veux dire ! Tu devrais te mettre au régime ! »

Éliana profita de la stupéfaction produite par sa réplique pour se libérer de l'emprise de Célinda sans se préoccuper de son désarroi provoqué par son conseil, la laissant seule allongée par terre, tapant de son poing droit sur le trottoir, triste à en mourir.

« Mourir… Je veux… mourir… » sanglotait-elle.

Elle réalisa soudain qu'elle pouvait mourir, à présent ; elle n'était plus libre, n'avait plus aucun contrôle sur sa destinée. La jeune fille pleura de plus belle. La seule façon de changer son destin se réduisait à ces quelques mots : mourir quand elle en déciderait. Une bien pâle consolation comparé à ce qu'elle aurait été capable de faire si elle avait encore été libre… Mais était-ce bien un choix de mourir "à son bon vouloir" ? N'était-ce pas une illusion de liberté, de maîtrise sur sa destinée ? N'était-il donc pas écrit quelque part qu'elle mourrait tel jour de sa propre main à tel endroit en ayant l'illusion d'avoir ainsi eu une emprise sur sa destinée pour la première fois de sa vie ?