Justice, gloire et Graffias. de illapa

Inexorablement, la nuit finit par tomber. Le directeur Cathode, le chef Carbonara et Ikse s'étaient enfermés dans le bureau. Chacun avait mis son grain de sel dans la discussion, chaque idée avait été notée, et ils étaient à présent en train de les examiner. Ikse leur servait d'arbitre, car comme il l'avait déclaré : « c'était le rôle de la Justice ». Puis il avait commencé a faire faim, et chacun avait libéré ses compagnons pokémon. Puis les cuisiniers, aidés de leurs amis, avaient envahi la cantine du 5eme étage pour nous préparer un véritable festin, et ce, en un clin d'œil. C'était assez intéressant de les observer : ils semblaient respecter une certaine hiérarchie, et chacun avait sa tâche, comme une ruche. Il en allait de même pour leurs pokémon : un insécateur pour couper la viande, un magby pour flamber certains trucs, un monsieur mime pour touiller une grande gamelle, un apitrini aidait aux desserts, une écrémeuh pour la crème, le goinfrex avalait les restes, le capumain s'occupait de déplacer des ustensiles, il y avait un carabaffe qui s'occupait de la vaisselle, et un nirondelle qui la séchait...
Parallèlement, en contrebas, on voyait toujours la foule et les policiers, immobiles, patients, avec leurs caninos et malosses. Seules semblaient bouger les lumières rouges et bleues de leurs gyrophares. C'était un étrange spectacle.
-Étrange spec... c... ctacle, hein ?
Je sursautai. A côté de moi se trouvait Yildun, tenant un gros morceau de fromage sous une patte.
-Hé, comment es-tu rentré ?
-Le cu... cu... cuisinier qi... qui bosse ici me laisse toujours entrer pour me donner un petit truccc. Les temps sont durs pour un pauvre petit co... co... cornèbre esseulé.
-Tu te moques de moi ? Depuis quand les cornèbres mangent du fromage ?
-Vraiment durs.
Je le regardai avec insistance. Il finit par avouer à demi :
-C'est pas mauvais cela dit. Faut s'habituer. Ce Ke... ke... Ketchup a vraiment des idées bizarre. Ki... Ki... Kiffa se demande ce qi... qi... qui vous est arrivé.

Nouvelle séance d'explications. Cela faisait longtemps, ça m'avait presque manqué... ou pas. Yidun parut songeur.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Ki... Ki... Kiffa a raison. Les vents du changement soufflent de nouveau. Il faut savoir prendre le bon cou... cou... courant si on ne veut pas être éc...c... crasé par le cyc... c... clone.
-C'est pour cela que tu nous as aidé ?
-C'est bien possible. Oui, bien possible. Bien, j'ai fini. J'y vais. A la revoyure.
Et il y alla.
Je me demandai vaguement s'il existait concrètement un vent du changement. Les choses changeaient, mais je ne pensais pas que cela avait quoi que ce soit à voir avec les vents. Je me demandai aussi si ce que le cornèbre avait dit était vrai, et si Ikse en profiterait. Quelques minutes plus tard, je crus voir discuter l'oiseau de nuit avec l'inspectrice Arcanin.
Je fus soudainement tiré de mes pensées par CorLéonis qui venait me défier à la course de slalom entre les pieds des tables alignées. Son frère l'avait battu à plate coutures, mais avait aussi gagné le tournis. Mais nous ne pûmes nous mesurer, car à ce moment, le chef Carbonara, le directeur Cathode et le connu Ikse firent une entrée remarquée dans le réfectoire.

Le chef prit la parole :
-Ok les gars et les « garses » ! Voilà le menu ! On a du pain sur la planche ! Le directeur va lancer une chaîne rien que pour nous ! On va l'appeler Aliment'ère, pour l'ère de l'aliment ! On reprend notre émission, et on va en faire d'autres ! Des recettes, des concours, des découvertes, des reportages... On a tout planifié ! Ça peut marcher ! On va pouvoir mettre du beurre dans les épinards ! Ketchup !
Le rouquin et son goinfrex se mirent au garde-à-vous.
-Barbecue et Curry vont s'occuper de faire la tambouille ici. Ça devrait pas leur poser de problème, jusque là ils faisaient que donner des cours du soir. Toi, tu pars en mission ex-crème-ment spéciale. Le petit cornichon là va te mettre au parfum.
Le « petit là » pris donc la parole avec son enthousiasme de justicier du dimanche.
-Il faut aller à Six-Thé...
Et fut interrompu par des murmures scandalisés.
-Mais il y a pleins de spectres là-bas !
-Plus maintenant. Ils sont partis il y a quelques jours. Il faut qu'on fasse quelque chose pour reconstruire la ville ! Il faut y replanter du thé, des baies, il faut ramener un peu de vie ! J'ai appelé Miss Rhododendron de la team Flora. Il faudra passer au Parc Floral. Ils peuvent nous donner des plantes à cultiver. Ce qu'ils veulent en échange, c'est des pokémons plantes pour repeupler le parc.
Je m'occuperai de ça dès demain. L'infirmière Joëlle et Leveinard de Six-Thé sont prévenues aussi, elles vont préparer tout ça.

Ketchup, comme les autres cuisiniers et les employés n'en revenaient pas.
-Pourquoi faire un truc pareil ?
Le chef Carbonara intervint :
-Le petit nous a rendu service, à nous de faire de même. Il veut construire sa team, et j'ai dans l'idée qu'il ira loin. Mais pour ça, il lui faut une base, et elle sera là-bas, dans cette ville. Et on va lui rendre son service. On va lui filer un coup de spatule. Faire revivre une ville, c'est des clients potentiels supplémentaires pour les années à venir. Relancer le commerce du thé des baies et des matières premières, c'est nos affaires. Azha !
Il dégaina une faibloball et fit entrer en scène une apitrini.
- Azha va t'accompagner. Si vous parvenez à lui refaire une ruche, elle pourra évoluer en apireine et vous sera d'une grande aide. Tu as compris, Azha ?
-Oui, Maître Carbo !
Ainsi la capsule changea de main. Ketchup n'avait pas l'air très heureux, mais il lui faudrait sans doute faire avec. Son chef l'encouragea :
-T'inquiète, y a d'autres gars désœuvrés dans les autres villes, je les enverrai mettre la main à la pâte.
Puis se tournant vers Ikse il ajouta :
-Dis donc, p'tit cornichon, t'as le badge du vieux Luc Arne ?
-Hein ? Oh, oui. Je veux les obtenir, pour devenir assez puissant et connu afin de rétablir la justice à Poëll.
-Ah, dans ce cas, prépare-toi à affronter le champion de la ville demain. Ça va être chaud-bouillant !

Finalement, cette histoire se résolut lorsque chacun quitta la tour par la porte de derrière. Puis Ikse referma a clé. Discrètement, je récupérai l'objet dans sa poche et la laissai dans un coin. En nous éloignant, je vis le « coco cornèbre » fondre dessus, m'adresser un salut de l'aile et disparaître dans la nuit. Je crois que Ikse s'en aperçut mais il me laissa faire.
Seul le directeur resta dans le bâtiment. Ikse se glissa dans la foule amassée devant. A l'intérieur, on vit Cathode tirer les meubles qui barricadaient l'entrée. Et lentement, les mains sur la tête, il sortit.
-Directeur Cathode !
Dès qu'il le reconnut l'inspecteur de police se précipita vers lui.
-Bonsoir inspecteur. Que se passe-t-il ?
Les explications du vieil homme choquèrent tout le monde. Il n'y avait pas d'otage. Seulement des employés désireux de faire entendre leurs revendications. Tous avaient quitté la tour, il n'y avait eu aucun blessé, les négociations avaient eu lieu dans le calme. Il ne dénonça personne, car dit-il, il n'avait personne à dénoncer. L'inspecteur trouvait cela louche, et l'emmena au poste pour écouter ce qu'il avait à dire, vérifier qu'on ne le faisait pas chanter... J'eus vaguement l'impression qu'en partant, il nous adressa un sourire. Par la suite, les policiers examinèrent la Tour Demain, mais ne trouvèrent aucune trace de violence ou de combat, en dehors de deux malheureuses fourchettes et d'une casserole abandonnées dans un évier. Et chose étrange, ils ne trouvèrent aucune autre issue que la porte principale.

Le lendemain, Ikse fut convoqué au commissariat, dans le bureau de l'inspecteur lui-même. Cathode se trouvait là, ainsi que l'inspectrice Kiffa.
- Tu es Ikse, c'est ça ? Je suis l'inspecteur Durite. Enchanté. Le directeur m'a tout raconté. Quelle histoire ! Mais un truc m'intrigue... Comment es-tu entré dans la tour ?
-Oh, heu... par derrière.
-Il n'y a pas d'entrée derrière. La tour a été construite de sorte qu'on ne puisse pas l'infiltrer par derrière. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas de fenêtre sur la façade arrière.
-Il y a une porte. Une issue de secours, je crois.
Le directeur objecta :
-Elle est fermée à clé. On a perdu la clé il y a des années. Je m'en souviens très bien, ça avait fait tout un bazar.
-Je l'ai trouvée par terre. Malheureusement, je l'ai reperdue. Je crois qu'un cornèbre l'avait volée, l'a laissé tomber et l'a récupérée.
Il est évident que personne ne crut à cette histoire. Même moi je n'y croyais pas, et pourtant, je savais que c'était la vérité. Mais ils étaient assez malins pour savoir qu'ils n'en sauraient pas plus. Et que Ikse était trop bête pour mentir.
Durite reprit son interrogatoire :
-Pourquoi es-tu intervenu ? Ça aurait pu très mal se passer.
Mon dresseur protesta :
-De même que si je n'étais pas intervenu.
-Pourquoi as-tu pris ces risques ? Quelles sont tes motivations ?

Et voilà. Nouvelle séance « Apologie de la Justice et ses Devoirs Sacrés, Immuables, Inaliénables, Inexorables, In-autre-truc-en-able. ». Les deux autres l'écoutèrent, figés. Il fallait bien avouer qu'il avait de la motivation à revendre. D'ailleurs, il aurait vraiment dû en mettre aux enchères, ça m'aurait épargné certains ennuis.
Tout à coup, mon regard tomba sur une photo dans un cadre sur le bureau. On y voyait un homme, dans la force de l'âge, les cheveux châtain foncé, vêtu d'un grand manteau marron, et... portant deux petits pokémons dans ses bras. Un caninos et un lixy, âgés de quelques mois à peine. L'homme avait un regard grave, mais son sourire était franc. Je n'eus aucune difficultés à deviner qui était cet homme. Sans doute l'inspecteur Arbracames. Avec CorCaroli et CorLéonis bébés. Ça me faisait bizarre de voir la photo d'un homme quelques mois avant sa mort.
A côté de nous, Durite s'était mis à rire.
-Hé bien petit, tu ne manques pas de cran. Tu me fais penser à Arbracames. Mais ça ne sera pas aussi simple. Tu est encore très jeune, peut-être même trop. Mais je suppose qu'il ne sert à rien de t'empêcher d'avancer ?
-En effet.
Le directeur pris la parole :
-Tu sais, Ikse, si certaines teams apprennent que tu veux les arrêter, elles n'hésiteront pas à t'écraser. Alors en attendant d'être prêt, garde un profil bas. Et quand tu auras assez de badges prouvant ta valeur en tant que dresseur, quand tu seras prêt à les affronter, préviens-moi. Je te ferai connaître. Ta célébrité pourra être un atout considérable.
-Comment ça ?
-Dès l'instant où les teams t'auront fiché comme ennemi, chacun de leurs membres saura qui tu es, et connaîtra ton visage. Alors quitte à être connu de tous ses ennemis, autant être connu de tout le monde. Qui sait, peut-être trouveras-tu des alliés inespérés et des gens qui viendront te rejoindre.
-Et puis, ajouta Durite, c'est plus dur d'assassiner une célébrité. Ça fait des vagues, et on ne sait jamais quelle team pourrait avoir l'idée de venger sa mort.
-Je vois. Je vous remercie.
Le directeur Cathode se leva et déclara franchement :
-Bien ! Maintenant, suis-moi ! J'espère que tu es prêt, le champion de la ville t'attend !