Altaïr et Lesath 2. de illapa

Il retrouva le petit pokémon dans la sapinière, allongé devant une pomme de sapin.
-Lesath ? Qu'est-ce que tu fais ?
-Chut ! Tu vas lui faire peur ! Petit, petit ! Viens !Je suis un gentil togetic ! Viens petit...
L'absol se cala sur un matelas d'aiguille et observa son ami en plein contemplation du fruit de conifère. Après tout, il était juste censé le surveiller, il n'était pas forcé entrer dans ses délires. Il attendit donc silencieusement que Lesath ait fini son cirque. Ce fut long, mais finalement, cela avait sans doute demandé moins d'efforts au pokémon désastre. Puis son ami vint joyeusement se carrer juste sous sa (petite) truffe.
-Alors, tu voulais quoi ?
-Qu'est-ce que tu faisais ?
-Oh, je cherchais l'esprit de l'automne !
Altaïr regarda son joyeux ami avec désolation. Il était à peu près certain que l'esprit de l'automne ne vivait pas dans les pommes de sapin, et il s'y connaissait en pomme de sapin. L'été, elles avaient un goût sec et un peu piquant, l'hiver un goût plus âcre, boueux. On trouvait les meilleures au printemps et à l'automne, quand elles étaient encore assez croustillantes, mais que l'humidité révélait toute les subtilités de leur goût et de leur odeur, fortes et résineuses. Si quelqu'un vivait là-dedans, il le saurait. Il l'aurait entendu râler chaque fois qu'il y mettait un coup de croc.

Ce qui le ramenait toujours au même problème. Le togetic avait encore et toujours la tête farcie d'idées bizarres. Altaïr commençait à avoir l'habitude. Il avait de la patience. Et une mission.
-Qu'est-ce qui te fais croire qu'il y a un esprit là-dedans ?
-Pourquoi il n'y en aurait pas ?
-Je l'aurais remarqué quand je grignote ces trucs.
-Oh.
Le petit porte-bonheur avait l'air déçu.
-Mais alors, qu'est-ce qui ouvre et qui ferme les pommes, quand il pleut et tout ?
Altaïr fut pris au dépourvu. Il n'en avait aucune idée, et il ne s'était jamais posé la question. Tiens, d'ailleurs, c'était vrai... Qu'est-ce qui ouvrait et fermait les pommes de sapins et autres pins selon le temps ?
-Je ne me suis jamais posé la question.
-Vraiment ? Tu n'es pas curieux de savoir ce qui fait ça ?
-Je suis surtout curieux de savoir si elles auront bon goût.
« Et de savoir si ma mère n'est pas dans les parages quand j'en croque une », pensa-t-il. Elle avait toujours eu le chic pour le prendre en flagrant délit et lui répéter qu'il ne devait pas en manger parce qu'il s'étouffait avec les écailles quand il était petit. Lesath était encore désappointé.
-Oh. Alors, qu'est-ce que tu voulais ?
-Je m'inquiétais juste. Je voulais savoir où tu étais et ce que tu faisais.
C'était un mensonge qui en valait un autre. Il fallait juste que Lesath y croie.
-Ah. On rentre alors ?
Oups. Vive les gaffes.
-Bof, maintenant que je suis là, j'ai envie de me promener. Tu viens avec moi ?
Pendant quelques secondes, le pokémon vol regarda son ami d'un air dubitatif. Avant de s'exclamer :
-Ouais ! Alors, on va où ?
-Je pensais aller...
Il se ressaisit. Ce n'était pas le moment de faire une seconde gaffe.
-Je sais pas trop. Tu as une idée ?

Un peu plus loin et tard, les deux compagnons se retrouvèrent à longer la rivière. Quand soudain Lesath déclara avec joie et sérieux :
-Altaïr, tu es bizarre aujourd'hui !
L'absol sentit ses poils se hérisser. L'autre se doutait de quelque chose. Il fallait qu'il reste calme. Il ne devait rien laisser paraître.
-V... Vraiment ? Pourquoi tu dis ça ?
-Parce que tu n'es pas comme d'habitude.
-Ah ?
-Oui. D'habitude, tu ne proposes pas qu'on se promène ensemble.
Dans un éclair de génie, l'absol rétorqua :
-Oh, c'est juste que je suis de bonne humeur.
Mais le togetic avait le chic pour poser des questions embarrassantes.
-Alors pourquoi tu es nerveux ?
-Ben...
Trouver quelque chose de convaincant, trouver quelque chose de convaincant...
-C'est juste que je n'ai pas l'habitude.

Il y eu un instant aussi blanc que chacun des deux pokémon, durant lequel l'absol réalisa ce qu'il venait de dire et s'envoya un bon chapelet d'injures. Puis le togetic éclata de rire, avant de répliquer :
-C'est vrai, mais c'est pas grave ! Je t'apprendrai si tu veux !
N'ayant pas fini de se maudire, mais content d'avoir évité la catastrophe, Altaïr continua la discussion :
-Je ne suis pas sûr qu'on puisse apprendre ce genre de truc.
-Et pourquoi pas ?
-Comment veux tu apprendre ça ?
-Avec de la volonté !
L'absol soupira. Évidemment. La conversation promettait d'être laborieuse. Mais heureusement , Lesath se plongea dans un monologue avant de se lancer - et Altaïr redoutait ces moments-là - dans la narration d'une de ces histoires abracadabrantes.
Ces histoires...
Lesath disait souvent qu'on avait beaucoup à apprendre d'elles.
Altaïr eut soudain une idée lumineuse. Il espérait juste avoir le temps.
Sinon, il aurait au moins son idée pour l'an prochain.


Le soir tombé, Altaïr emmena son ami jusqu'au sanctuaire de la Feunarde. Le lieu avait été décoré de guirlande de fleurs et de lampions, et chacun avait ramené un petit quelque chose à manger, ce qui laissait finalement présager des estomacs lourds et des digestions difficiles.
Lorsque Lesath arriva, tout le monde beugl... entonna un « Joyeux Anniversaire ». L'intéressé resta figé de stupeur avant de glisser du dos de son ami et de bafouiller un truc incompréhensible, que tout le monde interpréta comme « Merci, mais vous n'auriez pas dû, c'est trop... »
Et tandis que le togetic saluait tout le monde, se faisait féliciter, Altaïr s'éclipsa en embarquant le Mr Mime responsable de l'entrepôt des objets humains trouvés...
Après une rapide recherche, l'absol trouva enfin ce qu'il cherchait. Une boîte. Simple, petite, en plastique. Et un truc nommé « cadenas ». Ensuite, il prépara son cadeau et courut l'offrir à Lesath.

Lorsqu'il revint à la fête, le petit porte-bonheur était en train d'ouvrir son cerf-volant, en arborant fièrement le chapeau façon aventurier que CorLéonis lui avait offert, et un foulard vert, cadeau de Tegmine. Arriva celui du pokémon désastre. Qui eut pour effet de ravir le pokémon bonheur.
-Oooh, une boîte ! Super ! Comment tu l'ouvres ?
-Elle ne s'ouvre pas. C'est une boîte magique.
-Mais il y a un truc dedans !
-Exact. Seulement tu ne peux pas l'ouvrir. C'est pour ça qu'elle est magique.
-Vraiment ?
-Oui. Dedans, j'y ai enfermé l'imagination. Si tu ouvres la boîte, l'imagination s'en va. Mais peut-être n'y ai-je mis qu'un bonbon magique. Un fabuleux bonbon, qui a comme goût le rêve,
comme parfum l'aventure, et comme emballage l'imaginaire. A toi de voir.

Comme il s'y attendait, Lesath avait les yeux un peu trop brillants, comme à chaque fois qu'une histoire était en jeu. Altaïr n'avait pas fini d'entendre parler de cette boîte. Et il n'avait pas fini de formuler sa pensée que le receveur de la boîte magique voletait partout pour la montrer à tout le monde et raconter ses histoires.
-Une boîte magique, hein ? Brillante idée, petite truffe ! Je n'aurais jamais pensé à ça, et encore moins que tu puisses trouver une idée pareille...
Il n'avais pas entendu approcher CorLéonis, mais le vieux lion aimait bien apparaître à l'improviste. Il semblait presque avoir un don pour ça.
-Oh, je me suis juste souvenue d'une histoire que Lesath aime raconter. Un truc avec des enfants perdus qui ne veulent pas grandir et une île imaginaire qui vole dans le ciel... C'est sa préférée.
-Ah, celle-ci... Cela ne m'étonne pas de lui...
Altaïr sourit. Il avait réussi à rendre Lesath fou de joie, et en plus à impressionner le vieux lion. Il était fier de lui. Seulement, il n'avait pas fini d'entendre des histoires abracadabrantes.
Et il ne lui restait plus que 365 jours pour trouver un nouveau cadeau d'anniversaire pour le togetic...