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Des vacances mouvementées... de Don d'ARCEUS



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» Auteur : Don d'ARCEUS - Voir le profil
» Créé le 31/07/2010 à 11:09
» Dernière mise à jour le 04/07/2012 à 20:08

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Souffrances et révélations
Elle marchait, silencieuse, les poings serrés dans les poches de sa veste. Pourquoi, mais pourquoi avait-il fait ça ? Tout avait pourtant si bien commencé... Pourquoi n'avait-il pas lui aussi fui l'explosion ? Elle en avait marre de marcher. Elle ne voulait cependant pas s'arrêter. Elle devait respecter la dernière volonté du jeune garçon. Elle ne connaissait même pas son nom !

Elle marchait. Depuis longtemps. Elle était épuisée. Depuis longtemps. Elle continuait à marcher. Depuis longtemps.

Ses larmes avaient cessé. Depuis longtemps. Sa peine était toujours là. Avait toujours été là.

Elle n'avait plus aucun but dans la vie. Depuis longtemps.

...

Elle n'était pas son ami. N'était-elle donc rien pour lui ? Elle se forçait à croire que oui. Elle n'osait penser à l'autre alternative. Elle n'était pas... correcte. Logique. Cela ne se pouvait pas. Il lui aurait dit. Du premier coup. Il ne l'aurait pas laissée souffrir ainsi. Non, ça ne pouvait pas être ça.

...

Elle marchait. Depuis une éternité.

Elle ne s'arrêta pas lorsqu'elle entendit des bruits de pas qui se rapprochaient. Elle les ignora, perdue dans ses pensées. Ils se rapprochaient de plus en plus. Elle les ignora de plus belle. Ils la rattrapaient. Elle ne tourna pas la tête. Ils se mirent alors en travers de sa route. Elle les contourna, les yeux dans le vide. On l'obligea à s'arrêter. Elle ouvrit vraiment les yeux. Lui ! Elle n'en crut pas ses yeux. Elle lui sauta au cou, sanglota. Longtemps.

« Tout est fini. Viens avec moi. Nous rentrons.
– Où... où ça ?
– Chez toi, bien sûr ! dit-il, en souriant. Tu me permets de te porter ?
– Oui... »

Il la prit dans ses bras, plus doucement qu'à l'accoutumée, l'installant confortablement comme jamais il ne l'avait installée. Elle soupira d'aise. À peine la prit-elle qu'il la déposa à terre. Célinda remarqua alors qu'ils étaient devant chez elle – déjà ? Le jeune homme sentit une crainte grandir brusquement en elle. Célinda se tourna vers lui après avoir longuement contemplé sa maison :

« Je... Tu restes avec moi ? Enfin, je veux dire... Tu... Oh, je suis nulle... »

Célinda eut un petit rire nerveux. Il resta silencieux.

« Tu... tu m'aimes ? »

Le jeune homme enlaça la taille de la jeune fille, la contempla de ses yeux couleur d'améthyste, approcha ses lèvres des siennes... Célinda ferma les yeux. Elle en avait si souvent rêvé. Elle attendit. Longtemps. Quand enfin elle ouvrit les yeux, ce fut pour remarquer que le jeune homme n'était plus là.

Quelque part, quelqu'un explosa de rage. Littéralement.

Célinda se demandait la raison du départ du jeune homme lorsqu'elle vit la voiture de sa mère arriver. Le garçon avait dû la remarquer depuis longtemps avec ses superpouvoirs. Il avait pris le risque de se faire voir. Peut-être voulait-il garder son existence secrète ? Quoi qu'il en soit, la jeune fille espérait que le garçon reviendrait vite.

La nuit fut longue. Célinda ne supportait pas l'idée que le jeune homme ait fui sa mère et elle-même, par la même occasion. Ses parents n'auraient-ils pas pu repasser une nuit à l'hôtel ?

Le lendemain matin, le réveil fut dur : Célinda ressentit l'absence du jeune homme comme un coup de poing au ventre. Elle prit son petit-déjeuner, s'habilla, fit sa toilette puis se mit en tête de partir à la recherche du garçon ; il devait sans doute être retourné dans la forêt la veille.

Mais lorsqu'elle ouvrit la porte, elle ne put pas la franchir : l'homme aux ténèbres était là.

« On sort jeune fille ?
– Oui. Il faut que je le retrouve.
– Comment se peut-il que tu sois encore en vie ? »

Il parlait de l'explosion. Célinda en aurait mis sa main au feu. Elle lui raconta comment le garçon l'avait tirée d'affaire, en disant qu'elle n'en avait plus eu aucune nouvelle depuis.

« Tu comptais le chercher dans la forêt ?
– Oui pourquoi ?
– Nous l'avons déjà fouillée de fond en comble. Il n'y est pas. Tu ferais mieux de rester chez toi, au cas où il s'y pointe... »

Célinda acquiesça. L'homme la salua puis s'en alla.

La jeune fille attendit. Longtemps. Si longtemps qu'elle reçut bientôt les notes de son examen, en même temps qu'une proposition de se voir de la part d'Éliana. Éliana. Elle l'avait presque oubliée celle-là. Elle accepta le rendez-vous à la seule condition que ce soit son amie qui vienne chez elle. Une condition qu'Éliana eut tôt fait d'accepter.

Elles se virent donc, comparèrent leurs résultats, discutèrent... Mais Éliana voyait bien que quelque chose n'allait pas. Elle était à vrai dire du genre perspicace.

« Célinda ?
– Oui ?
– Tu veux bien me dire ce qui ne va pas ?
– Je... je n'ai pas envie de t'embarquer dans toute cette histoire...
– Quelle histoire ? Raconte-la-moi ! S'il te plaît ! »

Rien que le fait de révéler qu'elle était dans une galère pas possible avait soulagé Célinda. Elle ne s'arrêta pas là.

« Et tu dis que la dernière fois que vous vous êtes vus, il t'a prise par la taille et...
– Et rien...
– Mais... Pourquoi ?
– Je t'ai déjà dit que c'est sans doute à cause de l'arrivée de ma mère...
– Ça ne tourne pas rond.
– Ah bon ? Et pourquoi donc ?
– Bah... Même le grand amour ne se cache devant personne... À moins que la personne en question lui soit hostile...
– Mais... il ne connaît même pas ma mère !
– Tu ne l'as pas vu avec elle ; c'est différent !
– Bon... Qu'est-ce que ça change, alors ?
– Eh bien, selon toute vraisemblance, il s'est passé quelque chose entre ta mère et ce garçon...
– Quelque chose... Peut-être, mais quoi alors ?
– Ça, j'aimerais bien le savoir...
– Je... Peut-être que si je demandais à ma mère...
– Mauvaise idée...
– Pourquoi ?
– Ça m'étonnerait que ta mère se plaise à raconter ses peines ou ses prises de tête avec qui que ce soit à quelqu'un – sauf ton père –, y compris sa fille.
– Tu marques un point. Mais comment on va savoir ce qui s'est passé entre ces deux personnes, alors ?
– Il suffit de demander à ton "ami"...
– Oui... Enfin, il faudrait déjà qu'il revienne... »

Un silence s'installa, que Célinda finit par rompre :

« Eh, mais attends ! Ton hypothèse ne tient pas la route !
– Pourquoi donc ?
– Ma mère n'est pas là et il ne revient pas.
– Oui, mais moi, je suis là !
– Avant, non. Il ne doit plus m'aimer. Voilà tout. En fait, il ne m'aime pas depuis le début. La voilà l'explication...
– Mais...
– Inutile de se morfondre, il faut avancer.
– Tu ne verses aucune larme ? Tu ne mets pas définitivement une croix sur ce garçon, tout de même ?
– Si. Ce sera mieux.
– Tu es sûre de le vouloir vraiment ? Que ce n'est pas sous le coup de son absence inexpliquée ?
– Elle n'est pas inexpliquée ! Tout effet a une cause, et la cause de son absence est toute trouvée...
– Viens on va prendre l'air... »

Elles sortirent. Leurs pas les amenèrent à la forêt. Au niveau du chemin où elle avait entendu les voix des jours et des jours auparavant, Célinda commença à commenter le paysage en s'enfonçant profondément dans la forêt, comme précédemment, sauf que cette fois-ci, elle était suivie de son amie qui l'écoutait attentivement sans l'interrompre.

Soudain, les jambes de Célinda tremblèrent si fort sous l'effet d'infimes réminiscences et pourtant si nombreuses. Elle ne pouvait plus contenir son désespoir. Elle allait craquer. Elle posa genou à terre. Elle remarqua à peine son amie faire de même tant ses yeux étaient remplis de larmes prêtes à couler au moindre relâchement de sa part. Éliana la prit dans ses bras.

« Pleure... Soulage-toi...
– N... non. Je ne dois pas...
– Mais ce n'est pas une obligation ! C'est une nécessité !
– Je... N'importe quoi.
– Ne joue pas à la plus fine avec moi. Tu peux peut-être tromper les autres, mais pas moi. Je suis ton amie, Célinda ! Ton amie !
– Oui mais... Je... C'est impossible... Je veux comprendre pourquoi il m'a laissée devant chez moi toute seule, sans un mot, sans prévenir !
– Oublie-le ! Il t'a fait plus de mal que de bien, et si tu continues à penser à lui, il t'en fera davantage. Arrête de te torturer ! S'il t'aimait réellement, il se serait déjà passé un truc ! Oh comme je le hais... Il a fait de toi...
– Tu ne peux pas le haïr sans le connaître... Même moi je ne le peux pas...
– Au diable ses yeux mauves qui te donnent le tournis, ses traits émaciés, son corps finement musclé, sa voix rauque et son aura intimidante ! Oublie-le, je te dis !
– Je... mais je l'aime ! Tu ne comprends donc pas ?
– Mais lui il ne t'aime pas le moins du monde ! Comment peux-tu vouloir d'un tel amour ?
– Je ne veux pas d'un tel amour, mais puisqu'il ne peut en être autrement, je m'y résigne.
– Mais où est donc passée la vraie Célinda ? Celle que je connais depuis toute petite, celle qui a des nerfs d'acier trempé, celle qui regarde la vérité en face, avec un discernement total, celle qui est la plus mature au monde ? désespéra Éliana, en se redressant.
– Cette Célinda-ci a disparu...
– Au profit de qui ?
– Au profit d'une autre...
– Et quelle autre ! Mais... »

Éliana s'interrompit. Célinda essuya ses yeux du revers de la main pour pouvoir distinguer la cause de son trouble. Il était là. Et, comme à chaque fois qu'il réapparaissait après une longue absence, Célinda eut le sentiment qu'il avait toujours été là. Loin de lui porter l'attention que lui portait Éliana, le garçon se rapprocha de Célinda. Lorsqu'il fléchit les genoux et lui tendit une main pour l'aider à se relever, Célinda l'ignora. Elle avait les yeux fixés dans le vide. Quant à son amie, elle les contemplait, bouche bée. Elle n'avait pas imaginé le garçon comme ça ; il ressemblait pourtant mot pour mot à la description que Célinda lui en avait faite. Elle savait maintenant pourquoi Célinda s'accrochait autant à son amour, bien qu'il soit désespéré. En revanche, elle ne comprit pas sa réaction ; n'était-elle pas contente de le revoir ?

« Ainsi, tu es revenu...
– Je...
– Tais-toi !
– Mais...
– Ça te fait plaisir de me faire souffrir ? s'indigna Célinda.
– Mais...
– Ça te fait plaisir de me laisser seule ? Ça te fait plaisir de disparaître quand j'ai le plus besoin de quelqu'un à mes côtés ? Quand j'ai besoin de toi ? Explique-moi pourquoi tu me fuis comme ça, bon sang ! J'en ai marre de rester à l'écart de tous ces mystères ! Je ne sais même pas comment tu t'appelles ! Tu trouves ça normal, toi ? Je ne veux même plus te voir ! Je ne veux plus souffrir de ton absence, tu m'entends ? » s'exclama Célinda.

Le jeune homme lut dans les yeux de Célinda une haine et une souffrance sans limites, aussi décida-t-il d'obéir à la jeune fille. De toute la force de ses jambes, il courut donc, conformément à la volonté de Célinda. Cette dernière s'effondra, sous le regard affolé de son amie Éliana.


Lorsque Célinda se réveilla, les événements récents la frappèrent de plein fouet. Éberluée par son propre comportement, elle réussit à retenir un haut-le-cœur. Elle jeta un coup d'œil alentour pour se rendre compte qu'elle se trouvait dans sa chambre. Venait-elle de rêver ? Un drôle de poids sur le cœur la contredit soudain. Sans prêter aucune attention à son réveil, Célinda se leva et se dirigea vers la cuisine où elle surprit le jeune homme en pleine conversation avec Éliana. Elle se rendit alors compte de l'erreur qu'elle avait faite en lui révélant ce qui lui était arrivé depuis le début des vacances : voilà qu'elle cherchait à le séduire ! Et le garçon ne semblait pas indifférent à son charme : un sourire radieux que Célinda ne lui connaissait pas barrait son visage. La respiration haletante, elle revint silencieusement sur ses pas, se rallongea sur son lit et enfouit son visage dans l'oreiller. Pour pleurer. Silencieusement.

Le jeune homme fit alors irruption dans sa chambre.

« Va-t'en ! Je ne veux plus te voir ! Tu es... il n'y a pas d'adjectifs pour qualifier ta cruauté, ta perversité... »

Le garçon s'approcha de la jeune fille.

« Va-t'en, j'ai dit ! »

Il s'assit sur le lit.

« Tu es sourd ou quoi ? s'exclama Célinda. Je t'ai dit de t'en aller !
– Ce comportement ne te ressemble pas... Je te connaissais plus mature...
– Ha ! Tu es bien mal placé pour parler de maturité !
– Vraiment ?
– Ne fais pas l'innocent ! Tu sais très bien de quoi je veux parler ! »

En effet, le jeune homme voyait clairement à quoi la jeune fille faisait allusion.

« Je classerais plus mon geste dans la catégorie sagesse.
– Vraiment ? Et en quoi est-ce sage de me rendre jalouse ?
– Viens t'asseoir... » dit le jeune homme en tapotant la place à côté de lui.

Célinda s'exécuta sans mot dire, après un bref instant d'hésitation. Ils restèrent silencieux un moment, puis le jeune homme reprit :

« Je crois que tu tiens trop à moi...
– Mais c'est normal puisque...
– Oui mais non. Ça ne marchera pas entre nous deux. Il faut se faire une raison.
– Pourquoi...
– Tu te souviens lorsque je t'ai ramenée chez toi ? Eh bien, lorsque je t'ai prise dans mes bras, j'ai voulu t'embrasser...
– Pourquoi ne pas...
– Je n'ai pas pu. Je ne sais pas pourquoi, mais je n'y suis pas arrivé.
– Comment ça ?
– Je... je ne sais pas... J'essaie mais... c'est comme si il y avait un gouffre entre toi et moi...
– Réessaie pour voir... le défia la jeune fille d'une voix pleine d'espoir.
– Non.
– P... Pourquoi ?
– Parce que ta copine n'attend que ça... lui chuchota-t-il à l'oreille. Parce que, si je n'y arrive pas, tu ne seras pas prête de me revoir... Je ne supporterai probablement pas un nouvel échec.
– Qui te parle d'échec ?
– Je préfère ne pas prendre de risques...
– De quels risques...
– Celui de te décevoir, surtout.
– Tu me déçois surtout en restant passif... soupira Célinda.
– Oui, mais cette déception est négligeable devant celle que tu pourrais éprouver si jamais j'échouais à te... à...
– Tu as franchement un problème, c'est pas possible ! N'importe quel garçon rêve de pouvoir embrasser une fille. Pourquoi je suis tombée sur le seul qui n'en rêve pas ? »

Soudain, la main droite du jeune homme la propulsa en arrière, l'allongeant sur le lit, puis il se tint au-dessus de la jeune fille, les mains sur le lit, de chaque côté de la tête de Célinda dont la respiration était haletante. Sa poitrine se soulevait de façon si irrégulière que la jeune fille crut qu'elle allait mourir d'un arrêt cardiaque. Le jeune homme resta immobile un instant, le visage crispé juste au-dessus de celui, tendu, de Célinda, une lueur sauvage dans les yeux qui finit par disparaître aussi brusquement qu'elle était apparue. Il se rassit sur le bord du lit, enfouit sa tête dans ses mains tandis que Célinda se redressait, toujours le souffle court.

« Tu... tu es folle ou quoi ?
– Folle, moi ?
– Non, le pape !
– Hinhin très drôle ! »

Tandis que le garçon reprenait ses esprits, Célinda se contenta de calmer sa respiration et de régulariser les battements de son cœur.

« Ne fais plus jamais ça, tu m'entends ?
– Ça quoi ?
– Tu sais très bien de quoi je parle, ne joue pas à l'innocente avec moi !
– Et pourquoi ne devrais-je plus faire ça ?
– Parce que tu risquerais de le regretter la prochaine fois...
– Mais encore ?
– Tu veux vraiment le savoir ?
– Oui.
– Je n'ai réussi à me contrôler qu'à l'ultime seconde. Je crois que la prochaine fois, je n'y arriverais pas. Ou alors il sera trop tard. Alors il ne vaut mieux pas en arriver là, et donc en rester là.
– Si tu n'étais pas parvenu à te contrôler, qu'est-ce qui serait arrivé ?
– Je préfère ne pas y penser...
– Mais je veux savoir ! Tu ne vas pas me cacher ce que je veux savoir éternellement ?
– Oui, mais... il y a tellement de choses que tu veux savoir... ça pourrait prendre une éternité... se défendit le jeune homme en jetant un coup d'œil à Célinda dont le visage était impassible. Bon, d'accord, par quoi je commence ?
– Par le début...
– C'est-à-dire ?
– Ton prénom, pourquoi pas...
– ...
– Tu ne vas quand même pas ne pas répondre à cette question, tout de même ?
– Je crois que tu n'es pas la seule à te poser de telles questions...
– Que veux-tu dire ?
– Éliana désire autant que toi connaitre mon prénom, et la plupart des trucs que tu veux savoir...
– Oui, mais pas la totalité !
– Quelle différence ? Tôt ou tard, elle se posera les mêmes questions qu'elle n'a actuellement pas en commun avec toi...
– Mais... moi je les attends depuis plus longtemps ! s'emporta Célinda.
– Et ?
– Et elle a autant le droit que moi de savoir toutes ces choses que tu as gardée secrètes...
– Enfin je te retrouve... fit le jeune homme, en lui adressant un clin d'œil en même temps qu'un maigre sourire – mais pas celui, rayonnant, qu'il avait servi quelques instants plus tôt à son amie. Éliana ? Viens dans la chambre au lieu d'écouter aux portes ! »

L'intéressée entra dans la chambre de son amie, empourprée, évitant le regard haineux de Célinda. Cette dernière remarqua, écœurée, que son amie posa sa tête sur l'épaule du jeune homme sans que celui-ci ne fasse la moindre remarque. Elle voulut l'imiter, mais le garçon, par un infime mouvement de l'épaule droite, lui fit comprendre qu'elle aurait plutôt intérêt à ne pas le faire. Malheureuse à en mourir, elle obéit.

« Bien, vous vouliez savoir mon prénom : je m'appelle... Vitalio.
– C'est un...
– Je ne sais pas pourquoi je suis ainsi, je n'ai que des hypothèses ; si vous les voulez, je vous les offre : soit j'ai tellement laissé mon instinct me guider que je ne suis plus qu'à moitié homme, soit mes parents sont... spéciaux.
– Spéciaux ?
– Ou bien les deux. Je ne peux pas mourir. Je ne sais pas non plus pourquoi, c'est comme ça. Bien des fois j'aurais dû mourir, je n'ai fait que souffrir puis m'évanouir. C'est comparable à un Pokémon lorsqu'il tombe K.O. Sauf que je suis un homme – du moins en apparence. J'ai en effet l'impression que la seule chose qui me différencie d'un Pokémon est mon apparence, et peut-être aussi certaines... pulsions. C'est moi qui ai provoqué l'explosion dans la forêt. Elle venait de moi. J'ai explosé. Quand j'ai essayé de t'embrasser, je n'ai pas pu ; cet échec m'a tellement... énervé qu'il m'a fallu fuir pour exploser sans causer le moindre dommage à rien ni personne. Je ne suis pas revenu depuis car, lorsque le lendemain, j'ai vu que ce bonhomme entouré de ténèbres te rendait visite, je me suis dit qu'il avait truffé la maison de capteurs, enfin, qu'à présent, c'était un guêpier, quoi ! J'ai réussi à me convaincre du contraire juste hier, quand je suis venu à votre rencontre. Il faut dire que ta peine grandissante m'a aussi aidé à aller dans ce sens...
– Tu as omis l'essentiel... fit remarquer Éliana.
– L'essentiel ? » répéta le garçon en tournant la tête vers celle qui venait de parler.

Un silence pesant succéda à sa question ; bien sûr qu'il avait oublié l'essentiel, pourquoi leur demander ce que c'était, puisqu'il le savait, pourquoi jouer avec leurs nerfs ?

« Vitalio, Vitalio, Vitalio... soupira Éliana.
– Je n'ai pas compris pourquoi tu as posé la question alors que la principale intéressée est Célinda...
– Je pense qu'elle voulait savoir ce que tu penses d'elle, comment tu la trouves, bref, si tu... si tu... » l'éclaira Célinda, avant de se lever pour sortir de chez elle en courant, le cœur brisé.

Partir. Partir. Loin de lui. D'elle. Loin d'eux.

« Puisqu'ils sont si bien tous les deux, sans moi, qu'ils le restent ! »

Elle courut. Longtemps. Elle trébucha. Plusieurs fois. Elle se releva. À chaque fois. Ignorant toujours la nouvelle douleur qui s'ajoutait aux précédentes. Mais lorsqu'elle trébucha une énième fois pour tomber la tête la première dans un étang, elle ne lutta pas pour sa vie. Elle n'avait plus aucun sens. Inutile de continuer à se battre. Elle sentit l'eau pénétrer ses poumons, au fur et à mesure que sa vue se brouillait et qu'elle perdait la conscience. Quelle étrange sensation, si inhabituelle et pourtant si... agréable...

Elle attendait la mort, résignée, quand soudain, elle sentit l'air revenir dans ses poumons. En même temps que la vie. Et ces terribles douleurs qui l'accompagnent. Célinda lutta pour mourir. Ces souffrances qui revenaient vers elle la faisaient presque vomir. Elle ne voulait pas revenir à la vie, endurer de nouveau ces supplices... Mais elle eut beau lutter, elle ne parvint pas à mourir. Elle pleura. Comme si elle n'avait pas arrêté. Elle n'avait pas arrêté. Elle se sentit comme soulevée de terre. Peu après, elle perçut des mains la toucher avec douceur là où elle s'était blessée en trébuchant. Elle n'avait pas arrêté de pleurer. Elle avait, depuis qu'on l'avait sauvée, tenté de reprendre sa course mais elle n'y était pas parvenue. Jusqu'à ce moment où une fois encore elle sentit des mains toucher ses blessures. Elle se leva, ignorant la douleur, et courut malgré la visibilité réduite à laquelle l'obligeait ses larmes. Elle buta contre certains meubles avant d'atteindre la sortie du bâtiment où elle se trouvait. Elle avait presque atteint la sortie lorsqu'un obstacle lui barra la route. Elle fonça dedans sans le voir mais il ne bougea pas le moins du monde ; en revanche, l'impact lui coupa le souffle. La jeune fille se plia en deux pour tenter de retrouver son souffle. Des sons parvinrent à ses oreilles. Des sons qu'elle ne parvint pas à identifier, ou plutôt, dont elle ne parvint à identifier la signification. Ses yeux, humides, ne l'aidèrent pas non plus à identifier la source de ces sonorités. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'on l'empêchait de s'en aller. Et elle n'aimait pas ça du tout. C'est pourquoi elle força le passage en repoussant l'obstacle de toutes ses forces, ce qu'elle réussit à faire avec une facilité déconcertante. Lorsqu'elle fut enfin dehors, elle se rendit compte qu'elle ne savait pas où aller, qu'elle n'avait plus de larmes à verser. La peine était pourtant toujours présente, elle.

Célinda se retourna et vit alors le garçon aux yeux mauves. Elle ne sut pas pourquoi, mais elle le trouva plus beau que la première fois qu'elle l'avait vu, malgré le fait qu'il se meut beaucoup plus lentement qu'à son habitude. Son visage affichait une expression à la fois exaspérée, étonnée et inquiète. Une expression que Célinda n'avait jamais vue sur son visage. Lorsqu'elle planta son regard dans ces yeux, elle y lut un si grand bonheur qu'elle s'évanouit – elle n'avait pas envisagé que le garçon put éprouver ce sentiment aussi intensément sans elle ; cela lui donna autant le vertige que l'envie de vomir.