DH Project de Kalista

Ca aura été long, mais voici enfin le chapitre 20. Toutes mes excuses pour l'attente excessivement longue. Je pourrais dire que le 21 arrive bientôt, mais j'ai peur que ça devienne encore un retard monstrueux, aussi... le 21 arrivera quand il arrivera. J'espère que ce ne sera pas trop long.
J'espère que vous apprécierez ce chapitre. En tout cas, moi en tant qu'auteur, j'ai eu beaucoup de mal à l'écrire, mais je sais que maintenant que le travail est fini j'en éprouve un minimum de fierté. Luby a fourni un travail extraordinaire lui aussi. Place à l'histoire !

Chapitre 20

En quittant Safrania, contrairement à la plupart de ses anciens camarades de classe, Luna s'était dirigée vers l'est. Alors que la plupart des nouveaux dresseurs étaient partis à la conquête de badges d'arène, Luna avait pour sa part décidé qu'elle souhaitait en priorité visiter la Tour Pokémon. En tant qu'unique cimetière de Pokémon de Kanto, il s'agissait en effet d'un lieu spirituel imposant dans lequel elle avait espéré méditer pour déterminer le but réel de son voyage initiatique.
Cependant, à peine avait-elle traversé le portail Ouest de Lavanville qu'elle fut abordée par deux étranges individus. L'un d'eux, un jeune adulte aux cheveux bouclés à peine plus grand qu'elle, habillé d'une chemise et d'une cravate rétro, l'accueillit d'un sourire avenant. L'autre, un jeune homme qui devait avoir un peu moins de vingt ans, portait une longue cape beige et semblait par contraste froid comme la pierre.
- Nouvelle dresseuse, bienvenue à Lavanville ! s'était alors exclamé le petit homme. Que diriez-vous d'un tutorat gratuit ?
Au début, elle avait cru à un canular, à une caméra cachée, et avait cherché du regard quelqu'un qui aurait fixé sur elle un regard moqueur. N'en voyant pas, elle avait alors cherché à s'éloigner. A sa grande surprise, aucun des deux individus n'avait cherché à la poursuivre.
Le lendemain, cependant, elle avait de nouveau croisé le jeune adulte, à la sortie de la Tour Pokémon. Un rapide coup d'œil alentour lui avait indiqué qu'elle était en sécurité ici, aussi elle l'avait-elle laissé s'approcher.
- Ecoute, on aurait peut-être dû se présenter autrement… On connaît Morgane, si ça peut te rassurer. C'est elle qui nous a demandé de veiller sur toi. Tu l'ignores peut-être, mais tu es appelée à devenir bien plus qu'une simple dresseuse de Pokémon.
A ce moment, Luna avait pour la première fois senti le doute s'installer en elle. Il lui avait bien semblé au cours des courtes minutes qu'elle avait passées dans la même pièce que la championne d'arène que cette dernière la fixait plus souvent que les autres enfants. N'avait-elle donc pas rêvé ?
- Tu veux bien au moins venir au centre Pokémon, pour qu'on te dise ce que l'on a à te dire ?

L'adolescent à la cape se trouvait assis à une des tables du centre Pokémon en question. Ils discutèrent pendant un moment. Au cours de la discussion, le garçon affirma être un champion d'arène ; Luna n'avait jamais vu d'emblème de champion auparavant, mais celui qu'il lui présentait était suffisamment convainquant pour qu'elle le croie.
- Tu me crois si tu veux, lui avait-il finalement dit, ça ne change rien. Tant que tu n'es pas décidée cependant, j'aimerais que tu me suives. En échange, je t'entraînerai.
Luna avait fini par se dire que c'était un marché plutôt honnête et par accepter ces deux individus - pour l'instant, du moins.

Et c'était ainsi qu'à peu près une semaine plus tard, Luna s'était retrouvée à contempler le ciel étoilé sur un muret, s'apprêtant à quitter Lavanville. La Tour avait apporté quelques réponses à ses questions, mais elle n'avait pas vraiment pu en profiter, occupée qu'elle avait été à s'entraîner aux côtés des deux individus. Par moments, elle avait songé leur fausser compagnie. Son tuteur, l'adolescent, se montrait en effet désagréable en permanence, se contentant de hausser les épaules même quand sa Goupix avait réussi à effectuer une attaque Lance-Flammes. Cependant, l'adulte était bien plus amical et, si ses encouragements ne remplaçaient pas réellement les félicitations qu'elle se sentait en droit d'attendre de la part de son professeur, il avait réussi à convaincre de rester, au moins un peu plus longtemps, sous sa tutelle.

- On passera par là, finit par annoncer l'adolescent d'une voix monocorde. La cave Taupiqueur est notre meilleur choix.
- Je suis d'accord ! confirma l'adulte qui se tenait à ses côtés. J'espère juste que les Taupiqueur seront pas fâchés.
Luna prit une grande inspiration avant de descendre de son muret.
- C'est parti, donc ? demanda-t-elle.
Pour toute réponse, l'adolescent se mit à marcher, et fut rapidement rejoint par ses deux partenaires.

Une fois sur le ponton Sud, Luna laissa sa Pokémon Feu respirer un peu. La Goupix poussa un petit jappement pour lui signifier qu'elle appréciait d'être dehors, puis se mit un mètre en avant de sa dresseuse, marchant à son rythme pour rester toujours au même niveau par rapport à elle. Luna sourit en voyant cela : c'était elle qui lui avait demandé de se comporter ainsi en déplacements. Le groupe avançait doucement : la visibilité était très faible à cette heure de la nuit.
- Maintenant que le Conseil des Quatre a pris le contrôle de Kanto, on va devoir se déplacer principalement de nuit, lui avait expliqué le petit homme dans un des rares instants où Luna l'avait vu prendre une expression sérieuse. On ne peut pas se permettre de se faire attraper, surtout maintenant qu'on t'a trouvée.

Au bout de quelques temps, le groupe prit un ponton perpendiculaire à celui sur lequel il s'était engagé, sur sa droite, en direction de Carmin-sur-Mer.
- Tu vas voir, fit l'adulte en donnant un petit coup de coude à Luna, l'entrée va être sur la droite... La voilà !
Luna hocha la tête en apercevant un monticule rocheux dans la direction qui lui était indiquée. En s'approchant, elle constata de plus que celui-ci possédait une entrée d'un peu moins d'un mètre de haut, et jeta un oeil curieux à l'adolescent, comme pour lui demander s'il fallait s'engouffrer là-dedans. Une fois qu'il eut hoché la tête, elle s'accroupit, ravala sa salive, et commença à avancer à tâtons dans la grotte. Le sol était humide sans être boueux, et étant donné qu'elle n'y voyait rien, elle progressait assez lentement. Après quelques secondes, elle sentit que quelqu'un lui poussait le pied comme pour lui demander d'accélérer un peu.
- Désolée, on voit rien, chuchota-t-elle d'un air agacé avant de continuer à avancer.
Au bout de quelques mètres, le plafond sembla plus haut, et Luna put se relever, bientôt imitée par les deux autres.
- Je passe devant, fit la voix de l'adolescent, accompagnée de bruits de pas. Suivez-moi.
Il y eut un flash rouge, et Luna devina que le dresseur utilisait des Pokémon pour s'orienter dans le noir. Elle n'osa pas demander lesquels, et suivit ses pas dans l'obscurité sans rien dire. De temps en temps, elle se cognait contre son dos, lorsqu'il s'arrêtait de marcher un peu trop brusquement, mais il ne s'en plaignit pas, visiblement bien plus intéressé par l'itinéraire qu'il suivait que par ce type de perturbation.

Luna commençait à s'habituer au rythme de son tuteur lorsque celui-ci annonça en chuchotant qu'ils arrivaient à la sortie de la grotte. Elle poussa un léger soupir de soulagement à l'entente de cette nouvelle, rassurée de ne pas avoir eu à se battre contre un Taupiqueur fâché de les croiser.
Puis, il s'arrêta brusquement de marcher. Luna commença par attendre quelques instants, assimilant cet arrêt aux précédents, mais lorsqu'elle constata qu'il ne semblait pas repartir, elle s'interrogea.
- ... Il y a du monde dehors, finit-il par déclarer d'un air grave.
- Aïe, fit simplement l'adulte. Combien de personnes ?
- Une personne, répondit l'adolescent après une courte hésitation. Mais elle nous attend.
Il soupira, puis reprit la marche, après avoir intimé à chacun de sortir un Pokémon et de se tenir prêt à un éventuel combat. Goupix ne dit rien en sortant, se contentant de rester juste à côté de sa dresseuse, prête à intervenir.

En traversant le seuil de la grotte, Luna ne prit pas vraiment le temps de regarder le ciel, et son regard se porta immédiatement sur la vieille femme qui se tenait désormais face à eux, un grand sourire gravé sur ses lèvres. L'adolescent semblait la connaître. Ils parlèrent calmement pendant quelques minutes. D'après ce qu'en comprenait Luna, la vieille femme représentait un danger aux yeux du garçon, malgré le fait qu'elle portât une canne de bois.
Au bout d'un moment, il soupira avant de retirer sa cape, la laissant tomber à terre. A ce moment, Luna sentit son sang se glacer. Le signe était clair. "Je reste en arrière, prenez la fuite." Elle aurait bien protesté, et commença à se mettre en position de combat, mais l'adulte qui l'accompagnait la souleva, la posa sur le dos de son Galopa et monta derrière elle avant de lui demander de rappeler son Goupix.
- Fais en sorte de t'en sortir, intima-t-il à son partenaire avant de se tourner vers le sud. On y va, Luna !
- Hi hi hi... Sauver les faibles, hein ? Tant pis, je m'occuperai d'eux plus tard...
Ce furent les derniers mots que Luna entendit de la vieille femme avant qu'ils ne soient hors de portée auditive. Elle essaya de se retourner pour suivre le combat qui se présageait, mais la course du Galopa était bien trop brutale pour qu'elle puisse regarder en arrière sans risquer une chute. Elle se résigna donc à laisser tomber son tuteur pour l'instant et se concentra vers l'avant. Ils se trouvaient désormais dans une forêt dense, et son protecteur devait effectuer de nombreux virages pour éviter divers obstacles naturels qui se dressaient sur leur chemin.
- La forêt de Jade, j'imagine ?
- Oui, confirma l'adulte. Le Bourg n'est plus très loin. Etant donnée la situation, on va sprinter et croiser les doigts...

Par chance pour Luna et son partenaire, aucun autre obstacle imprévu ne se présenta. Ils arrivèrent ainsi dans la petite ville du Bourg Palette intacts, et trouvèrent rapidement le grand bâtiment qui avait été depuis le début leur objectif. Un homme qui devait avoir passé la soixantaine leur ouvrit, un sourire sur les lèvres. Cependant, son sourire disparut lorsqu'il constata qu'ils n'étaient que deux.
- Green...
- On a croisé Agatha, déclara simplement le petit homme. Green est resté en arrière pour la retenir et nous permettre d'arriver ici sains et saufs.
- Je... je vois, fit l'homme, perdant momentanément son air jovial.
Cependant, son expression désolée fit vite place à un sourire à l'intention de Luna.
- Alors c'est toi, Luna, hein ?
La jeune fille se contenta de hocher la tête.
- Eh bien, entrez... Nous serons mieux à l'intérieur.

Quelques instants plus tard, le professeur Chen se rassit sur son fauteuil matelassé de cuir, sirotant tranquillement son thé. Luna, assise sur la petite chaise de bois qu'on lui avait offerte à son arrivée ici, l'observait d'un air intrigué. Elle n'avait jamais entendu que du bien de ce personnage. Tout à la fois excellent combattant en son temps, érudit en matière de Pokémon et chercheur de talents futurs, elle savait qu'il ne fallait surtout pas le sous-estimer. Le fait que toutes ces qualités soient concentrées sur une personne aussi simple en apparence l'impressionnait plus que tout. Elle s'était attendue à des vêtements extravagants, ou tout au moins à des symboles tels qu'une médaille ou un emblème, mais Chen ne portait apparemment rien de plus original qu'une blouse de laboratoire blanche, comme ses assistants.
- Je vois, déclara-t-il simplement après que Luna et son partenaire l'aient mis au courant de la situation. En fin de compte, il est assez étrange que le Conseil des Quatre se mêle de tout ça.
Le petit homme assis à la droite de Luna hocha la tête. Cette dernière, pour sa part, était plongée dans ses pensées. Deux camps identifiés parmi leurs ennemis... Lorsqu'elle avait accepté de suivre Green, tout était clair : ils n'avaient qu'un seul adversaire à vaincre. Maintenant, si Luna parvenait encore à distinguer les deux groupes contre lesquels elle allait vraisemblablement devoir lutter, elle commençait à s'interroger. Ces groupes étaient-ils conscients l'un de l'autre ? S'échangeaient-ils des informations, quelles étaient leurs véritables motivations ?
L'attaque du Conseil des Quatre semblait trop proche du soulèvement pour lequel ils se préparaient pour qu'il s'agisse d'une simple coïncidence, du moins aux yeux de Luna. Elle songea un instant à une autre possibilité : et si ces deux groupes n'avaient en fait été que deux branches séparées d'une même organisation ? Cela aurait expliqué beaucoup de choses.

- Quoi qu'il en soit, nous devons assurer ton entraînement, ajouta le professeur à l'intention de la jeune fille, la ramenant à la réalité. Désolé que tu sois ainsi mêlée à des conflits d'une telle ampleur, mais...
- Ce n'est pas grave, répliqua Luna sur un ton ferme. Green m'a suffisamment parlé de la situation pour que j'agisse selon ma propre conviction. Même si je ne comprends pas tous les enjeux, je suis prête à choisir mon camp.
- Eh bien...
Chen toussota un instant, impressionné par la clarté de la décision de son interlocutrice, puis il reprit la parole.
- D'après nos données, il nous reste un peu plus de quarante jours avant de devoir commencer à agir. C'est tout à la fois très long, si on tient compte de ton rythme d'apprentissage, et très court, étant donné le niveau que l'on vise. Si Green n'avait pas eu à rester en arrière, il aurait poursuivi ton entraînement, mais...
Il baissa la tête, laissant sa voix se perdre dans un silence, puis la releva.
- Crys ? appela-t-il.
- Oui, professeur ? répondit une voix de fille depuis le fond du laboratoire.
Luna ne pouvait guère la voir, elle était plus ou moins cachée par les meubles et autres étagères qui entravaient son champ de vision.
- Viens voir, s'il te plaît.
Il y eut un bref silence, puis l'intéressée apparut. Si Luna s'était attendue à une assistante en blouse blanche, comme les autres, elle n'aurait certainement jamais songé que ladite assistante puisse être si jeune. Crys, puisque ce semblait être son nom, semblait n'avoir, tout au plus, que treize ans.
- Je te présente Luna, déclara le professeur.
- Oh ! C'est elle, Luna ?
Crys l'observa d'un air curieux, puis son attention sembla s'en détourner. Elle salua brièvement l'autre adulte, puis se tourna vers Chen.
- Où est Green ?
- Il n'est... pas disponible pour le moment, répondit simplement le professeur.
Crys hocha simplement la tête, indiquant qu'elle comprenait la situation. Le professeur poursuivit :
- J'aimerais que tu prennes le relais concernant l'entraînement de Luna.
- Oh, d'accord, déclara-t-elle.
Elle regarda son élève désignée d'un air intéressé. Luna se contenta de lui renvoyer son regard sans rien dire, essayant de déterminer de quel genre de personnage il pouvait bien s'agir. Elle avait l'air plutôt dynamique, mais le fait qu'elle porte une blouse blanche dans un tel lieu indiquait clairement qu'elle était également compétente.
- Ca devrait pouvoir se faire, déclara-t-elle. Crystal, mais tu peux m'appeler Crys, ajouta-t-elle en tendant une main aux doigts fins que Luna serra. Je vais me changer !
Une fois qu'elle eut disparu dans un escalier, Luna reprit la parole.
- Elle n'est pas un peu... jeune ?
- Crys ? s'interrogea le professeur. Ma foi, elle n'a que quatorze ans, mais elle a toujours été extrêmement compétente pour son âge. Crois-moi, elle va te faire travailler.
Devant le regard interloqué de Luna, l'autre adulte haussa les épaules.
- Ne t'en fais pas, tu n'as pas de soucis à te faire. Crys fait partie des dresseurs les plus forts que de la région, au même titre que Green.
- Et, continua Chen, si tout se passe bien tu feras aussi partie de cette élite un jour. Mais pour l'instant, nous avons des affaires plus urgentes à régler...
Il se leva, et alla chercher quelques documents sur une des étagères les plus reculées du laboratoire. Puis commença une longue discussion au cours de laquelle Luna prit bien plus conscience de la gravité de la situation.

Quelques heures plus tard, tout le monde alla se coucher. Luna se vit offrir une chambre à l'étage du laboratoire, à titre temporaire ; elle dormirait juste à côté de Crys.

**

Le lendemain matin, Luna se retrouva face à son nouveau professeur dans la forêt de Jade. La dresseuse d'élite lui annonça que c'était ici que commencerait son entraînement.
- Bon, tu es prête ? demanda Crys en s'étirant la jambe gauche sur une souche.
L'adolescente, que Luna avait découverte sous les traits d'une assistante de laboratoire, se présentait désormais en topdresseuse confirmée. Sa blouse de laboratoire avait laissé place à des vêtements plus adaptés aux déplacements : elle était maintenant habillée d'un short noir particulièrement court et d'une blouse rose. A cela s'ajoutait des chaussures intrigantes, apparemment plus lourdes que la normale, et une paire de lunettes d'aviateur qu'elle portait en bandeau.
- Je crois que je suis prête, oui, répondit Luna en hochant doucement la tête.
Crys monta alors sur la souche, et posa une Poké Ball devant elle.
- Je te préviens, je ne retiendrai pas mes coups. Donne-toi à fond.
La jeune fille fit sortir sa Goupix, et essaya de se tenir prête à réagir au moindre stimulus. Crys se contenta de donner un petit coup de pied dans sa Poké Ball, la projetant plus vite que Luna ne s'y serait attendue ; derrière Goupix se tenait à présent une Natu. Les deux Pokémon se retournèrent pour se faire face, et leur combat commença.

**

Luna serra les dents. Ce combat commençait à se faire long, trop long. Goupix donnait des signes de fatigue évidents. Si au début elle avait réussi à placer quelques attaques Lance-Flammes, elle n'avait pas réussi à toucher la Natu une seule fois, et était désormais limitée à de simples Flammèches. Elle avait espéré que le Pokémon qui lui faisait face se serait épuisé en premier, mais Crys l'avait vraisemblablement entraîné pour des combats longs : il n'offrait à la petite Pokémon Feu aucun répit.
- Nati, attaque Picpic encore une fois !
- Goupix, Flammèche ! rétorqua Luna.
Le petit volatile bondit alors en avant, déployant ses courtes plumes pour faire un vol plané en direction de la Pokémon Feu, laquelle projeta une petite boule de feu sur son adversaire avant de se décaler sur le côté. Malheureusement, la Natu de Crys était bien plus rapide que la Goupix de Luna ; il réajusta sa trajectoire d'un petit coup d'aile et la percuta de plein fouet. Il avait bien été pris dans la Flammèche, mais celle-ci n'avait pas suffi à le mettre hors combat ; la Goupix s'écroula cependant sous la violence du coup de bec. Luna avait perdu, comme elle s'y était attendue.
- Tu te débrouilles, déclara Crys en rappelant son petit Pokémon. Nati est encore bien trop rapide pour ta Goupix, mais c'est normal - elle a des années d'entraînement derrière elle.
L'élève se contenta de rappeler sa Pokémon, ne sachant guère que dire après cette défaite.
- On va commencer par la soigner, puis on commencera le vrai entraînement. Je voulais évaluer ton niveau, c'est chose faite ; on peut commencer les exercices.
- Ca marche, finit par dire Luna d'un ton neutre.

**

A chaque fois que Sabine dormait, elle jouait le rôle de Morgane dans son rêve. Chaque nuit lui donnait ainsi l'impression de mieux connaître la championne, comme une amie avec qui elle passerait du temps. Cette fois-ci, des années semblaient s'être écoulées depuis leur dernier moment partagé : à en voir son reflet dans la glace, la Morgane qu'elle incarnait cette fois-ci avait plus l'air d'une jeune adulte que d'une adolescente : Sabine trouva qu'elle avait embelli. Elle avait également l'air agacée par quelque chose, mais Sabine ne parvint pas à deviner quoi.
- Prête ? demanda la voix d'un homme à sa droite, que Sabine identifia rapidement comme Johnny.
- Maintenant, oui, répondit simplement Morgane avant de se lever, offrant à Sabine une preuve qu'elle avait également pris quelques centimètres.

La jeune femme jeta un oeil alentour, examinant discrètement la petite pièce dans laquelle ils se trouvaient. Il semblait à Sabine qu'il s'agissait d'une sorte de cave ; chacun y avait par ailleurs son coin personnel. A côté du miroir de Morgane se trouvait une petite table violette sur laquelle étaient posées des cuillers de diverses tailles et couleurs, dont Sabine ne parvint pas à deviner l'utilité ; elle avait pour sa part été assise sur un pouf noir particulièrement confortable.
Puis son regard se posa sur un troisième individu, un jeune homme à l'air assuré adossé au mur. Ses vêtements aux couleurs flamboyantes lui donnaient un air d'aristocrate ; ses cheveux blonds rappelaient pour leur part quelque chose à Sabine. Ce n'est que lorsque leurs regards se croisèrent que la rouquine comprit qu'il s'agissait du même garçon que celui qu'elle avait entrevue à la fin de son dernier rêve. Ses yeux argentés exprimaient une certaine arrogance ; Sabine réalisa que Morgane semblait ressentir une sorte de révulsion à son égard lorsque celle-ci détourna son regard.
- Bon, je récapitule une dernière fois, déclara Johnny en se redressant - il avait été assis jusqu'à présent. Le Borgne m'a dit qu'un groupe de brigands comptait s'introduire dans le centre Pokémon local cette nuit, pour y dérober quelques Pokémon. Etant donné que c'est un centre Pokémon... on aura forcément des civils sur place. Soyez vigilants.
- Ca va, ça va, je prends des bâtons pour ce soir, fit le blond.
Joignant le geste à la parole, il s'empara d'une sacoche parmi de nombreuses autres posées à même le sol, dans son coin de la pièce. Sabine ne comprenait pas vraiment la logique qu'il y avait derrière tout ça, mais elle devina qu'il devait s'agir d'une sorte d'outil personnalisé pour ses Pokémon. Leur donnait-il ces instruments pour qu'ils s'en servent au combat ? Dans tous les cas, Morgane ne semblait pas aussi rassurée que lui.
- Mon Psyko est difficile à utiliser en présence de civils...
- Ne l'utilise que si tu en as vraiment besoin, lui suggéra Johnny. Sinon, contente-toi d'Hypnoses, ça suffira probablement.
Sabine sentit un doute émaner de Morgane à ce moment là, mais la jeune femme finit par hausser les épaules.
- Comme tu veux, c'est toi le leader, soupira-t-elle. On y va ?

Quelques dizaines de minutes plus tard, le trio se trouvait sur le toit du centre Pokémon de Jadielle, pour ce que Sabine interprétait comme une mission de sauvetage. Sabine ignorait presque tout de la championne de Safrania, mais pourtant elle ne l'aurait jamais imaginée jouer le rôle de justicière.
- Morgane, tu pars en éclaireur, dit Johnny sans l'ombre d'un doute. Entre par la porte de devant, comme une cliente normale cherchant à soigner son Pokémon, et essaie de localiser les cibles ennemies. Une fois que c'est fait, sors et rejoins-nous pour nous faire un rapport. Compris ?
Pour toute réponse, la jeune femme dont Sabine partageait les perceptions se leva et sauta lestement du toit, atterrissant en douceur grâce à une petite impulsion psychique. Morgane avait clairement un autre niveau de maîtrise sur ses pouvoirs qu'auparavant : ce bond surhumain qu'elle venait de faire n'avait pas semblé lui demander une grande concentration.
En fait, elle faisait déjà route vers l'entrée principale du centre Pokémon, tenant une Poké Ball à la main comme pour la confier à l'infirmière qui se tiendrait sans aucun doute à l'accueil. En entrant dans le bâtiment, Morgane comprit très vite que quelque chose n'allait pas ici, mais elle ne parvint pas à deviner quoi avant de sentir une explosion de douleur à l'arrière de son crâne et de s'écrouler dans un cri de douleur et de surprise. Si Sabine en avait été capable, elle aurait probablement hurlé elle aussi, tant l'impact avait été violent.
- Bien joué, Ossa, entendit-t-elle avant de perdre complètement conscience.

**

Lorsque Sabine fut de nouveau en mesure de percevoir ce qu'il se passait, elle constata que Morgane elle-même commençait à peine à se réveiller. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour constater qu'elle était allongée dans un des lits du centre Pokémon, au milieu d'une chambre autrement vide. Elle était attachée à son lit ; une décharge psychique la détacha sans problème. Sa main se porta presque aussitôt à l'arrière de son crâne pour masser la bosse qui s'y trouvait ; elle se redressa, tentant d'évaluer sa situation. Un rapide coup d'oeil à sa montre lui indiqua qu'elle avait été K.O. pendant une bonne heure.
- Ils ont dû entrer, murmura-t-elle.
Comme pour confirmer ses dires, la porte de sa chambre fut brusquement détachée de son encadrement par une multitude de coups de bâtons, et le coéquipier blond de Morgane entra sans plus de ménagement. Les bâtons flottaient désormais autour de lui, apparemment sans effort conscient de sa part ; cette image avait un écho dans la perception de Sabine, mais elle ne parvint pas à y associer un souvenir précis.
- Ca va ? demanda le jeune homme d'un air presque moqueur.
Morgane détourna son regard, pour éviter de croiser celui de son interlocuteur. Sabine la sentit même rougir de honte.
- Situation ?
- On a capturé six brigands, déclara-t-il. Johnny s'attendait à plus, mais apparemment, le Borgne s'était trompé sur le nombre. En tout cas, situation sécurisée...
Morgane soupira.
- Pourquoi es-tu encore ici, alors ? Ca ne te ressemble pas de t'en faire pour moi.
Le blond lui sourit. Un sourire hypocrite, d'après le ressenti de Sabine. D'une certaine manière, elle était sûre que ce sourire ne trompait personne dans cette pièce.
- Johnny voulait pas partir sans toi...
- Je vois, rétorqua Morgane avec un sourire tout aussi hypocrite. Tu peux...
Soudain, il y eut un bruit d'explosion, et le mur qui se trouvait à droite de Morgane fut traversé par une masse noire. Morgane écarquilla les yeux en réalisant qu'il s'agissait de Johnny. Le blond, pour sa part, avait déjà disparu, se précipitant dans la pièce d'à côté.
- J'ai deux otages, déclara une voix.
De toute évidence, il s'agissait de l'homme qui avait projeté Johnny. Morgane entendit alors la voix du blond pousser un cri de colère, mais elle fut brusquement interrompue. Apparemment, son adversaire l'avait mis hors combat.
- Il est costaud, fit Johnny en se relevant.
Ses habits étaient entaillés suite au choc qu'il avait subi, mais il semblait aller bien.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Un type est sorti brusquement d'une des chambres de soin et a attrapé deux infirmières, expliqua Johnny. J'ai essayé de les récupérer, et me voilà... Apparemment, ils étaient bien sept, et non pas six. On s'est fait avoir.
- Mes revendications sont simples, continua calmement l'homme à travers le mur de la pièce. Je veux récupérer mes acolytes, ainsi que tous les Pokémon actuellement en soins dans ce centre Pokémon. Si je n'ai rien dans vingt minutes, je tuerai une de ces demoiselles.
Sabine sentit Morgane serrer les dents. La jeune femme fixa son regard sur celui de Johnny.
- Tu penses qu'on peut les lui reprendre par la force ?
Johnny semblait bien silencieux. Ses doigts jouaient sur ses lèvres à une vitesse folle, ce que Sabine interprétait comme le signe d'une activité mentale élevée. Il finit par secouer la tête, serrant lui aussi les dents.
- Il tient ses otages en joue avec un Insécateur, et il a un Rhinastoc... On ne sera jamais assez rapides pour sauver les deux otages. Je pense qu'il est suffisamment malin pour savoir qu'on ne risquera jamais la vie de l'une d'entre elles...
- Mais... On ne peut pas le laisser s'en tirer !
Sabine ressentait la même chose que Morgane. Cette situation la révoltait, mais elle savait pertinemment que les vies que cet homme tenait en joue ne pouvaient certainement pas être risquées.
Johnny fit quelques signes de main à Morgane, auxquels cette dernière hocha la tête, puis ils se dirigèrent tous deux vers le trou dans le mur.
- Nous entrons, annonça-t-il avant de pénétrer dans la salle, suivi de Morgane.
Les deux avaient levé leurs mains, comme pour indiquer au preneur d'otages qu'ils n'avaient pas l'intention de tenter quoi que ce soit pour l'instant.
L'homme devait avoir une quarantaine d'années. Son crâne chauve abordait une cicatrice plutôt impressionnante ; il portait de plus un long manteau noir, où il cachait probablement tout un attirail. S'il était évident que ses Poké Balls y étaient rangées, Sabine soupçonnait que cet homme à l'apparence de criminel expérimenté portât un couteau ou deux pour les situations de combat rapproché. Sabine n'avait aucune difficulté à sentir sa détermination : il ne ferait pas de cadeau.
Un rapide coup d'oeil circulaire de Morgane lui apprit par ailleurs que le blond se trouvait à terre, apparemment inconscient ; ses bâtons gisaient à ses côtés. Deux infirmières tremblotaient devant les lames d'un Insécateur prêt à réagir au quart de tour ; un Rhinastoc se tenait juste devant le preneur d'otages, s'occupant de sa protection rapprochée, exactement comme l'avait décrit Johnny . C'était une situation bien trop risquée pour que Morgane puisse tenter quoi que ce soit.
- Eh bien, qu'attendez-vous ? demanda l'homme.
Il semblait étrangement calme, pour quelqu'un qui avait été jusqu'à prendre des otages.
- Nous allons accéder à votre demande, finit par dire Johnny. J'attends vos...
- Plus un geste ! fit une nouvelle voix, et tous les regards se tournèrent en sa direction pour voir de quoi il s'agissait.
Un homme adulte aux cheveux courts, à l'air sérieux, se tenait juste devant l'entrée du centre Pokémon. Il semblait avoir un peu plus de trente ans ; apparemment, il avait suffisamment confiance en ses capacités pour sourire malgré la tension de la situation. Son costume d'homme d'affaires semblait indiquer un certain rang social.
- Et t'es qui, toi ? demanda le preneur d'otages après un moment.
- Peu importe. J'ai un marché pour toi. Relâche ces demoiselles et je n'aurai pas à t'attaquer.
L'autre ricana.
- Tu me prends pour un imbécile ?
Morgane échangea quelques regards avec Johnny, puis elle baissa lentement les mains, comme pour se préparer à agir, si l'occasion se présentait.
Cependant, contre toute attente, l'homme se contenta de jeter quelques Poké Balls par terre, l'air désolé.
- Bon, ce n'est pas grave, je me rends... Tu veux mes Pokémon ?
Le preneur d'otages sembla hésiter, mais finit par tendre la main, apparemment intrigué par tant de stupidité mais prêt à en profiter.
- Envoie-les par ici, et pas de coup fourré. Sinon...
L'adulte se contenta de donner un coup de pied dans chacune de ses Poké Balls pour les lui envoyer. Morgane dut comprendre ce qu'il allait se passer avant Sabine, et s'accroupit brusquement ; elle vit Johnny l'imiter presque aussitôt. Une fraction de seconde plus tard, elle entendit de nombreux bruits de choc et quelques cris de Pokémon entremêlés des hurlements de terreur des infirmières ; en levant les yeux, elle constata que l'Insécateur venait de se faire briser les bras par une Nidoqueen, tandis qu'un Pokémon violacé doté d'une immense carapace épineuse avait littéralement transpercé le Rhinastoc qui lui faisait face grâce à ses pointes. Le preneur d'otages, quant à lui, était désormais à terre ; un Nidoking avait posé une de ses pattes sur ses jambes et prenait apparemment un malin plaisir à les lui briser.
Sabine n'en revenait pas, et à en juger par la réaction de Morgane, elle non plus. Cet inconnu avait, en quelques secondes, complètement renversé la situation, libérant les deux infirmières tout en mettant son ennemi hors d'état de nuire.
- Imbécile, déclara-t-il simplement en s'approchant de lui. Les gens suffisamment bêtes pour agir sans avoir un plan ne vivent pas assez longtemps pour porter ce costume, expliqua-t-il en désignant ses vêtements. Tu voulais savoir mon nom ? Je m'appelle Giovanni.
Son interlocuteur ne répondit pas : il venait de s'évanouir.
- Vous avez beaucoup de chance que les infirmières n'aient pas été blessées, déclara Johnny d'un air pragmatique.
- Oui, c'est un coup de chance, répondit l'homme en se retournant.
- Vous admettez qu'elles auraient pu être blessées par votre faute ?! s'exclama l'adolescent en se relevant.
L'adulte regarda brièvement les infirmières, lesquelles semblaient tétanisées par la brutalité avec laquelle elles avaient été sauvées. Il haussa ensuite les épaules.
- Mes seuls objectifs étaient de leur sauver la vie et d'arrêter ce type.
Johnny frappa du pied. Il était visiblement en colère.
- Vous... vous êtes fou, ou quoi ? C'est de l'inconscience !
- Pour toi, j'imagine. Mais moi au moins, je n'ai pas eu à m'incliner devant un criminel.
Sur ce, Giovanni se retourna.
- Je m'en vais, annonça-t-il d'un ton neutre avant de rappeler ses trois Pokémon.

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Johnny semblait troublé à présent. D'après le ressenti de Sabine, Morgane l'était aussi. Les sept criminels avaient désormais été confiés à la police, et le trio était retourné dans cette petite cave qui semblait représenter leur base.
- Si on parle en termes de résultats, ce Giovanni est tout de même beaucoup plus efficace que nous, remarqua le blond. Je n'ai rien pu faire avec mes bâtons, il m'aurait fallu des instruments métalliques pour avoir une chance contre lui.
Il semblait songeur. Après le départ de cet étrange individu, Johnny et Morgane l'avaient réveillé et lui avaient raconté les événements, puis ils étaient rentrés pour ce que Sabine devinait être un débriefing.
- D'accord ! s'écria pour la troisième fois Johnny. Mais protéger les gens ne rime à rien si l'on prend le risque de les blesser nous aussi !
- Ca reste à voir, au moins leurs vies sont sauves. Si j'avais eu mes lames, on n'aurait pas eu besoin de l'intervention de ce...
- Non ! N'y pense même pas. La dernière fois que tu as utilisé tes lames sur le terrain, ça s'est très mal terminé.
Les deux jeunes hommes se fixèrent l'un l'autre. La tension entre eux était presque palpable.
Sabine sentait que Morgane ne savait pas où se placer. Elle avait été très impressionnée par Giovanni, mais elle avait du mal à accepter le fait qu'il contemple ses prises de risque avec tant d'assurance. Sabine se sentait proche d'elle sur ce plan, et c'est dans le doute qu'elle sentit que son rêve touchait à sa fin.