Syndrome de la Bleue

" Super, je suis arrivé à Féli-Cité. Je suis censé faire quoi maintenant ? "

Telle était la question que se posait Daniel depuis une bonne dizaine de minutes. Il n'était pas en quête de badges. Et il n'était même pas question de le faire. Pas de dressage brut, c'était sa devise.
Il s'était un peu renseigné sur ce que les gens appelaient encore le "voyage initiatique".

Un adolescent de l'âge qui pouvait varier de dix à quinze ans allait chercher un pokémon chez le Prof, où au Distributeur de la ville. Après il partait, pour une durée d'un à trois ans. Il pouvait se mettre en quête des badges, se faire une renommée, et gagner sa vie dans les nombreux tournois que les villes organisaient. Ils pouvaient aussi gagner les concours et faire à peu prés le même schéma. Selon les chiffres, la moitié des jeunes choisissaient une de ces deux options.
L'autre moitié, et heureusement qu'elle était là, cherchait du travail dans toutes les autres filières : restauration, milieu hospitalier, reporters...
Ces stages étaient ouverts à tout le monde et n'importe qui pouvait essayer. A la fin du voyage initiatique, le tout était marqué sur le CV et ceux qui n'avaient toujours pas d'emploi fixe en cherchaient un.

Daniel, lui, voulait d'abord travailler en tant que brancardier, aide-soignant ou infirmier - peu lui importait - puis, après, occuper un poste un peu plus important puis parfaire son éducation dans une école spécialisée.

Seul problème : ses parents. Étant tout deux des dresseurs connus et reconnus, tout le monde s'attendait à ce que leurs enfants deviennent LE must du dresseur. Problème : il voulait devenir médecin. Et ses parents ne seraient sûrement pas d'accord. Rien que par le buzz que ça ferait...
Et, pour ne rien arranger, il n'avait rien osé leurs demander. Parfois, l'ignorance est bien plus envahissante que le savoir.

Balançant ses pieds du haut de son banc, Daniel fit un choix : foncer.
Foncer et ne pas regarder en arrière.
Foncer et tant pis pour ses parents;
Foncer et devenir un bon médecin.

Foncer, et pour commencer, se lever de ce banc.

Foncer, et ignorer la pluie.

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"On a beau nous avoir signalé un mutant, je vois toujours rien..."

A chaque fois qu'elle parlait, Nell avait l'impression de parler à un mur. Quoiqu'un mur, lui, la regarderait, en quelque sorte.
Pas comme cette huître vivante qui ne pipait pas mot, et qui était aussi chaleureux qu'un pingouin. Sauf qu'un pingouin serait plus mignon...

Nell détailla l'homme de profil. Plutôt bel homme, cheveux bruns, yeux bruns. Mais un quelque chose se dégageait de lui, une sorte d'aura qui disait quelque chose comme "parle-moi et je te casse la gueule", mais en plus amer. A voir le visage dur et le regard perpétuellement froid qu'il portait sur les choses, il avait vécu des choses plus dures qu'elle. Quelque chose qui l'avait rendu amer.

" T'arrêtes de me regarder comme ça oui ?
- Pourquoi je vous regarderai ? Si ça tombe, je regardais le... merveilleux arbre derrière vous. ironisa-t-elle.
- L'arbre, il est silencieux, lui. "

Et il replongea dans sa tristesse intérieure.

Quand on avait dit à Nell que pour sa première mission importante elle aurait un coéquipier, elle avait bondi de joie... intérieurement. Elle pensait que ce serait super, que le coéquipier serait quelqu'un de cool , sympathique, et tout ce genre de trucs qu'on s'imagine en se persuadant que la rencontre avec telle personne se passera bien.
Finalement elle était tombé sur un James Bond, les gadgets en moins, l'antipathie en plus.

Et, en plus, comme si ce glaçon ne suffisait pas, elle se retrouvait à traquer un mutant dans une forêt humide où la pluie ne s'arrêtait pas.
Où même elle ne le trouvait pas.

Soudain, elle le sentit se raidir. Et elle le sentit. Il était proche, franchement proche, et une odeur atroce se fit sentir.

D'un mouvement vif et silencieux, Blake décrocha une pokéball de sa ceinture.
Nell se contenta juste de serrer un peu plus la ball qu'elle gardait en main depuis maintenant plusieurs heures.

Un bruit dans les fourrés se fit entendre. Le traqué ne cherchait pas à être discret.

Blake bondit comme un fauve en dehors des buissons où ils étaient et fit sortir un pokémon de sa pokéball. Un insécateur. Nell roula pour sortir et lâcha un massko.

La bête - car c'en était une - leur jeta un regard pourpre et mauvais. Nell détailla avec horreur l'aberration, l'erreur de la nature. Un mètre cinquante à vue de nez, jean troué, chaussures éventrées par les griffes noirâtres qui en sortaient. Un duvet blanc enveloppait sa peau à certaines endroit, rendant l'ensemble bestial. Sur les bras, la fourrure blanche abondait, et était tâchée d'un sang noir et séché, le même qui tachait les griffes qui lui tenait lieu de doigt. Griffes qui faisaient au moins cinquante centimètres.
Son visage - ou sa gueule, plutôt - était tâché de noir, tel une marque maudite. Ses yeux étaient rouges et à la pupille verticale, comme les chats. Ses cheveux étaient majoritairement brun, mais quelques tâches blanches parsemaient déjà sa crinière.
Le plus horrible était certainement l'immense corne en forme de lame noire qui jaillissait de son front, son pourtour sanglant ne laissant aucun doute sur la douleur qui dut être insupportable au moment où la corne sortit.

Blake laissa transparaitre un court moment son désarroi, mais déjà les ordres tombaient.

La bête hurla, d'un hurlement à faire fuir la mort elle-même.