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Le Projet Orion - Réalité parallèle de ABE



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» Auteur : ABE - Voir le profil
» Créé le 17/02/2009 à 00:37
» Dernière mise à jour le 09/06/2009 à 16:11

» Mots-clés :   Aventure   Fanfic collective   Présence d'armes   Région inventée

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Chapitre 31: Nouveaux horizons [YumeArashi]
Marine était restée en retrait. Depuis l'horreur de la bataille qu'elle avait voulu livrer presque seule, l'activité environnante lui parvenait sous forme de signaux qu'elle commençait à peine à savoir décrypter ; pourtant il semblait qu'elle était bloquée dans ce processus d'apprentissage ; elle n'évoluait plus. De ce fait, une bonne quantité de choses restait absconses. Ses compagnons lui apparaissaient très nettement, elle distinguait les mouvements effectués autour d'elle, sa vue n'avait subi aucune altération particulière. Or, son regard témoignait d'une hypothétique incapacité de réflexion et d'une absence de présence spirituelle flagrante. Ses autres sens s'étaient vus retirer un peu de cette acuité acquise si durement l'espace de ces trois derniers mois.
La cavalière assista alors, passivement, à la naissance d'une véritable tornade verbale emplie de colère qui se dirigeait furieusement vers ses compagnons de route. La fureur de Roxanne l'impressionna et Marine entendit ce féroce plaidoyer mieux que quiconque puisqu'elle était l'origine profonde de cette rébellion inattendue. Chaque mot sonnait comme le sifflement d'une hache aiguisée dans l'air lourd. Sec, agressif et surtout violent, le discours qui sortait avec une telle fluidité de la jeune bouche de Roxanne... l'émut. Décidément, elle comprenait beaucoup de choses... Attendant sagement que la tempête se calme, Marine était restée assise au soleil, seule, en proie à une sorte de fatigue harassante qui semblait vouloir s'incruster coûte que coûte dans les traits déjà tirés de son visage. La seule occupation à sa portée se résumait à l'observation des touffes hirsutes de mauvaises herbes dont le sanctuaire était tapissé, le dos mollement appuyé sur un pilier décoloré et en partie écroulé à cause des racines de lierre et de chèvrefeuille qui le fragilisaient en s'infiltrant dans la roche. Puis Roxanne et Rachid avaient disparu.
La fillette ayant à présent quitté ces lieux, impropres pour une enfant de son âge, avec son petit-ami pour retrouver leur dimension, la laissait, et pour de bon, le « seul » membre féminin du groupuscule. Il y avait bien Pluton mais tant que Marine demeurait au stade de légume atrophié, il lui était logiquement impossible de nouer un quelconque lien avec cette dernière. On évite souvent et à tort la compagnie des gens... différents.
Le soleil dominait fièrement la forêt du haut de ses rayons brûlants. Il échauffait les paupières et les tempes de Marine, desséchait ses lèvres... Elle avait soif. Le vent léger souleva ses cheveux fins en traçant d'étranges signes dans la poussière : elle tenta d'y repérer quelques formes. Des animaux, des Pokémon, quelque chose qu'elle connaissait afin de faire travailler son cerveau. Elle ne se rendit même pas compte que quelqu'un se dirigeait vers elle. C'étaient des pas troublés, hésitants. Lilian l'avait rejointe.

Il s'accroupit élégamment devant la jeune femme, juste à sa hauteur : elle pouvait l'observer, il pouvait chercher en elle un semblant du lucidité. Le silence qui s'abattit sur les deux âmes presque éteintes le poussa à parler. Il se trouva au bord de larmes certaines qui, retenues depuis bien trop longtemps, menaçaient finalement d'humecter ses joues creusées. Un torrent de regrets afflua aux coins de ses lèvres tremblantes ; rien n'avait été préparé.. Il était la sincérité incarnée. Marine ne put lui montrer que la moindre des petites choses qu'il avait dites l'avait touchée car articuler une parole lui était impossible. Son corps ne répondaient à aucune des sollicitations qu'elle formulait, pourtant il aurait seulement fallu qu'elle bougeât la tête et qu'elle fixât son attention sur lui. Il aurait compris. Prisonnière de contraintes dont son enveloppe corporelle était l'innocente victime, (enfin, plus si innocente que ça) Marina demeura immobile. N'importe qui aurait pu percevoir le désarroi qui émanait du jeune homme et ne pas pouvoir répondre consistait une véritable torture. Oui, il subsistait quelque chose au fond d'elle ! Et elle ne demandait qu'à pouvoir s'exprimer, elle aurait crié si sa voix le lui permettait. Elle était encore vivante ! Elle n'en voulait pas à Lilian. Il endossait déjà bien trop de responsabilités et personne ne devait l'accabler davantage en le chargeant de nouveaux maux.
Elle s'était attachée à ce garçon beaucoup plus qu'elle ne l'aurait souhaité. Il fallait que tout cela finisse, qu'elle retrouvât la glaise ocre des champs de course dans laquelle elle plongeait ses mains pour tester le terrain de sprint, les sorties en catimini pour profiter de l'air de la nuit, le spectacle de l'aube, les levers au rythme du soleil, qu'elle éprouvât à nouveau le vent et les reliefs chaque jour différents du stade d'entraînement, qu'elle recommençât à narguer Sébastien et Red Light avec Ponyta... et vite, ou cette chose qui remuait son estomac prendrait une ampleur démesurée. Elle gâcherait tout ce qui n'avait pas même encore commencé. Ni pour Lionel, ni pour Seb elle n'avait éprouvé ce mélange de délicieuse confusion et d'effrayante joie. L'heure n'était apparemment pas à la rêverie mais aux souvenirs qui se bousculaient pour repeindre délicatement les murs de sa mémoire : sa petite mansarde tapissée de vieilles photos en haut de la Tour du bâtiment 3 de l'Annexe du CRCP et les longues nuits qu'elle passait à lire, bravant l'autorité, se riant du couvre feu et des ordres de Gaëlle s'imposèrent à elle. Jamais elle n'avait réalisé combien elle avait de chance. Un Eden. Une Atlantide émergée. Or, la perspective d'évoluer dans cette étrange contrée, en compagnie d'hommes et femmes venus d'une multitude de mondes différents pouvait se révéler être la plus palpitante des aventures : Marine aurait tout préféré plutôt que de manquer ça. Ce dont elle se rendait compte maintenant, ce pas de géant lui fit établir un lien tout naturel entre la course et l'évasion, la prise de conscience de son propre corps. Elle ne trouvait cette sensation d'exaltation pure uniquement durant les dix dernières secondes d'une course. C'était là qu'elle renaissait, qu'elle existait, qu'elle était. Dix petites secondes qui valaient bien toute une vie. Les sempiternelles réminiscences, comme un leitmotiv déchirant d'un rapide battement de cœur déchaîné dans une poitrine comprimée, la quittèrent.

Tout ceci lui avait traversé l'esprit en aussi peu de temps qu'il faut pour dire « Oui ». Elle abandonna toute tentative. Désemparé, Lilian fit alors quelque chose dont Marine le croyait totalement incapable. De ses yeux à peine rougis une larme était sortie, et le long de sa joue avait roulé. Une seule et unique larme. Elle échoua sur le sol qu'elle humidifia délicatement et finit par disparaître, absorbée par la nature aussi déshydratée que la peau découverte des bras de Marine. Il se leva, masquant ainsi quelques instants la lumière du soleil qui chauffait intensément les pommettes de la dresseuse. Il était évident qu'il ne savait plus quoi faire, peut-être même était-il las de parler au mur d'indifférence prostré comme une statue.. Soudain, une autre larme vint épouser la première, et le schéma vital se répéta. Lentement, sans que Lilian, déjà loin, puisse le voir. Cette fois ci, elle venait des yeux de Marine.

« Li... li... an. »


***

Un éclair rose la décida à se lever, enfin... décida son corps à se mouvoir en l'occurrence. La seconde pokéball accrochée à sa ceinture, où subsistaient des traces de dents, gigotait dans tous les sens, chauffant au fur et à mesure que sa détentrice marchait. Léviator ne bronchait jamais à l'inverse de Ponyta qui faisait des siennes à l'intérieur : on comprenait aisément que sa réclusion au sein l'objet, tutélaire pour le reste du groupe, lui pesât. Elle n'avait pas galopé depuis longtemps, les entraînements intensifs manquaient à l'une comme à l'autre et ses muscles la faisaient surement souffrir. Marina tapota l'habitacle qui sembla s'apaiser et poursuivit sa route : de toute façon, si le Pokémon parvenait à se libérer, qu'y pouvait elle ? Elle avait déjà tenté de lutter contre l'esprit rebelle de la jument sans jamais parvenir à l'atténuer ou même à l'adoucir, ce n'était pas maintenant que ça deviendrait différent, et pour être honnête, la dresseuse n'avait pas du tout envie que cela change.
Une gerbe d'étincelles et le Pokémon était dehors, paradant, le bout du nez au vent, l'encolure détendue, les naseaux dilatés, la queue en panache enflammé.

« C'est pas un concours de beauté ! Va falloir qu'elle se calme la. » pensa Marine.

Ponyta s'arrêta net et fixa sa dresseuse droit dans les yeux.

« Non mais de quoi j'me mêle ? » répliqua-t-elle sans bouger les lèvres.

S'ensuivit un étrange moment de silence. Jamais les deux acolytes n'avaient pris conscience qu'une communication mentale était réalisable « dans les deux sens ». Marine parlait toujours à haute voix à Ponyta et Ponyta lui répondait alors par une série d'émissions psychiques (seul langage compréhensible pour sa partenaire en course), le contraire ne s'était jamais produit ou n'avait surtout jamais fonctionné pour on ne sait quelle obscure raison. Cela arrangeait bien la cavalière qui pensait rester isolée au sein de son esprit comme Ponyta dans sa ball. Petit à petit, elle sut qu'une guérison s'opérerait bientôt. Il lui sembla qu'elle pouvait bouger le bout de ses doigts à son gré. Toutefois, ni l'une, ni l'autre ne parvenait à rester calme devant cette découverte. Le bras de Marine la picota, la cicatrice palpitait. Elle finit par chasser tout ceci d'un geste mental de la main. Le silence auquel elle était réduite l'avait suffisamment grignotée. Elle était désormais sûre que la parole était bel et bien une chose nécessaire à son bonheur. Dans « l'autre monde », la jeune femme gardait une grosse partie de ses émotions négatives pour elle. A présent l'esquisse de sa vie prenait forme autrement, la mine délicate des souvenirs traçait d'autres traits, ouvrait d'autres portes grâce à l'opportunité qu'offrait cette communication salvatrice.

« Tu vois ce que ça te fait de m'enfermer dans ce truc la ? » Lança Ponyta. « Nous sommes plus liées que tu ne le penses, l'une sans l'autre nous sommes amputées. Je suis la partie qu'il te manquait et toi celle qui me faisait défaut. »
« Je ne l'aurais jamais cru. Ce qui est bien c'est que je vais redevenir « normale ». »
« Faut pas non plus croire au Père Noël, tu ne reparleras pas tout de suite. C'est comme l'un des rouages d'un moulin qui serait coincé depuis des lustres et que l'on débloque soudainement. Il y a toute une affaire de soins autour pour que la rouille n'en gêne plus le fonctionnement et que le rouage ne se bloque pas à nouveau. » Expliqua la jument. « Et quelques autres facteurs... » Ajouta-t-elle malicieusement.
« Je ne vois PAS de quoi tu parles. Retournons près d'eux, tu veux bien ? Mais on ne se bat plus d'accord ? Seulement si... si on nous le demande. » Soupira toujours mentalement la dresseuse.

Elle fit deux pas puis s'arrêta de nouveau.

« Je suis toujours défigurée ? »
« C'est joli. » Répondit Ponyta en penchant la tête.

Et elles se remirent en marche. Côte à côte sur le petit chemin de terre, elle avançaient, espérant trouver un peu de réconfort auprès de leurs amis. Soudain, elles entendirent de petits cliquetis métalliques qui se rapprochaient vraisemblablement. Marine jeta un coup d'œil à travers le buisson derrière lequel elle se cachait. C'était tout un bataillon de soldats, armés jusqu'aux dents. Elle prit peur. Ponyta poussa délicatement sa maitresse et lui « murmura » de se calmer, elle n'était pas seule à présent et leurs compagnons de route, en vue une trentaine de mètres plus loin, comptaient aussi comme une aide..

***

Pluton, Lucas, Zeronos, Roland, Lilian et Louka surveillaient avec un mélange d'excitation et d'appréhension l'avancée solennelle de cette étrange femme vêtue d'une sorte de longue tunique de lin pourpre brodée de soie noire, de long bas fins et d'une paire de sandales de cuir clair. Elle jouait avec l'antenne du talkie walkie qu'elle tenait dans sa main, son expression était sévère, sa peau lisse comme du marbre, un marbre sans la moindre aspérité, un marbre pur et somptueux, dans lequel on avait également taillé un visage d'une beauté saisissante. La silhouette plantureuse évoluait avec élégance, agitant ses long cheveux bruns, au devant de ce qui devait être son escorte personnelle, d'ailleurs trop lourdement armée pour une simple balade de santé.

« C'est quoi ça ? Demanda Zeronos, avec ce qu'on aurait pu apparenter à du dégoût.
- On se croirait dans une pub pour L'Oréal. Elle s'emmerde pas avec sa foule de boites de conserve. Ça ? C'est ce qu'on appelle une femme. Une vraie. Les hommes ont l'habitude de... répondit Louka en haussant un sourcil.
- Pas ça... Je sais bien c'que c'est qu'une « femme ». Moi je te parle de ça, fit-il en pointant un doigt vers Ponyta et Marine qui arrivaient enfin.
- Ah, ça. Berserk Ponyta, c'est son p'tit nom. Je pourrais te sortir une foultitude de données la dessus mais il serait préférable que tu n'en saches rien, Lilian risque de ne pas apprécier. »

Les « boites de conserve » se rapprochaient doucement. Ils étaient une vingtaine, peut-être un peu plus mais pas beaucoup. Lorsqu'il entendit son nom, Lilian se retourna à contrecœur quelques instants. Il jeta un coup d'œil inquiet à Ponyta qui baissa la tête et donna un coup de nez dans l'épaule de Marine. Toujours à moitié atrophiée mentalement, elle ne parvint à lui adresser qu'un regard en apparence vide. Mais... il n'était désormais plus si éteint qu'il avait pu l'être. Si l'on s'approchait, on remarquait aisément une petite lueur qui brillait et qui, bien qu'ayant besoin d'être attisée, ne mourrait plus. Marine ne savait pas si la voir le soulageait ou l'incommodait encore davantage d'autant plus qu'elle le trouvait différent. Ce qui était flagrant était l'aura rose qui l'entourait. Il sourit avant de saisir discrètement une de ses pokéball. Prudence est mère de sûreté.
La femme, totalement à découvert, plus exposée à un quelconque assaut que ses serviteurs au danger s'arrêta à trois mètres des quatre jeunes hommes alignés devant elle. Elle jaugea le blond duquel l'aura rose venait de s'estomper sans qu'elle eût pu la voir et tapota sa paire de jumelle en affichant un sourire éclatant qui dévoilait une rangée de dents blanches, alignées le plus joliment du monde.

« Baissez vos... pokéball. Fit-elle. Je ne viens pas ajouter mon nom à votre liste, déjà bien fournie, de batailles contre nos semblables. Je me présente, Lady Sibylle d'Azrad. »

Sa voix était ferme, suave et caressante, parfaitement représentative du personnage. Elle avait l'habitude de donner des ordres à la pelle. Les garçons restèrent immobiles, ces mots les avaient refroidi ; aucun d'eux n'aimaient être sous le joug de quelqu'un, d'une femme qui plus était. Tandis que l'un bavait discrètement sur la plastique quasi irréprochable de cette Vénus sortie d'on-ne-sait-quels flots, l'autre n'en menait pas plus large que le premier plongé au cœur d'une sorte d'ataraxie béate. Le reste du groupe se montra à peu près amical : aucun des hommes qui composaient la troupe ne pouvait être insensible aux charmes de cette Lady Sibylle. Bien que les réactions soient différentes, à ce moment précis, tous s'attachèrent furtivement à cette bonne vieille réserve, celle qui vous empêche de tomber naïvement dans un piège plus gros que vous : la méfiance.

« Nous baisserons nos ball si vous donnez l'ordre à vos hommes de faire de même avec leur... armes, déclara posément Lilian.
- Bien. Ce n'était qu'une simple précaution. »

Lady Sibylle fit un geste sec de la main et sourit. Derrière elle, les soldats défirent les lanières qui retenaient les armes de tir à courte et longue portée qu'ils arboraient fièrement autour du cou, les posèrent sur le sol puis reculèrent.

« TOUTES les armes. » fit Lucas.

Nouveau geste. Nouveau bruit métallique. Nouveau tas de coutelas et autres poignards.

« Une nana au pouvoir, quelle idée ! Dit Zeronos.
- Zeronos ! Tu vas t'en prendre une, persifla Pluton que les manières de son coéquipier agaçaient.
- Soyez aimables, je vous prie.
- Que nous vaut le plaisir de votre visite ? » Demanda Pluton.

Lady Sibylle fit une moue empreinte de déception avant de répondre.

« Cette partie de la forêt m'a été offerte par Sa Majesté le Seigneur d'Hyméria, noble souverain de cette contrée en récompense de services divers que j'ai eu plaisir à lui rendre. Par conséquent, vous vous trouvez sur mes terres. Une équipe de fantassins dont la tâche consiste à surveiller les abords de notre territoire vous a repérés et bien évidemment m'a informée que des voyageurs foulaient notre sol. Peut-être recherchez vous quelque chose ? Si c'est le cas, je puis certainement me rendre utile. »

Elle demeurait calme : son sourire ne se décrocha pas un seul instant de ses lèvres rosées. Alors que personne n'osait répondre, elle poursuivit.

« Vous me semblez tous bien en peine. Ciel, avez vous eu l'occasion de vous restaurer depuis le temps que vous errez dans cette forêt ? J'ai le cœur bon et votre détresse m'interpelle vivement. Sachez, voyageurs, que ma demeure vous est ouverte. Je me fais un devoir d'accueillir comme il se doit les étrangers avant de les introduire comme il se doit auprès de sa Majesté. Mon manoir se trouve au Nord Est d'ici. Vous pourrez vous y ravitailler, vous laver, changer de vêtements et surtout dormir réellement. La coutume du pays veut que chaque habitant soit des plus hospitaliers. Vous n'avez absolument rien à craindre. »

Chacun des dresseurs présents dirigea automatiquement son regard vers ses compagnons de route. La plupart d'entre eux, il faut l'avouer, avait faim. Les estomacs vides gargouillaient à l'évocation de nourriture et les bouches souriaient à la simple pensée d'un endroit où se reposer après cette période d'errance. Que risquaient-ils ?

Louka rassembla tout le monde, l'organisation à brûle-pourpoint d'une réunion semblait toute indiquée. Naturellement la tête des opérations fut prise par Lilian, Louka et Zeronos (qui n'était à ce moment la pas d'une très grande utilité).

« Qu'en pensez vous ? Demanda Louka. Je ne connais pas le problème de la fatigue étant donné que je sors d'un monde pixélisé mais je serai altruiste quelques instants en me posant pour réfléchir à l'éventualité d'accompagner cette... femme, chez elle.
- Il faut nous rendre à l'évidence. Nous sommes tous épuisés, ou presque. Côtoyer la mort et la guerre quand on y est pas forcement habitué choquerait n'importe qui, non ? Tenta Lucas.
- Ca vous arriverait de vous demander si on ne court pas au devant de nouvelles galères ? Par le plus grand des hasard.. Siffla Lilian. Cette nana débarque comme une fleur, ses toutous derrière elle et il faudrait les suivre sans broncher ?
- Si on m'avait demandé mon avis, j'aurais certainement dit la même chose ! Caqueta Zeronos.
- On te l'a demandé une minute avant... » Répliqua Pluton.

Tandis que la jeune femme et Zeronos commençaient à s'envoyer paître l'un l'autre, Roland caressait Shaymin, suivant le débat des yeux : il demandait de l'aide à Pluton lorsque c'était possible, désireux qu'elle lui « traduise » ce qu'il entendait. Ses pouvoirs de guérisseur ne lui permettraient pas de remettre totalement sur pied chaque membre « humain » de l'équipe. Il commençait lui même à ressentir le fameux épuisement dont Lucas parlait. Lilian n'aimait pas l'idée de suivre Lady Sibylle. Il devait néanmoins avouer que l'idée de recharger ses batteries lui plaisait. Il pesa rapidement le pour et le contre avec l'aide de Louka et du désormais cadet de la troupe. Ce dernier, fervent défenseur des droits du sommeil, finit par convaincre les deux « chefs auto proclamés » (selon les mots de Roxanne) que la meilleure solution était de se reposer pour repartir encore plus loin, encore plus haut, encore plus fo... Ils avaient des Pokémon et ces derniers semblaient effrayer totalement les autochtones. S'il fallait, ils se battraient, encore une fois.

Marine suivait la scène, un peu en retrait comme d'habitude. Elle ne pouvait s'empêcher de poser ses yeux sur Lady Sibylle. Comme elle était jolie... Comme sa peau était claire... Pourtant, le regard que cette femme rendait à Marine produisait en elle un frisson à chaque fois qu'elles se « rencontraient ». Quelque chose glissait alors froidement le long du dos de la jeune femme, parcourait ses veines comme un poison mortel. Malgré cette étincelante beauté, elle était comme la digitale. Sa robe était pareille aux clochettes pourprées de la fleur et ses jambes à l'élégante tige... Ponyta protégeait toujours Marine, piaffant à ses côtés et frappant le sol du sabot.

« Tu joues les Tauros ou quoi ? »
« Haha.. Je montre à cette femme qu'elle doit se méfier de nous autant que nous nous méfions d'elle. Grimpe, ça t'évitera de te fatiguer en marchant. J'ai été pas mal enfermée, j'ai eu le temps de récupérer. »
« Je vais parfaitement bien ! »
« Tu sortirais d'un emprisonnement d'un an que t'aurais pas été plus convaincante. »

La jument s'agenouilla et Marine enjamba le dos de son Pokémon. Elle s'agrippa aux flammes tandis qu'elles se relevaient ensemble : une sensation de bien-être parcourut l'échine de Marine la où, quelques secondes plus tôt, un fluide glacé semblait avoir coulé.

Un cran se débloqua.
Ses mains bougeaient.
Le Pokémon « sourit ».

Tout le monde s'était mis d'accord. La faim guidait les estomacs et avait eu raison des esprits.

« Eh bien ? Commença doucement Lady Sibylle.
- Nous vous suivons, madame.
- Fort bien ! Nous y serons très bientôt, Par ici, jeunes gens. »

Ses longs cheveux flottaient encore et toujours alors qu'elle fit volte face. Les soldats récupérèrent leurs armes et abandonnèrent les cartouches sur le sol. Ils se mirent en marche, au garde à vous, comme de petits automates obéissants. Lilian se posta non loin de Marine et Ponyta martela la terre de ses pieds, rageant de ne pouvoir prendre le galop. Pluton et Zeronos poursuivaient leur dispute, Roland regardait la nature environnante, Louka sautillait de branche en branche et Lucas marchait la tête haute.

De temps en temps, Sibylle prenait la parole pour étaler les nombreuses qualités de ses domestiques, elle évoquait les coutumes locales et chacun s'efforçait d'en retenir le plus possible. Les membres du groupe se détendaient au fur et à mesure. Elle ne semblait plus si dangereuse que ça finalement. Elle ne cessait de sourire.

« Nous vous donnerons de nouveaux vêtements. Ceux que vous portez seront lavés et repassés. Les couleurs sont très importantes ici, elles renseignent sur énormément de choses. La classe sociale par exemple, mais pas seulement. Elles sont le plus souvent le reflet de votre principale qualité, de ce qui fait que vous êtes vous. Chacun de vous en aura une différente ! Les chambres sont spacieuses et les lits moelleux. Vous passerez une bonne nuit et adieu ces affreux cernes qui ornent vos yeux. Nos cuisiniers sont doués vous savez, vous ne connaissez sans doute pas les spécialités locales. Nous allons y remédier. Et ces chaussures ! Comme elles sont étranges ! Nous ne connaissons pas cela ici, nous portons des sandales... Quant à ces vilaines plaies, nous les panserons. »

Et cela ne s'arrêtait pas la. Elle avait perdu de sa superbe et devint aussi guillerette qu'une petite fille, évoluant allègrement le long du sentier tracé, riant doucement à la moindre occasion. Cela déstabilisa tout le monde. Le chemin se fit sans embûche majeure excepté une gifle qui échappa malencontreusement à Pluton.
Plus les amis approchaient des abords du manoir, plus la végétation se voyait littéralement domptée. Les arbres touffus et les haies foisonnantes étaient taillés, les fleurs emprisonnées à l'intérieur d'immenses serres de verre, l'herbe tondue avec précision et de petits canaux creusés dans la terre acheminaient l'eau jusqu'à de coquettes fontaines qui s'épanouissaient au centre de drôles de jardinets qui formaient en réalité un seul et unique grand parc.
Les soldats se défirent de leurs armes et armures, laissèrent leur combinaisons et, presque nus, pénétrèrent à la queue leu-leu dans un bâtiment adjacent à la vieille demeure principale.

« Je vous prie d'entrer ! » Fit Sibylle avec la plus aimables des figures du monde.

Et les compagnons égarés entrèrent innocemment.