Aux portes du Crépuscule de Darkey

Jalil courait. Cela faisait deux semaines qu'il s'était enfui de cette saloperie d'hôpital. Le soleil était sur le point de se coucher, les lueurs rouges du crépuscule jouaient dans ses cheveux en bataille, éblouissaient son regard sombre. Sa respiration haletante était le seul son audible dans la lande. La brise fraîche le faisait frémir. Il lui semblait soudain sentir une présence dans les environs, mais il n'aurait su dire ce dont il s'agissait.

Ils étaient en route depuis plusieurs heures. Pour une fois, ils avaient le ventre plein, ce qui les rendait plus joyeux. En tête du groupe, Gemma observait les alentours. Un parfum étrange lui semblait émaner des alentours. Mais cependant, elle n'eut pas le temps de s'étendre là-dessus. Sandro venait de stopper, alerte.
- Qu'est-ce qu'il y'a, Sandro? lanca Dens d'un ton moqueur. T'as vu un fantôme?
- Ferme-la, Dens, rétorqua le jeune homme exaspéré. J'ai entendu un bruit de char!
- Je les entends aussi, renchérit Tsune.
En effet, à présent Gemma les entendait aussi. Elle étouffa un juron et se tourna vers ses quatre compagnons:
- Il est temps de fuir!
- Nom de Dieu... murmura Dens.
En effet, trois chars de Van Mortis se montraient dans la plaine, avec sûrement chacun une bonne dizaine de soldats à bord. Jasper blêmit. Les cinq Absol n'étaient pas de taille face à ca.
- Go!!!
Ils reprirent leurs formes Absol et se mirent à galoper comme seuls des Absol de Sang savaient faire. Leur fourrure étincellait sous les rayons du crépuscule. Soudain, l'un des chars tira.
L'explosion fut assez massive pour que les Absol sentent la terre vibrer sous leurs pattes. C'était une sensation grisante, et en même temps effrayante à souhait. Gemma poussa un hurlement sauvage et accéléra. Ses cinq amis l'imitèrent. Ils se mirent à courir à travers la lande. Les tirs explosèrent autour d'eux, soulevant des vagues de poussières, augmentant leur frayeur. Enfin, ils aperçurent au loin une barrière rocheuse et reprirent forme humaine. Sandro regarda ses compagnons:
- S'ils se fracassent là-dedans...
- On peut toujours espèrer, fit Tsune.
Mais Sandro était décidé.
- J'ai un plan. Dens?
- C'est quoi ton idée? demanda le blond.
- On va les provoquer. Gemma, Jasper et Tsune vont se planquer. Ainsi, il y'a une chance pour que déjà trois d'entre nous s'en sortent!
Gemma eut l'air inquiète:
- Sandro, ne vas pas encore faire des conneries...
- Gemma, je suis forcé de reconnaître que Sandro a eu une bonne idée pour le coup, dit Dens. C'est bon pour moi, je marche, va t'abriter avec Jasper et Tsune.
- Je ne veux pas rester en arrière! protesta Tsune.
- Ferme-la, Tsune, ce n'est pas le moment de protester!
Gemma n'hésita plus:
- Venez les gars et en vitesse!
Jasper et Tsune la suivit donc à l'opposée, tandis que Dens et Sandro allaient vers les cibles.
- Sandro, tu prends quel côté? demanda Tsune.
- Gauche, décroche à droite!
- Ok!
Sandro bondit vers les tancks. De sa paume jaillit une Ball'ombre qui alla percuter l'un des tanck de plein fouet. Celui-ci tira, illuminant la lande d'une explosion rougeâtre. De son côté, Dens tira également et sa Ball'Ombre détruisit le canon de l'un des chars. Malheureusement, cela ne fut guère suffisant pour arrêter la petite armée qui fonca.
- Ca marche! Ils prennent de la vitesse!
- Faisons gaffe, fit Dens.
Ils continuèrent à agacer leurs cibles, bondissant, esquivant, tirant, roulant à terre... Deux êtres de vif-argent que rien n'avait le pouvoir d'arrêter. Dens et Sandro se détestaient cordialement; mais à cette minute, ils s'unissaient pour protéger leur meute. Quoiqu'il arrive.
Et Gemma.
Dens savait pourquoi Sandro l'avait choisi pour ce plan périlleux; car si Sandro était le plus rapide et le plus agile, lui était le plus puissant. Un bon équilibre. Tsune ne tenait pas la comparaison. Il vit d'ailleurs une partie des tancks manoeuvrer dangereusement pour cerner de leurs tirs son frère de meute:
- Sandro, prends garde!!!
Le jeune homme entendit l'avertissement prodigué par son compagnon de meute et bondit, évitant le cercle de tirs meurtrier qui explosa autour de lui. Exaspérés, les conducteurs accélérèrent. C'était ce que les deux espèraient. En apparence, ils se laissérent volontier encerclés, prêts à mourir écrasés...
Et bondirent à la dernière minute.
Les tancks se fracassérent contre la barrière rocheuse dans un bruit assourdissant. Les deux hommes ne rebondirent pas, mais s'aggripèrent en haut de la barrière rocheuse. Cependant, quelques soldats étaient sortis des véhicules accidentés et se remirent à tirer. Les tirs effleurérent les deux Absol qui ne se rendirent pas et escaladérent quatre à quatre pour basculer sur l'autre versant. Gemma, Tsune et Jasper les rejoignirent. La diversion avait fonctionné.
- Fonçons!!! cria Gemma;
Ils reprirent leurs formes d'Absol et partirent à toute vitesse.
Jusqu'à l'aube, ils coururent.
Ils ne s'arrêtèrent que lorsque le ciel devint rosé et qu'une forêt apparut. La faim se faisait à nouveau sentir en eux. Ils pénétrérent dans la forêt. Là, Tsune pista du gibier:
"Des Cerfrousse," signala-il.
"Génial, fit Dens. J'ai si faim que je pourrais en manger deux!"
"S'ils sont en groupe, on pourra contenter tout le monde," fit Sandro, joyeux.
Ils pistèrent ainsi pendant plusieurs minutes, avant de tomber sur les proies qui s'offraient à eux. Il y'en avait une dizaine. Gemma les observa, prête à choisir la meilleure cible:
"Le mâle, là-bas. Il est énorme..."
Les autres hôchèrent la tête pour signifier leur accord. Alors, Gemma bondit, imitée par ses compagnons...
Le pokémon cerf n'eut aucune chance. Ses congénéres s'enfuirent, l'abandonnant à son triste sort. Dens lui déchiqueta la veine jugulaire, Sandro lui arracha direct ses flancs, encore palpitants. Il s'écroula et cinq gueules avides se jetèrent sur lui pour l'achever, le dévorant, le déchiquetant...
Telle était la dure loi de la nature.
Ils le dévorèrent en une demie-heure et il n'en resta rien, à peine quelques os encore rongés. Ils l'enterrèrent avec précaution, afin que l'odeur de la charogne n'attire pas d'autres meutes; inutile de se faire remarquer. Puis, la fatigue les saisit tous les cinq. Jasper dénicha un fossé rempli de fougères; cela les cacherait assez. Ils s'y glissérent donc et s'endormirent, blottis les uns contre les autres...

Cependant, une autre ombre marchait dans la forêt.
C'était Jalil. Il était de plus en plus mal. Ses vêtements étaient déchirés et il n'avait rien mangé depuis deux jours; son précédent repas avait été un sandwich acheté dans une station service. Il traversa la forêt, l'oreille aux aguets. Il avait senti une présence hostile...

Gemma s'éveilla en sursaut. Il y'avait quelqu'un près de leur fourré! La jeune Absol s'éveilla, et secoua Sandro du museau.
"Que se passe-il, Gemma?"
"Intrus..."
Dens s'éveille à son tour, puis Jasper et Tsune. Ils montèrent la garde près du fourré...
Et ils le virent.
L'intru avait tout d'un humain. Cheveux bruns et drus, peau mate, yeux noirs... Mais l'odeur qu'il dégageait était nettement musquée, comme s'il l'avait eu du sang d'Absol dans les veines. Brusquement, il se tourna vers le fourré, menaçant...
Gemma fut la première à réagir.
Elle bondit sur lui.
Jalil n'hésita pas une seconde. Sa griffe fendit l'air, et Gemma fut littéralement lacérée au flanc. Son sang se versa sur le sol...
Un grognement de rage retentit et la minute d'après, Jalil recevait sur lui une masse d'environ vingt kilos sur le torse, mais se dégagea avant que l'Absol noir et blanc n'aie pu l'égorger. Il se retrouva encerclé par Dens, Tsune et Jasper qui grognaient. Mais Gemma s'approcha, léchant son épaule blessée:
"Attendez..."
Elle reprit forme humaine et Jalil la regarda, étrangement gêné. Les cheveux pourpre... Cette grâce, ces yeux perçants... De son côté, Gemma croisa le regard sombre du jeune homme et en éprouva un certain trouble. Sandro reprit forme humaine également et dit:
- Gemma, écorchons-le!
- Attendez, les mecs, vous voyez pas que ce type a un truc qui va pas? répliqua-elle.
- Si j'avais remarqué, fit Dens, mais pour moi, c'est une raison de plus de le tuer!
- Dens a raison, renchérit Sandro, t'as pas vu comment il a failli te saigner, alors qu'on ne lui avait encore rien fait?
Jalil prit la parole:
- Je vous déteste tous... Abominations de Van Mortis! Tuez-moi, j'en ai rien à foutre...
Les cinq se mirent à grogner et Gemma donna un coup de poing dans la mâchoire de l'adolescent:
- Ne répétes jamais ca, espèce de sale petit mutant! Et toi, d'où tu sors, hein? J'te le demande, peut-être?
Jalil se mit à souffler. Il répliqua:
- Pas d'un de ses putains de labos, en tout cas, pas comme toi et les tiens, connasse!
- Ta gueule!
Elle plongea ses prunelles fauves dans celles noires du jeune homme:
- Je me suis fait le serment avec ma meute de ne pas tuer d'humains inutilement. Alors, tu vois, je vais faire ma putain d'idéaliste et te laisser la vie sauve! Mais...
Elle le toisa d'un air féroce:
- Je te garantis que si jamais, tu parles de nous à qui que ce soit, que tu dis où tu nous as vus... Mes copains et moi, nous te rattraperons... Et je te jure que pour toi, nous ferons une exception à notre régime alimentaire!
Jalil comprit que ce n'était pas une menace en l'air.
- Ecartez-vous, les gars. Et toi... DECAMPE!!!
Le jeune homme ne se le fit pas dire deux fois et s'en alla en quelques bonds.
- Pourquoi tu l'as épargné? s'écria Dens.
- C'est une victime de Van Mortis, comme nous...
- Tu aurais mieux fait de le tuer, fit Sandro. Ce mec a quelque chose qui ne me plait pas!
- D'accord avec Sandro, pour une fois, dit Dens.
Gemma les regarda d'un air sévére:
- Il ne nous balancera pas à Van Mortis. Il le hait. Ils nous a attaqués parce qu'il pensait qu'on bossait pour lui. Donc, il n'était pas nécessaire de le tuer. C'est juste un mec paumé, qui s'est retrouvé avec une greffe sur le bras et qui erre sans savoir quoi foutre... Pas dangereux.
- Tu dois avoir raison, fit Jasper, soudain.
Tsune, qui n'a encore rien dit, répond à son tour:
- Gemma a raison. Ce n'est pas bien de tuer, de toute façon. Alors le faire sans une bonne raison...
- En attendant, il vaut mieux ne pas traîner ici, fit Dens. Le coin est visité, apparement.
- Bonne idée, approuva Gemma.
Ils reprirent donc la route, calmés. Sandro, par contre, était soucieux. Il n'aimait pas l'attitude de Gemma. En la voyant face au jeune homme, il avait senti une menace planer...