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Echos Infinis de Icej



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» Auteur : Icej - Voir le profil
» Créé le 15/10/2016 à 05:10
» Dernière mise à jour le 07/07/2018 à 19:26

» Mots-clés :   Action   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de shippings

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Épisode 30 : S'accrocher au paradis
Je vous le livre tout chaud, avec encore des fautes peut-être… mais j’ai découvert qu’on pouvait corriger les petites erreurs sans que la fic se mette à jour, donc je peux à présent le faire sans avoir peur de vous décevoir.
Bonne lecture. :)


(Aurores)
Trucmuche grouina de bonheur, étirant ses maigres ailes au soleil du matin. Les aspérités du bois sur lequel il reposait grattaient agréablement sa figure ronde, et la vitre lisse de leur chambre était fraiche contre le bout sa truffe. De la vue au-delà, il ne discernait que des couleurs floues qui le distrayaient et l’endormaient doucement…

— Qu’est-ce que tu fiches ? s’impatienta une voix sèche.
— Calme ta joie… répondit une voix railleuse, paresseuse. Ils sont juste coincés au fond de son bordel…
— Vous cherchez les délicieux gâteaux au chocolat de la dresseuse blonde ? s’enquit un troisième timbre fort distingué.

Trucmuche roula un œil, puis deux, tiré de sa torpeur. Il lâcha un vague grognement de mécontentement—qui se perdit dans un vacarme soudain ! Vite, le Chovsourir fit volteface pour identifier la source du cataclysme, et réalisa que Baggy avait chuté de la mezzanine et que le lourd sac de la dresseuse s’était écrasé sur sa petite figure.

— Putain mais elle a fourré quoi là-dedans, tout le bazaar Kécléon ? jura le starter, se tirant des décombres.
— Je crois que c’est la bicyclette pliable qui pose problème… jugea Grotichon, effaré.
— Non, vraiment ? rétorqua Amaryllis.
— En tout cas, pour la discrétion c’est fichu… lança Baggy. Je t’avais dit que c’était une mauvaise idée, pimbêche…
— Tu m’as surtout dit que tu savais exactement où elle rangeait les desserts, moron ! rétorqua la Pokémon énervée.
La gueule de Baggy s’arrangea en un masque dédaigneux qu’Amaryllis lui rendit très bien, cambrée.
— Insulte-moi encore une fois et tu ne parleras plus qu’avec tes narines…
— Désolée, je n’attaque pas les mecs, sont trop cons…
Un soupir. Puis un paquet de rois fourrés roula jusqu’à eux dans un silence de givre.
— Voilà vos friandises… ajouta Grotichon, sentant que la précision ne serait pas de trop.

Les deux Pokémon se jetèrent sur les gâteaux sans plus de commentaire. Les dresseurs étaient sortis prendre leur propre petit-déjeuner il y a quelques minutes, donc les créatures en profitaient.

— Baggy, vous n’avez vraiment pas changé depuis le début de notre voyage, sourit presque le starter Feu, se remémorant le premier combat entre leurs dresseurs.
— Vous non plus, répliqua le concerné, avalant une galette toute ronde.
— Moi, si, interjeta froidement Amaryllis.
— Toi j’te préférais quand tu bégayais.
— Ça collait plus à ton rythme, c’est ça ?
— Ou plutôt tu fermais ta gueule plus souvent.

Un sifflement appréciatif interrompit la conversation, et les trois Pokémon levèrent leurs truffes d’un même mouvement, méfiants. Mais c’était uniquement Riolu qui était sortie de sa Pokéball, et avait entendu la dernière réplique.

— Merde, ça ne devait pas être l’ambiance au début de votre voyage ! s’esclaffa-t-elle. Puis elle renifla et plissa les yeux avait menace : quoi, on baffre sans prévenir la compagnie ?
— Comme ça y en a plus pour nous, répliqua Baggy avec indifférence.
— Connard.
— Toi même.
— Ah, les frustres Pokémon Combat… lâcha Amaryllis, hautaine.
— Conasse ! répliquèrent les deux concernés d’une même voix.

Riolu se livra au déchiquetage d’une galette, lançant un clin d’œil à son équipier, Grotichon, qui surveillait la scène grâce à sa stature imposante. Mise à part les insultes que s’envoyaient les Pokémon, la chambre était entièrement calme, leurs humains étant sortis passer un coup de fil au quatrième du groupe, Oscar.

— Avant notre voyage, nous n’étions jamais sortis du laboratoire, se rappela le cochon, saisi d’une émotion indéfinissable.
— Toi peut-être, répliqua Riolu avec indifférence. Mais moi je vivais pénarde autour du Ranch. J’étais la plus forte du coin.
— Ce n’était pas si terrible, le laboratoire… soupira Amaryllis.
— Moi aussi je viens du Ranch, ajouta une nouvelle voix, calme et affectueuse. Mais je n’étais juste qu’un chiot.

Lucky rejoint le cercle des anciens courbaturés et goba un gâteau, répandant un peu de salive sur la moquette autour du parquet. Amaryllis retroussa les babines, dégoûtés.

— Et maintenant t’es qu’un chien, lança Riolu.
— Je suis plus gros que toi.
— J’suis plus puissante.
— Peut-être, répliqua le chien humblement, les poils de sa truffe frémissant.
Un silence contemplatif les saisit.
— Mais d’ailleurs, Baggy, tu viens d’où ? s’enquit soudain le chien, tournant un œil intrigué vers son coéquipier. Au vu de tes cicatrices, tu étais sauvage avant d’appartenir à la dresseuse, non ?
Le Pokémon Wesh lui jeta un regard noir.
— Mystère, asséna-t-il d’un ton méchant, s’en retournant à un deuxième paquet de gâteau.
— J’parie que t’es du Désert Délassant, trancha Riolu. De toute façon vous les Baggiguane, vous venez tous de là.
— J’ai dit : mystère !

Et aucun des Pokémon assemblés autour des décombres du sac d’Élin ne remarquait Trucmuche… qui lévitait silencieusement, grâce à ses pouvoirs psychiques, et observait la scène depuis le plafond. La tête à l’envers. Quoique, ça ne changeait pas grand chose au vu de la rondeur de son corps.
Trucmuche était devenu espion. Cette perspective l’enchantait.

Aussi l’inepte chauve-souris fut-elle la première à entendre qu’un petit chiot rouge s’approchait du groupe, frémissant d’enthousiasme. Le cercle de Pokémon lui fit néanmoins vite de la place, et il se jeta sur un troisième paquet de rois fourrés, déchiquetant l’emballage carton avec deux coups de canines.

— Et toi, d’où viens-tu ? aboya Lucky, saisi d’une curiosité chaleureuse.
— Des rues, répondit Hope, la bouche pleine. Avec mon frère.
— Celui qui a été capturé en même temps ?
— J’aimerais bien le revoir…
— Quand le quatrième dresseur reviendra, peut-être, sympathisa Grotichon.

L’obscurité se fit un instant. Les créatures échangeant des regards méfiants. Rapides. Et le groupe se relâchant, s’écartelant, froissé par le recul.

— Votre dresseur ne semble pas aller bien, s’aventura doucement Lucky.
— J’ai pas remarqué, rétorqua Riolu, et sur la mine de Baggy s’étira un rictus.
— En même temps, t’es un peu con.
— Je lève les yeux plus haut que la merde des autres, au moins.
Et Amaryllis de soupirer :
— Décidément, les Pokémon Combat…

Les voix des concernés se mêlèrent un en « ta gueule » retentissant.

— Notre dresseur… commença Grotichon. Notre dresseur est compliqué.
— Mais il a le cœur à l’endroit ! argumenta Riolu. Il—
— Cela ne peut pas l’empêcher de mal aller, non ? demanda doucement son équipier.

La chienne bleue ne contra pas son regard neutre, bienveillant par une de ses expressions défiantes. Elle se leva brusquement et s’arracha au groupe, se dirigeant d’une démarche raide vers sa Pokéball.

— Quelle traîtresse, maugréa Baggy à sa suite. Elle ne sera même pas suspectée pour les gâteaux.
— Ce n’est pas elle qui a conçu le plan, la défendit tranquillement Lucky tandis qu’il se penchait vers une seizième galette.
— Dresseuse ne va pas être contente ? s’inquiéta tout de suite Hope.
— Je ne sais pas.

Les Pokémon échangèrent un regard incertain, hérissant légèrement le poil. Contrairement aux humains, ils n’avaient pas un sens spontané du bien et du mal, et leur empathie était très peu développée : se mettre à la place d’un Autre… deviner ses pensées, ses réactions… était trop abstrait et difficile pour la majorité d’entre les créatures.
Simplement, ils observaient, et enregistraient, instinctivement. Ils agissaient grâce à l’expérience.

— Je sais quand le dresseur a commencé à aller mal, souffla Amaryllis, bête tapie dans l’ombre. C’est au même moment que mon humaine a changé… sur le « Ferry ».
— Le grand bateau, traduisit Lucky, réfléchissant.
— La barque ?
— Non, le bateau.
— Merde, on a un problème avec l’eau, résuma Baggy.
— Il a changé, car… reprit Amaryllis, mais elle s’arrêta. Tu étais là ? murmura-t-elle à la place à l’adresse de Grotichon, le timbre précis. Presque féroce.

Un long silence. Hope se roula en boule contre Lucky, s’enfouissant dans la toison du plus vieux, ne souhaitant plus entendre la suite. Il n’avait pas peur, mais… seule une chose l’intéressait : sa dresseuse, son rayon de soleil. Pas les embrouilles humaines, celles où il fallait réfléchir à des concepts intangibles et dangereux.

— J’étais dans ma Pokéball, expliqua Grotichon, lourdement. Il m’a fait rentrer. Je ne sais pas pourquoi.
— Mais tu penses, comme Riolu, qu’il a le cœur à l’endroit.
Un instant de réflexion, de vérification, encore et encore.
— … Oui. Je lui fais confiance.
Un lien intangible, et dangereux. Vif, et palpitant.
— Les humains, comme nous, sont jeunes et avancent dans le noir… murmura Lucky. À qui font-ils confiance durant le combat, je me le demande ? Nous, qui sommes aveuglés par le feu du combat, nous nous reposons sans réserve sur eux… mais les humains, comment font-ils ?
— Ils doutent. Comme des cons.

Baggy avait une expression amère, un peu triste, un peu méprisante. Et chacun médita les paroles qu’il avait sifflé sans réfléchir, sa voix le trahissant, pensées s’échappant d’un rictus mal contrôlé.

Bruissement de nuit. Flottement indicible. Trucmuche bondit vers le plafond, effrayé, son corps tournoyant comiquement. C’était Cryptéro qui l’avait rejoint, statue ancienne, silence figé. Les deux Pokémon, arrivées toutes récentes dans la communauté, se contemplèrent comme seules savent le faire les créatures du désert.

Ils ne remarquèrent pas Amaryllis, qui avait muettement levé les yeux, alertée par un léger mouvement aux limites de sa vision.
Comme sa dresseuse : le regard perçant.
Un regard dont débordaient de claires journées. Un regard dont débordaient tous les matins du monde.


(Rappel)
Il était tôt. La majorité des dresseurs du Centre se levaient tout juste, prenaient leurs petits-déjeuners. Quelques néons restaient encore allumés, veillant contre la nuit et les fantômes du matin.
Un silence doux, serein inondait l’accueil, rongé uniquement par de vagues murmures.

— BOUUUUUUUUH ! hurlèrent soudain trois jeunes dresseurs, l’une enthousiaste et inconsciente, les deux autres embarrassés et crispés.

Sans surprise, ces adolescents n’étaient d’autre qu’Élin, Elsa et Syd, cités par degré d’embarras et de crispation.
À l’autre bout du fil, Oscar se frotta vigoureusement les yeux, halluciné.

— Vous m’avez tiré du lit… gémit-il, désignant dramatiquement le canapé miteux qu’ils pouvaient distinguer, en arrière-plan.
— C’est pour ça que tu ne répondais pas à nos quatre premiers appels ? s’enquit Élin, intriguée.
— J’en doute fortement, ironisa Syd à ses côtés. Ce qui lui valu un coup de coude.
— J’espérais que vous abandonneriez… se lamenta Oscar au même moment, les doigts plongés dans ses courts cheveux.
— Non. Ne te transforme pas en Mélis ! ordonna Elsa, méfiante.
Un regard blasé lui répondit.
— Elsa, grogna le dresseur de Volucité. Il est six heures du matin.
— Regarde, Syd, il ronchonne exactement comme toi ! souffla Élin, ébahie.

Le garçon aux yeux d’ambre sursauta, ce qui arracha un rire hésitant à Elsa. Oscar plissa les yeux. Élin lui renvoya un sourire éclatant. Puis les quatre amis se lancèrent dans une conversation tantôt animée, tantôt douloureuse, partagés entre leurs souvenirs et la promesse de se revoir bientôt. Syd expliqua sa nouvelle tactique de combat à Oscar, et précisa sous les moqueries d’Élin qu’il l’avait encore améliorée depuis leur dernier match.

Oscar ne dit rien de ses propres prouesses, de ses combats clandestins dans les arènes de Volucité. Il laissa simplement ses amis se chamailler, les observant avec un sourire discret. Elsa le lui rendit, une lueur indéfinissable dans l’œil.
Il observa ensuite ses mains nouées.

Finalement, Syd perdit le combat et grommela qu’il devait aller nourrir les Pokémon. Oscar lui fit un au-revoir gracieux, s’attendant à bavarder avec les deux filles—après tout, il avait toujours été plus proches d’elles que du dresseur distant. Mais après une hésitation, un regard jeté à la dérobée, Elsa lui lança aussi un salut hâtif.

— Syd ! le rappela-t-elle, souriante.
Le concerné s’arrêta et lui rendit un rictus.
— Tu veux de l'aide ? poursuivit-elle, encouragée.

Le neveu d’Aloé hocha du chef et les adolescents s’éloignèrent, se dirigeant sans doute vers la chambre. Élin acquiesça d’un air sage, provoquant le rire d’Oscar.

— Si je comprends bien, ils ont résolu leur dispute ? devina l’ex-baba cool avec un air content.
— Wah, t’es devenu perspicace ! rétorqua Élin.
Son ami rigola de nouveau.
— Pourquoi, tu me prenais pour un idiot, avant ?

Cette remarque était prononcée d’une manière légère et enfantine, mais la blonde se tut, touchée. Elle se mordit la lèvre puis pencha la tête sur le côté, une mimique que Hope réalisait souvent.

— Non, je n’y réfléchissais juste pas, dit-elle finalement, satisfaite de sa réponse. Oscar haussa les épaules, le regard lointain.
— Et maintenant ? souffla-t-il, timbre indéfinissable.
Elle balança ses jambes dans le vide, gamine.
— Et maintenant j’y ai réfléchi. Puis j’ai décidé que j’avais raison dès le début : ils se prennent trop la tête.

Elle rigola comme si le monde s’était illuminé, comme si elle avait découvert un trésor. Et Oscar ne pu s’empêcher de s’animer en réponse, connecté (action-réaction) après tout ce temps.

— Au fait, y a un gars qui est venu, déclara Élin, provocante.
— Quel gars ?
— Un gars hyper coool, je sens qu’il va devenir mon meilleur ami !
Cette fois, Oscar fronça les sourcils.
Quel gars ?
L’air de détenir un grand mystère, son amie révéla :
— Leafer.

Il mit quelques secondes à associer ce nom à une figure. Leafer, le maigre nabot qu’ils avaient rencontré juste avant le Ferry ? Celui qui prétendait lire dans le comportement des autres ? Il avait un gros nez, non ?
Le soulagement frappa Oscar en une vague délicieuse.

— Ah, Leafer ! soupira-t-il, dissimulant ses émotions sous un rire de circonstance.
Mais, portant un pendentif à la caméra, Élin déclara, malicieuse…
— Il m’a offert un collieeeeer !

Le visage d’Oscar se ferma, et un désir de vengeance l’envahit. Ah bon, Élin voulait jouer à ce jeu-là, tenter de le rendre furieux et jaloux ? Eh bien, lui aussi avait de quoi l'agacer.

— Tu sais quoi, sourit-il, Shazaa va bientôt rentrer. Je devrais couper !

Un écran noir répondit au cri indigné de son amie.

[…]

— Shazaa ! l'appela-t-il, paniqué. Il faut absolument que j'achète un collier, dis-moi où je peux acheter un collier pour garçon manqué !

La jeune femme observa son colocataire, le sourcil arqué. Oscar désirait-il lui acheter un collier ? C'était... un sentiment railleur et affectueux à la fois l'envahit, subtil mélange dont elle ne savait encore déterminer la provenance.

— C'est pour Élin ! ajouta le dresseur aux yeux verdoyant, à la recherche de chaque détail qui pourrait aider son amie.

Cette fois, Shazaa prit un air mauvais. Ah bon, il voulait jouer à ce jeu-là, tenter de la rendre furieuse et jalouse ?
Elle lui ferait payer.

[…]

Elle était nue contre du carrelage froid, elle sentait une décharge vriller ses nerfs, elle écoutait son père discuter avec un inconnu, elle se moquait d’un prof jusqu’à ce qu’il en pleure, elle s'accrochait à deux épaules nues, elle courrait jusqu’à la mer, elle éclatait les volets, elle battait des ailes, elle suffoquait, souriait, enlaçait, entraînait, détalait, affrontait, courageuse, capricieuse, incandescente. Âme brûlante.

Dans un corps de cire.

Elle souriait… aucune larme ne coulait et sa gorge palpitait. Elle souriait… saisie de vertige, plongeant vers le soleil, oscillant contre les toilettes. Elle souriait, désarticulée elle souriait, contre le mur de la cabine elle souriait, la tête tournée vers le plafond grésillant. Une plainte enrouée se traîna jusqu’à ses lèvres.

— Aaaaaa…

Écho infini contre les parois de son crâne. Lame sonore contre un néon bleuté. Prémonition sanglante, le râle s’étirait.

Elle se demandait si ces crises allaient faire parti de son quotidien. Était-elle malade ?
« Tu as toujours eu une santé de fer. »
Était-ce un contrecoup bizarre du Ferry ?
« Je ne bégaie plus. »
Devait-elle informer Syd et Elsa ?
« Quand Elsa et Syd discutent ce n’est pas eux, mais des Zoroark ! »

Quand elle était petite elle demandait souvent à son papa d’où elle venait, mais il ne lui répondait pas, alors elle s’était inventée toute une légende. Elle avait dit à White, je viens du même village qu’Iris, mais j’ai été élevée par des Tranchodon, c’est pour cela que je veux partir en voyage initiatique, je veux les capturer pour qu’on soit toujours ensemble dis White je peux ? Peut-être était-ce le vert des Tranchodon qui l’avait induit en erreur : elle l’avait confondu avec les cheveux de son sauveur, dont elle ne se rappelait déjà plus.

Alors que son corps avait refoulé la douleur, une vague bouillonnante surgit de nouveau—vision blanche—un haut le cœur dégueulasse qui ne vomit rien que de l’air, une fétide bourrasque contre les parois gonflées de sa gorge—exhalation d’un tunnel ancien—elle chuta sur ses quatre pattes, le crâne rebondissant contre la cuvette des toilettes et
devant elle le mur bleu de
la cabine

Sa joue collée au sol froid et sale, elle observa le bas des autres cabines, les pieds d’hommes et les pieds de femmes qui allaient au loin dans des latrines identiques. Tranches d’univers.
Il lui semblait qu’un peu de boue s’était incrustée dans un pli, au coin de son œil.
Elle suffoquait, souriait, enlaçait, entraînait, incandescente…

— Où dresseuse besoin ?

Choc.
Baggy ?
Élin se dressa sur son coude et balaya l’espace au-delà de la cabine d’un regard halluciné.
Qu’avait-elle entendu ?
Qu’avait-elle—
La gamine s’effondra, engloutie par du noir.

— … Élin ?

Du temps avait passé peut-être, mais il lui semblait que seule une seconde s’était écoulée.
Elle se recroquevilla, puis s’assit, mouillée et un peu crasseuse.
Puis, lentement, elle se hissa debout et tira la chasse des toilettes, contemplant le ballet cristallin de l’eau.

— Élineera ?

C’était le timbre chaud et rassurant de Syd. Galvanisée, la gamine passa quelques doigts dans ses cheveux clairs, toussa, plaqua un sourire innocent sur sa frimousse. Elle déglutit—aucune salive. Elle avait besoin d’eau…

On toqua à sa porte et elle l’ouvrit hâtivement.
Syd arqua un sourcil, peu impressionné :

— Pourquoi t’es toute sale ?
— Je suis tombée, ricana-t-elle, la voix un peu rauque. Ça arrive même aux entités supérieures, il paraît !
— Qui l’eut cru.

Il la guida vers les lavabos, et elle se nettoya un peu le visage, les plis aux coins de ses yeux. Son reflet lui semblait totalement déconnecté d’elle-même, ne trahissant rien de la peur, de la douleur.

— Tes Pokémon ont dévalisé ton stock de rois fourrés, t’aurais dû voir le carnage… racontait Syd, ironique.
— Oh les coquins, je vais bien les gronder ! s’offusqua la blonde en rigolant, s’observant toujours, étudiant son visage rieur.
— Telle dresseuse, tels Pokémon, répliqua son ami.
— Moui c’est vrai que toi et Grotichon, vous êtes copains comme cochons… rétorqua-t-elle.

Ils ricanèrent, un silence s’installa. Élin exhala… grâce à Syd, elle allait mieux.

— T’as de la chance d’avoir une personnalité comme ça, commenta maladroitement le dresseur, l’arrachant à ce constat. Aussi libre et… énergique.

Élin sourit mais—cette fois la mimique était sincère, affectueuse. Elle plongea dans le regard ambré de Syd, portée par des émotions qui la dépassaient totalement.

— C’est grâce à vous. Si je me sens heureuse, c’est… grâce à vous.

Il acquiesça, frappé par l’amitié qu’il allait perdre en trahissant. Sa place dans le groupe, Élin… le pardon si facile qu’on lui avait accordé.

— Elsa m’a cru… énonça-t-il difficilement, baissant le regard.
Mais son amie ne fit que lui renvoyer une réplique incompréhensible, naïve.
— Qu’est-ce qu’il y a à croire ?


(Un instant de normalité ?)
Arène noire. Foule indistincte, couleurs obscures, tempo infernal. Femmes et hommes élancés sous des projecteurs aveuglants, flashs. Squelettes biscornus. Étoffes damassées, pailletées, sublimées, survoltées. Rêves de corps, de tout ce qui est éthéré et inhumain, rêves de beauté et de richesse entre les rayons verts et rouges et mauves.

Dans les gradins, Mélis soupira, fatigué. Déjà ennuyé. L’oncle de Leafer lui tapait sur le système, réussissant cet exploit après seulement cinq minutes d’attente. Sa fierté surdimensionnée s’excitait tout particulièrement depuis qu’Inezia avait choisi d’affronter le neveu en premier, neveu qui se préparait nerveusement au bord du terrain.

— S’il a choisi une manche simple, mon p’tit gars, c’est parce qu’il est sûre de battre le Champion en un éclair ! tonna l’oncle à travers la musique, rigolant ensuite à son jeu de mot.
(Non, pensa Mélis. Choisir une manche simple signifie que son équipe est de force inégale, et qu’il est peu sûr de lui.)
— Hm. Il va la foudroyer, approuva-t-il plutôt, laconique.
Sa voix se fit avaler par les basses puissantes du chant, par les ténèbres, et l’oncle poursuit sans l’écouter.
— Vous savez, j’ai moi même fait le tour d’Unys et récolté trois badges avec mon Ouvrifier… se vanta-t-il, désignant d’ailleurs un tatouage du Pokémon concerné sur son avant-bras.

Mélis sourit, faussement impressionné. Il avait choisi de ne pas révéler son identité, son parcours de Maître de Ligue—l’anonymat était plus reposant. Heureusement, son tour avait marché… qui devinerait un Champion sous sa figure apathique et ses haussements d’épaule ?

Déjà, à l’époque, les médias s’étaient étonnés qu’il triomphe de Matis le fougueux, et Écho la perfectionniste. Sauf que : Matis fonçait dans le tas. Sauf que : Écho ratait des occasions, crispée. Tandis que Mélis… Mélis se laissait porter par le tempo du combat, se reposait durant les creux de la vague, utilisait la déferlante de violence et d’excitation à son avantage… Il savait rediriger la force de l’ennemi, se soustraire à tous les pièges qu’on lui tendait. Il se faufilait hors de danger sans une égratignure, laissant l’adversaire impuissant. Et furieux.

Leafer avait fini ses préparatifs. Il s’enfonça entre les rangées de modèles, silhouette malingre apparaissant et disparaissant parmi les mannequins aux couleurs éclatantes.

— Il n’y a vraiment qu’une femme pour transformer son Arène en défilé de mode… jugea l’oncle, secouant de la tête avec désapprobation.

Sans commentaire.

[…]

Elsa n’affronterait pas Inezia. Élin avait d’ailleurs trouvé cela scandaleux, et il avait fallu que Syd la tire vers les vestiaires pour qu’Elsa s’en tire intacte ! Malheureusement, la gamine blonde s’était accrochée à la porte en position de Starmi, sous le regard halluciné de Leafer. Syd s’était acharné, elle avait fini par lâcher prise, et les deux s’étaient écroulés contre une enceinte.

Le souvenir arracha un sourire à Elsa. Ces frasques lui rappelaient le début du voyage : la barque, le Pokéwood, le bal… et si elle ne participerait plus à la collecte des badges, elle était fière d’observer le combat de ses amis. Au vu de leurs discussions animées avant de pénétrer dans l’Arène, Syd s’était trouvé un rival en Leafer, passé maître de l’anticipation.

Le petit brun devait d’ailleurs affronter Inezia en premier, et il s’avançait à présent, genoux tremblants, sur le podium où défilaient les mannequins. Elsa l’observait, à la fois sympathique et amusé par sa nervosité. Elle avait ressenti la même chose durant son match contre Strykna !

— Arceus, c’est laid ! s’exclama une veille dame à l’oreille d’Elsa.

La jeune brune sursauta et fit un pas sur le côté, jetant un regard à la sexagénaire qui ne l’avait même pas remarqué. Elle pouvait deviner la suite des paroles en suivant les mouvements affectés de ses lèvres rouges…

— Qui est la styliste de cette collection, une vieille copine aveugle ? enchaînait ainsi la femme d’un air important, passant un sac à franges roses d’une épaule à l’autre.

Elle s’adressait à un jeune homme qui semblait être son petit-fils, la vingtaine, les cheveux teints en violet. Malgré l’obscurité, il portait des lunettes à verres fumés qu’il ne cessait de triturer, et portait une chevalière à l’éclat de luxe.

— Non grand-mé, c’est une stagiaire qui a dessiné ces vêtements, elle est mignonne la petite chérie, déclama-t-il.
— Comment s’appelle-t-elle ? s’enquit la dame, circonspecte.
— Oh, je ne sais pas, dit le jeune avec un geste de la main hautain. Sa chevalière brillait.
— Et où vit-elle ?
— Devant son miroir.

Elsa suivit leur regard et étudia les vêtements qui semblaient les irriter… des ensembles à texture unie, qu’ils soient faits de velours ou de paillettes, mais teints en une seule couleur vive et très structurées. Une robe coquelicot aux plis rigides succédait ainsi à une veste bouffante fortement repiquée.

— Mais bon, grand-mé, tu as raison… reprit le petit-fils avec un sourire d’allumette. C’est tellement moche, qu’on dirait une fringue de l’an prochain !

Lassée de tout ces cancans, Elsa se déplaça, déçue car elle s’éloignait ainsi d’Inezia et donc de Leafer. Tant pis : si elle ne trouvait pas de place parmi des personnes agréables, elle monterait dans les gradins avec Mélis et l’oncle de son ami. Cependant, partout où elle arrivait à se faufiler, l’étudiante ne captait que des remarques nasillardes, ignorantes ou méprisantes… « cette collection fait hyper pute. Enfin, je dis pute, mais ce n’est pas péjoratif dans ma bouche » — « j’adore cette mannequin, on dirait qu’elle va parler. Mais enfin avec elle, Racine, c’est chez le coiffeur » — « tu portes un jean trop moulant ou bien t’as grossi ? ».

— C’est quoi la tendance cette année ?
— Stupide.

Énervée, Elsa quitta la foule et gravit quatre-à-quatre les marches qui la séparaient du seul esprit sain de la salle.
Mélis, qui supportait l’oncle musclé sans aucun retour sarcastique depuis plus d’un quart d’heure, vécu son arrivée comme la descente du prophète Shaymin.

— Ces gens sont trop cons ! s’écria l’élève en s’écroulant dans un siège vide.
— Vraiment trop cons, se lamenta le dresseur en retour.
Sans se regarder, les compagnons de route partagèrent un sourire railleur.

Au loin, Leafer appela Rouletabille le Spinda. La silhouette envoûtante et élancée d’Inezia lui faisait face, étoile fixe parmi les projecteurs et les modèles fuyants. Sans hésiter, la mannequin invoqua un Emolga et lui ordonna de s’envoler.

— C’est honteux pour un Champion de se servir de ces pâte-à-crêpes ! jugea l’oncle. Ils n’ont aucune résistance et aucune force de frappe !
(On dit une Championne, pensa Elsa, acide. Les noms des métiers se féminisent, c’est la loi.)
— Vous n’avez pas un Émolga dans votre équipe, par hasard ? glissa-t-elle plutôt à Mélis, taquine.
— J’aurais dû l’appeler Pâte-à-crêpe, rétorqua-t-il tout aussi discrètement.

Grâce à de multiples sauts et saltos, l’écureuil fusait sur le podium et s’accrochait aux murs et projecteurs, se servant de sa polarité naturelle pour s’accrocher aux parois métalliques.

— S’il connaît Acrobatie, il est au moins au niveau trente… réfléchit Elsa.
— Qui te dit que ce n’est pas Vive Attaque, couplée à Éclair ? contra Mélis.
— L’Émolga à les bras écartés, il les aurait instinctivement repliées pour une Vive Attaque.
— Et d’ici, tu arrives à distinguer si c’est un mâle ou une femelle ?
— Oui, rougit Elsa. Mélis dissimula un sourire amusé et elle lui lança un regard empli de reproche.

Leafer avait quant à lui ordonné une Danse Folle à Rouletabille, et le Pokémon, porté par une chance incroyable ou un entraînement rigoureux, suivait de près les mouvements de son adversaire. Mélis fronça les sourcils, impressionné.

— Ce gamin a amené son Spinda au niveau trente-sept… Et il utilise Danse Folle.
Elsa voulut lui expliquer la tactique de Leafer, mais sa voix grêle se fit avaler par une remarque de l’oncle :
— En un Uppercut, ce match est fini. L’adversaire ne tiendra pas la route !

L’élève le Volucité fronça les sourcils. L’homme oubliait les étapes intermédiaires, pourtant capitales dans un combat. Soupirant, elle attendit que le natif de Méanville finisse de parler, et expliqua brièvement ce qu’elle prévoyait à Mélis.

Ses théories se vérifièrent. Grâce à Pieds Confus, l’ourson rouge avait doublé sa vitesse, tandis que l’Émolga adversaire était déconcerté, son Acrobatie se faisant hésitante. Leafer n’eut qu’à lancer une Photocopie pour se lancer à la poursuite de l’adversaire, deux fois plus rapide. Inezia ordonna tout de suite à son Pokémon d’utiliser Reflet, pour mieux se protéger du poursuivant. Cependant, Spinda lançait une Rafale Psy à chaque bond, et les rayons dangereux détruisaient bien des reflets... Malgré les Boule Elek que lançaient les copies d’Émolga pour se défendre, Leafer trouva bien vite l’original affaibli. Seulement alors, il l’acheva d’un Uppercut.

Le combat avait été fini en un enchaînement foudroyant.

Inezia félicita Leafer et lui remit le badge Volt, le visage de la Championne paraissant pourtant atone et lointain. Elsa fronça les sourcils et jeta un regard à Mélis tandis que l’oncle jurait, ému. Le dresseur des légendes haussa les épaules.

— Inezia était très chaleureuse quand je l’ai rencontrée, dit-il. Elle s’impliquait beaucoup pour les dresseurs qui l’affrontaient, elle a d’ailleurs aidé Bianca durant son voyage initiatique, à l’époque où elle venait de prendre ses fonctions à l’Arène. Mais quelque chose lui est arrivée, apparemment… Peut-être que Tcheren sait, en tant que Champion, termina-t-il plus pour lui même.

L’oncle décida de rejoindre son neveu dans les coulisses, comptant le « féliciter sec ». Mélis soupira de soulagement dès qu’il fut hors de portée de voix, son léger absorbé par la basse.
Elsa se tendit. C’était au tour de Syd ou d’Élin d’entrer en scène.

[…]

Ils avaient tiré qui passait en premier à pile ou face : Élin était pile, Syd était face. La pièce chuta et rebondit trois fois sur le carrelage, passant de pile à face, et s’arrêtant sur face. Du coup ils se disputèrent pour savoir s’ils devaient prendre en compte le premier ou le dernier résultat. Syd fini par emporter le débat, magiquement. Furieuse, Élin avait voulu en appeler à une tierce personne… Le mannequin l’avait regardé de haut.

— Désolée petite, t’es trop musclée pour être modèle.
— Et le garçon… commença une styliste à ses côtés.
— Il est trop noir.

Élin leur avait balancé des insultes furieuses et s’en était allée, découvrant le racisme pour la première fois de sa vie privilégiée, tandis que Syd haussait les épaules, écœuré mais malheureusement résigné.

Depuis la fin du combat de Leafer, cinq minutes s’étaient écoulées. Minutes hachurées, survoltées, dansant au rythme effréné de la musique qui martelait le crâne de Syd, tournevis psychédélique. Le jeune dresseur avait requis deux manches simples d’Inezia via ordinateur, et attendait désormais à l’entrée du podium, le cœur tué par l’électricité du combat.

Après le Château Enfoui, il avait pensé ne jamais revivre cela. L’adrénaline pure du combat.

Une alarme stridente retentit à travers la musique, et il plongea dans l’obscurité chatoyante, porté par la démarche féline des mannequins, scruté par la foule. Élin lui cria un encouragement indistinct. On annonça les Pokémon qu’il avait choisi via haut-parleur. Mais il n’écoutait-n’entendait pas. Seule Inezia captait son attention, crûment éclairée, éclat de jour parmi les ombres virevoltantes.

Riolu débuta avec le schéma qu’il avait prévu contre les gros Pokémon : Grincement—Vive Attaque—Forte Paume. Zeblitz la poursuivait, fourrure craquelant d’un Chargeur, espérant briser la petite chienne bleue d’un Écrasement. Les deux Pokémon s’affaiblissaient mutuellement, saignant de leurs blessures et gémissant à chaque choc ! Au bout de quelques coups, pour déstabiliser Inezia, il ordonna un deuxième schéma à Riolu : Tenacité—Photocopie—Riposte.

Ténacité balayait tout risque de tomber inconscient. Photocopie absorbait non seulement la Capacité adversaires, mais aussi les caractéristiques du Pokémon le temps d’exécuter l’Attaque. Riposte rendait l’offensive deux fois plus puissante après le choc d’un Écrasement… Zeblitz tomba K.O, et Riolu chancela, tenant seulement debout par orgueil.

Il la rappela et la félicita, son marmonnement transformé et déformé par la musique. Inezia ne réagit pas, sa conduite totalement à l’opposée à Strykna… Syd serra les poings. Submergé par les souvenirs brûlants de sa première victoire, et réalisant tout le chemin qu’il avait parcouru depuis ses débuts.

Face à Grotichon, la Championne invoqua un Pharamp à la mine douce. Syd jaugea la créature, parcourant mentalement la liste de ses schémas.

— Numéro quatre, ordonna-t-il, sûr de lui.

Il savait que dans les gradins, Elsa étudiait ses tactiques, mesurait ses progrès. Et puis Mélis, sous la paresse, était quand même un dresseur légendaire… En tant que neveu d’Aloé, Syd refusait de faire pâle figure.
Il voulait être à la hauteur.

Grotichon cracha un épais Puredpois, brouillard toxique s’enroulant autour des projecteurs, chatoyants sous les néons colorés. Rouge, violet, noir—ambiance électrique. En réponse, Pharamp libéra un Rayon Gemme, les projectiles se fichant brutalement dans le podium autour de Syd. Mais Grotichon avait déjà lancé Bélier, roulait violemment contre les ténèbres. Il avait disparu, sa silhouette colorée engloutie. Au contraire, Pharamp était facilement repérable, sa queue lumineuse s’agitant dans la Puredpois…

Cependant, si la visibilité pouvait sembler un désavantage, elle pouvait aussi servir de leurre ou de piège.

— Onde Folie, ordonna ainsi Inezia, lasse…

Pharamp se coula dans une danse hypnotique, luisant dans les ténèbres tel le phare pour lequel il avait été nommé. Grotichon ne pouvait s’empêcher de le suivre des yeux. Charmé.

Et, confus, la créature trébucha. Pharamp relança immédiatement Rayon Gemme, tapant dans la faiblesse du Pokémon Feu.

Syd serra les poings tandis que son starter se relevait, anxieux. Aucune chance que Grotichon se souvienne de son schéma à présent : la confusion brouillait sa mémoire en plus de ses capacités d’anticipation. Il fallait qu’il relance un schéma, mais lequel ?

— Numéro cinq ! hurla-t-il en énonçant le plus clairement possible, espérant que Grotichon le comprenne !

Après tout, si la confusion ralentissait un Pokémon et empêchait une association claire entre ordre et Attaque, peut-être qu’un schéma serait moins affecté car il était plus rigide ! Il y avait juste une combinaison claire, un agencement précis à exécuter et répéter ! La fermeté pouvait être un avantage.

— Boule Elek, contra Inezia, et Grotichon s’écroula de nouveau. Syd serra les dents.
— Numéro cinq !
— Recommence.
— Numéro cinq !

Au moment où le boulet de canon électrique allait percuter le starter, celui-ci s’enflamma. S’enflamma. Brasier qui. Enfla. Et la Puredpois réagit comme Syd l’avait prévu, tactique qu’il avait déjà utilisé des dizaines de fois contre Élin ou Strykna : les gaz toxiques explosèrent brutalement, pétarade violacée dans l’obscurité, et Pharamp se fit violemment projeter et encastrer dans le mur de l’Arène !

Tout de suite, Grotichon enchaîna la Nitrocharge d’un Lance Flamme, qui dissipa les derniers tentacules de fumée et submergea totalement la faible figure de Pharamp. Le Pokémon gémit, écorché vif, et perdit pied, déclenchant un Déluge Plasmique salvateur au tout dernier moment¬—le torrent de flamme changea de nature et s’électrisa entièrement, remontant jusqu’à la lourde figure de Grotichon et le choquant gravement.

Les deux Pokémon étaient salement amochés—Mais, réfléchit Syd, la décharge Plasmique avait eut l’effet imprévu de sortir Grotichon de sa confusion—il avait encore une chance—devait-il laisser Grotichon finir son schéma d’un Tacle Feu ? Le dresseur déglutit, en sueur, l’esprit tournoyant dans le ressac de la panique. Perché sur les hauteurs du podium il titubait…

La dernière fois qu’il avait voulu interrompre un schéma, Riolu avait perdu face à Hope le Caninos.

La fermeté, n’était-ce pas une qualité précieuse, inestimable… ?

Auréolé d’un brasier bleu de plus d’un mètre de diamètre, Grotichon fonça sur Pharamp, ignorant le Rayon Gemme surpuissant de l’adversaire ! Mais—Pharamp s’illumina au tout dernier moment, rayonnant, sa silhouette brouillée s’étalant en un Coup d’Jus dévastateur—

Les deux Pokémon se percutèrent en un cri de douleur, chacun refusant de céder du terrain. Soudain, un flash encore plus pur et plus vif que les éclairs et les flammes éblouit le public. Et la figure de Grotichon s’épaissit, s’agrandit, pour devenir un Roitiflam…

Fort de son nouveau poids, le Pokémon rugit, affrontant la douleur, et écrasa complètement Pharamp, complétant son Tacle Feu.

Un lourd silence écrasa l’Arène tandis qu’Inezia rappelait son Pokémon. Et Syd ne pu se retenir, fusant vers son starter et l’embrassant avec admiration. Le cochon était à présent bien plus grand que son dresseur, et dominait tout le podium…

Dans les gradins, Elsa fronça les sourcils, observant Inezia décerner le badge Volt. Elle avait conseillé à Syd d’assouplir sa technique de combat, mais il s’était cantonné à ses schémas tout au long des deux manches.

— Hm, j’ai déjà vu ce style de combat, lâcha Mélis.
— Pfft ! soupira Elsa. Je lui ai dit au moins dix fois de se détendre et de ne pas se limiter aux schémas, mais il s’y colle quand même. C’est décevant que le neveu d’une grande stratège comme Aloé choisisse une technique aussi rigide… les schémas sont un outil pédagogique pour apprendre le combat aux collégiens, pas une méthode d’élite !

À ses côtés, le dresseur de légende sursauta et l’étudia d’un œil spéculateur.

— Dis-donc… tu es sûre que tu as résolu tous tes problèmes avec ce jeune homme ? s’enquit-il avec un faux air d’adulte.
Ce fut au tour d’Elsa de sursauter et elle lança un regard noir au soi-disant gardien responsable.
— Vous savez que j’ai raison—indépendamment de mes conflits qui je vous l’assure, sont résolus.
Mais, la surprenant de nouveau, Mélis signifia son désaccord.
— Peut-être que c’est toi qui fait preuve de trop de rigidité. Tu cantonnes les schémas à la définition qu’on t’en a donné à l’école. Mais réfléchis à tout leur potentiel ! Un schéma peut contenir trois, quatre, cinq attaques ou plus ; il peut mener à des sous-schémas ; il permet d’imposer son tempo à l’adversaire en enchaînant les Attaques sans que celui-ci puisse réagir. C’est aussi, en quelque sorte, une manière de combiner les Capacités : durant le match, la Nitrocharge de Grotichon—Roitiflam maintenant—s’est prolongée en un Tacle Feu. D’ailleurs, une des dresseuses les plus renommées de Poképolis, Aurore de Sinnoh, utilise la tactique des schémas.

Elsa rougit, penaude. Elle connaissait bien Aurore Platinum pour avoir étudié son match contre le Maîtresse Cynthia en cours, mais elle avait cru les enchaînements de la Sinnohite trop complexes pour être simplement nommés « schémas »…

— J’y réfléchirai, souffla la brune, surmontant son dépit d’avoir été prise en défaut. Même si je ne compte plus relever le défi des Arènes…
— Pourtant, j’ai remarqué que ta starter s’entraîne toute seule, commenta Mélis, acceptant le changement de sujet sans broncher.
— Elle est très combative et tenace, admit Elsa. Je pense que je demanderais à Syd et Élin de l’entraîner avec leurs Pokémon si elle continue, ça lui permettra de progresser en groupe. Pour l’instant, elle a essayé avec Cryptéro, mais il ne semble pas très enthousiaste.
— Pourquoi as-tu surnommé ta Mateloutre, mais pas ton deuxième Pokémon ? demanda ensuite Mélis, curieux.
— Je ne sais pas, répondit la brune, elle-même troublée. Je crois que… j’étais une personne différente.

Mélis hocha du chef. Oui, un voyage initiatique pouvait profondément changer une personne… il se rappelait que Matis avait mué avant lui… qu’Écho avait eu ses premières règles durant leur combat contre Bardane. Mélis était revenu avec des tampons alors que la jeune fille traumatisée voulait se cantonner aux serviettes, et il avait eu le droit à une claque paniquée. Un autre jour, il s’était éveillé au constat que Matis le dépassait de plus d’une tête, et que ce changement avait sans doute eu lieu en quarante-huit heures… Mais plus que cela, un voyage bouleversait l’esprit d’un dresseur. Et si la fortune avait été clémente avec la White, Black, Tcheren et Bianca, restés unis à travers les années… la génération de Mélis avait éclaté en plein vol.

Le tirant brusquement de ses pensées, Élin bondit sur le podium et se rua vers Inezia, ses cheveux d’un blond éclatant rutilant sous les projecteurs. Au cœur de l’attention, la gamine arborait un sourire resplendissant : elle était plongée dans son élément.

« COMBAT DOUBLE OPPOSANT ÉLINEERA DE LA VILLE NOIRE À INEZIA, CHAMPIONNE DE MÉANVILLE », rugirent les haut-parleurs, brisant la musique.

— Elle non plus ne change pas de stratégie, commenta Elsa.

Mélis haussa les épaules.

Si Élin misait toujours autant sur ses combinaisons farfelues, elle avait aussi de nouveaux Pokémon à ses côtés. Le cœur battant, jusqu’à ses tempes fragiles, suant à grosse goutte—embrasée—la gamine invoqua son Caninos et son Chovsourir en un geste dramatique.

— Montrez-leur tout ce que vous avez ! s’écria-t-elle, confiante.

Un instant lancinant s’écoula, s’étala contre la basse infernale des enceintes.
Puis Inezia eut un geste las de la main et appela une Mygavolt velue et un Anchwatt nerveux, étincelle blanche au creux des ténèbres colorés.
Élin serra les poings et releva le menton avec défi.

— Très bien ! Hope, Hâte, et Trucmuche, lance Tranch’Air sur lui pour qu’il aille encore plus vite !

Pour la première fois du match, Inezia réagit et arqua un sourcil. Elle observa le chiot de feu s’échauffer et s’élancer vers Mygalvolt, poussé par un vent virulent de Chovsourir. Elle ordonna à ses Pokémon d’esquiver, son regard glissant vers Anchwatt, pour qui il était très facile de se faufiler dans des endroits difficiles d’accès. Cependant—

— Bélier et Choc Mental !

Hope allait trop vite pour Mygavolt et percute l’abdomen de l’araignée en fuite de plein fouet, l’écrasant en un bruit mat. Au même instant, Trucmuche avait revigoré son Tranch’Air et l’avait piloté pour qu’il lacère profondément Anchwatt malgré la distance.

Inezia inspira profondément. Très bien. Elle lancerait un ou deux coups pour tester son adversaire, et ensuite elle aviserait.

— Mygavolt, Rayon Signal. Anchwatt, Rayon Chargé, s’il-te-plaît.
Face à ces commandes laconiques, Élin fronça les sourcils et gonfla la joue.
— Vous pourriez y mettre un peu moins d’enthousiasme, c’est encore possible ? Hope, contre les rayons avec Lance Flamme, et Trucmuche, aide-le avec Lame d’Air !

Les attaques adversaires fusaient vers deux cibles séparées : Caninos et Chovsourir. Cependant quand le dernier se réfugia derrière le premier, Mygavolt et Anchwatt durent ajuster leur tir… les lueurs éthérées du Rayon Signal ondulèrent, brusquement électrisées, tandis qu’un torrent incandescent jaillissait des babines retroussées de Hope. Ni vu ni connu, Trucmuche grouina et lança une fine Lame d’Air autour des flammes, tournoyant et alimentant le brasier ! Les Capacités s’annihilèrent, en un éclat chatoyant.

Soudain Anchwatt percuta Chovsourir, Étincelle crépitant, et la touffe de poils chuta en un grouinement paniqué.

— Tornade pour amortir ta chute ! ordonna Élin, dépassée. Brusquement elle réalisa—Hope, éloigne-toi avec Roue de Feu, trouve-moi la grosse araignée toute moche !

Inezia plissa dangereusement des yeux. Mygavolt se ruait déjà vers Trucmuche, silhouette à peine visible parmi les dernières lueurs du Rayon Signal, ses longues pattes dévorant le terrain mètre par mètre.

— Merde ! s’écria Élin. Hope, reviens vers Trucmuche ! Trucmuche, utilise Attraction sur… euh, sur Hope !

Dans les gradins, Mélis poussa un cri étranglé. Elsa lui jeta un regard supérieur.

— Vous savez qu’il est prouvé que chez certaines espèces de Pokémon comme les Alakazam et les Gardevoir, au moins cinquante pour cent des individus sont homosexuels ?

La tactique incongrue fonctionna. Embrasé par un amour aussi fou que soudain, Hope accéléra jusqu’à ne devenir qu’un rouleau compresseur magmatique—et faucha brusquement Mygalvolt qui poussa un cri strident, écorchée. Grièvement touchée. Au même instant, Trucmuche arrêta Anchwatt dans sa fuite et le balança aussi sur Hope, brûlant le second Pokémon de l’équipe.

Inezia acquiesça de manière à peine perspective. Elle pouvait passer aux choses sérieuses.

— Anchwatt, colle-toi à Mygavolt. Mygavolt, Toile Elek partout sur le terrain.

Élin se mordit pensivement la joue, et intima à ses Pokémon de revenir vers elle. La Pokémon adverse s’était lancée dans l’œuvre qu’elle connaissait le mieux : à la vitesse de l’éclair, elle tissait une toile géante entre les projecteurs surchauffés et le podium. Plus dangereux encore, chaque fil gluant frémissait, parcouru de décharge intermittentes… décharges dont l’intensité était sûrement démultipliées par Anchwatt, qui collait discrètement à l’abdomen de sa comparse. Cent, deux cent fils d'or brillaient dans les ténèbres. Il était à présent impossible pour Caninos et Chovsourir d’attaquer sans prendre eux-mêmes des dégâts.

— Tant pis… marmonna-t-elle. Trucmuche, Flair sur les deux, ça devrait t’aider. Hope, enflamme-toi.

Sans hésitation, les deux Pokémon obéirent à sa commande. La chauve-souris inspira profondément tandis que le chien s’embrasa, un brasier bleuté parcourant sa fourrure ignifugée.

— Trucmuche, Tranch’Air sur Mygavolt, et Hope poursuis Anchwatt avec Roue de Feu !

Un ballet indistinct démarra alors parmi les arabesques mortelles de la toile. Les Pokémon ne pouvaient éviter toutes les décharges qui parcouraient les fils visqueux, certains arcs électriques claquant contre leurs corps peu habitués et leur arrachant des gémissements. Mais au moins évitaient-ils de se faire engluer grâce aux capacités qu’Élin avait ordonnées. Ils atteignirent ainsi plusieurs fois leurs cibles, détruisant certaines parties de la toile infernale au passage…

Cependant, Mygavolt et Anchwatt ne craignaient pas l’électricité, et le petit poisson était bien plus adapté qu’eux au terrain, se faufilant dans les plus petits interstices. Et puis, Inezia n’en avait pas fini avec Élin !

— Anchwatt, Cage Éclair, électrise-toi, ordonna-t-elle laconiquement. Mygavolt, Boule Elek !

L’air autour du poisson crépita, se déformant, attirant certains fils gluants autour de son corps faible. Mais surtout, la Boule Elek de sa compagne fut attirée par son corps polarisé. Il frétilla, englouti par la foudre—et fusa vers Trucmuche, pareil à un missile à tête chercheuse !

— Mince—Tornade ! s’exclama Élin dans l’espoir de se dégager, la puissance du Chovsourir faisant trembler toute la toile et ralentissant Anchwatt considérablement.

Le Pokémon finirait cependant par atteindre sa cible, et il fallait réagir au plus vite.

— Tant pis ! souffla-t-elle à nouveau, repoussant deux mèches qui collait à son front. Hope, Lance Flamme et Trucmuche, Choc Mental ! Nous aussi nous pouvons rediriger nos attaques !

La combinaison de capacités eut le même effet. En contrôlant le torrent de flammes de son équipier, le Chovsourir pu le manœuvrer à travers les ouvertures de la toile jusqu’à atteindre Mygavolt, protégée par un cocon électrisé qui ne résista pas au brasier. L’araignée s’écroula, trop gravement brûlée pour continuer, et Inezia la rappela avec un vague murmure de félicitations.

Malheureusement—ce moment d’inattention permit à Anchwatt d’atteindre sa cible : Trucmuche—

— Non ! S’il-te-plaît, reste avec moi ! l’appela Élin, serrant les poings. La boule de poil vacilla, grouinant… Avec tes dernières forces, utilise Tornade sur le Lance Flamme de Hope !

Trucmuche se sacrifia pour cette dernière attaque. Battant des ailes de toute les forces, il transforma l’attaque du chien en une trombe enflammée, violette, bleutée, dorée, qui roussissait le plafond et le sol et arracha au cri aux mannequins et fit exploser un projecteur vert, étincelles sur la foule—

Chaque brin de la Toile Elek, l’œuvre de Mygavolt, se consumait et se réduisait en cendre, noire.

— Hope, finissons-en avec Crocs Feu, ordonna Élin.

Inezia rappela Anchwatt, et la gamine se rua vers ses Pokémon exténués, les câlinant doucement. Hope lui lécha le visage, heureux d’être encore assez petit et léger pour que la dresseuse puisse le prendre dans ses bras frêles. Finalement, la blonde fit rentrer ses Pokémon, les remerciant à profusion et leur souhaitant un bon repos.
Elle s’élança vers Inezia, prête à recevoir son badge, qu’elle estimait bien mérité.

— Tu as un style original, commenta la modèle, son visage à peine animé d’un sourire.

Élin haussa les sourcils—évidemment qu’elle avait un style original. Et elle allait vaincre son père ! Mais elle accepta le compliment sans commentaire, car si elle avait appris une chose durant ce voyage, c’est qu’il valait parfois mieux ne pas l’ouvrir.

[…]

— Voir ces matchs t’a rendue heureuse, constata Mélis, presque surpris.
— Mince, moi qui me prenais pour la princesse des glaces, répliqua ironiquement la brune.
— Il n’y en a pas une qui s’appelle comme ça, d’ailleurs ? s’étonna le dresseur, fouillant dans les recoins les plus obscurs de sa mémoire à la recherche des films par lesquels Matis jurait, aux les aurores de leur voyage.
— Non, je ne crois pas...

Un silence.

— Vous savez, j’ai vraiment résolu mon conflit avec Syd, l’informa sérieusement Elsa. Nous nous sommes parlés hier après... que j'ai fouillé ses affaires.

Mélis haussa les épaules. Il n’avait jamais trouvé le neveu d’Aloé dangereux ou suspicieux—l’adolescent lui semblait plutôt anxieux, et tout le temps désireux de bien faire. Il avait envie de faire plaisir aux autres et détestait les injustices, même petites. C’est tout.

— Mais... je ne vous mentais pas. Ce jour-là. Au centre.

Mélis fronça les sourcils. Il savait très bien de ce dont parlait la jeune fille. Les souvenirs de sa mine catastrophée lui revenait, des supplications qu'elle avait lancé à son Pokémon.

— Je pense que tu as mal compris ce que tu as entendu, jugea-t-il après quelques secondes de réflexion. Cryptéro t'a retransmis une conversation, mais ça aurait très bien pu être celle d'étrangers que tu as confondu avec Syd... les directions qu'ils donnaient devaient ne pas avoir de rapport avec le château enfoui, le galet blanc...

Elsa se mordit la lèvre, la mine sombre. Elle baissa le regard. Peut-être que le dresseur des légendes disait vrai. Peut-être qu'elle avait mal compris. Qu'elle avait paniqué, transformé ses vagues élucubrations en soupçons légitimes... Tout lui semblait si loin, voilé de honte.

— Vous n’avez toujours pas de nouvelle de Maëlle, c’est cela ? s’enquit finalement l’élève de Volucité.
— Non, confirma-t-il, inquiet. Elle est sans doute partie coucher toute seule à son laboratoire… elle était après tout à Méanville pour les recherches d’Oryse, et c’était une personne très discrète. Elle doit déjà être retournée dans le désert.
— Sans doute. Et puis, vous aviez laissé votre numéro de Vokit à mada—à Oryse. S’il y avait un problème, elle vous contacterait, non ?
— Je l’espère.

Oui, il l’espérait de tout cœur. Presque autant qu’il souhaitait que jamais Oryse n’appelle le zéro-six qu’elle avait arraché en échange du quatre-quatre.
Mais avec l’éveil de la Team Plasma, qui sait.
« Cela » n’arrivait pas toujours à des inconnus.

[…]

Oryse tapotait, tapotait nerveusement sur la barre espace de son clavier. Maëlle lui avait envoyé... que les échantillons demandés étaient en cours de route, mais que son père était malade, qu'elle se devait de rentrer chez ses parents...
La scientifique espérait de tout coeur que son assistante allait bien.


(Le cours des choses…)
Ils émergèrent dans la clarté, le jour, le silence. Enfin, après une si longue attente dans la bulle explosive de couleurs et de musique, après-midi asphyxiée. Leafer et son oncle discutèrent quelques temps à voix basse, séparés des autres par une rangée de pins parasols.

Mélis sentait l’entourloupe venir aussi gros qu’un Léviator.

— Hé, les petits… lança-t-il d’un air fausse décontracté. Je vais aller me reposer sur le banc là-bas, il a l’air sympa ce banc non ?

Elsa arqua et sourcil et pivota lentement vers lui, menaçante.
Syd se tendit en réaction, main aux Pokéball, les sourcils froncés.
Élin lui envoya un sourire inquiétant.

— Ok, c’est bon, je ne m’enfuis pas ! lâcha finalement l’adulte, courroucé.

Quelle plaie ces gosses ! Dire qu’il passait ses journées à leur courir après et les surveiller dans des endroits inconfortables, supportant de véritables idiots au passage, tandis que la jeunesse inconsciente s’amusait !

Ce que Mélis avait prédit avec son sixième sens de paresseux arriva. Leafer s’approcha lentement du groupe, talonné par l’oncle impatient. Le petit brun triturait nerveusement le bord de sa veste blanche, soufflant sur une mèche rebelle qui rebiquait en permanence contre son nez. Élin, Syd, Elsa et leur gardien dévisagèrent de nouveau l’adolescent : sa minceur, son sourire rapide et son nez étrange, défigurant sa mine délicate et sa bouche de femme.

— É-Élin, Elsa… et S-Syd… débuta-t-il pour le plus grand déplaisir du dernier mentionné. Comme vous le savez—e-enfin je vous l’ai dit !¬—je suis venu à Méanville pour débuter mon Voyage Initiatique… et maintenant que j’ai gagné mon premier badge, je compte défier d’autres Champions, et puisque c’est aussi ce que vous faites—enfin est-ce que je peux vous accompagner ?

Il s’arrêta, bafouilla un peu à nouveau, puis leva ses yeux clairs vers le groupe, captant leurs sourires plus ou moins réticents. Mélis pleurait, blanc, réalisant pleinement qu’il allait ENCORE devoir surveiller un autre gamin !

Élin lui sauta au cou.
— Bien sûr que tu peux venir avec nous !
Elsa, quant à elle, vint poser une main rassurante sur son épaule.
— Ça me fait plaisir que tu nous rejoignes, je t’apprécie sincèrement ! lança-t-elle avec un rire clair.
— T’es plutôt sympa… accorda Syd, resté à distance.

L’oncle de Leafer serra une dernière fois la main de Mélis, qui retint une grimace de douleur, et le marché fut conclu.
Leafer rejoignait leur groupe pour de bon.

[…]

Syd s’occupait tout seul de nettoyer leur chambre au Centre Pokémon. Il vérifiait, revérifiait qu’Élin n’avait rien oublié dans la pénombre, le silence. Un souvenir le hantait, spectre de la fois où il avait dû la ramener au lit après un cauchemar. Mais s’il se revoyait la porter, grimaçant, il ne ressentait plus toute l’inquiétude d’alors. Il frissonnait simplement de voir leur chambre abandonnée, devenue anonyme comme celle d’Ondes-sur-mer. Bercé d’un calme froid, il repensait à tout le chemin parcouru.

Soudain, son Vokit vibra au fond de son sac. Et il se figea. Il ne portait plus son Vokit au poignet car l’engin le dégoutait—le¬—le—

— Allô ? voix enrouée, engin déjà collé à son oreille.
— Comment va le petit agent Plasma ? lui sourit une voix douce, mielleuse.

Givrée.
Il frissonna, réponse engluée, au fond de sa gorge.

— Réponds, ordonna froidement Anto.
— J-Je v-vais, commença-t-il, bien.
— Tant mieux. Et la famille ?
— I-Ils…
— … Et… la… famille… ? Il faut que je me répète encore, Syd ? souffla le commandant, ironique, savourant la conversation avec délice...
— I-Ils vont b-bien aussi…
— J’ai vu que ta mère s’était tressé les cheveux récemment. Cela lui va très bien.
— M-Merci, siffla Syd, la voix se brisant.

Silence à l’autre bout du fil, silence traînant, un statique qui arrachait des sursauts au jeune adolescent. Il plissa les yeux, serra les paupières comme s’il pouvait nier l’évidence.

— Dans quatorze jours tu apporteras le Galet Blanc au Mont Foré. Le Vokit te guidera. Si tu n’es pas à l’heure avec le Galet…
— O-Oui ! coupa-t-il, paniqué.

Anto ricana doucement, puis raccrocha.
Syd se laissa glisser vers le sol. Terrifié.

[…]

Lentement, les adolescents quittèrent Méanville, foulant de l’herbe haute pour la première fois depuis Ondes-sur-mer… Le soleil se couchait peu à peu, creusant les ombres verdoyantes de la forêt, déposant une traîne de joyaux ambrés sur les lacs et ruisseaux. D’autres voyageurs, croulant sous de leurs bagages, les suivaient de prêt, se dispersant peu à peu sur les sentiers qui s’enfonçaient dans les bois…

Elsa se glissa vers Syd et lui tapota l’épaule, mit son sursaut effrayé sur le compte de la surprise, et dit avec un rire clair :

— Le voyage recommence ! On va dormir à la belle étoile… et cette fois tu n’auras aucune excuse pour te réfugier dans ta tente !

L’avenir était beau et radieux et s’étendait par-delà la forêt de pluie, jusqu’au bout de la nuit, vers de claires matinées.
Elsa plongeait, aveugle, dans le soleil et l’obscurité.


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ndlr, toutes les remarques sur le fashion show sont prises aux vidéos d’Arte, Catherine Deneuve lit la mode
je vous les conseille, les commentaires qu’elle lit sont à la fois sexistes, dégoûtants et hilarants

ndlr, Grotichon apprend Lance Flamme au niveau 39 et aurait normalement dû évoluer au niveau 36, mais faites comme si de rien était XD