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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 12/02/2015 à 00:27
» Dernière mise à jour le 29/05/2015 à 20:16

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Film 1 : Où il pleuvra

Où il pleuvra - Claire Keim


Ce bonus se déroule deux ans avant la rencontre entre Cassy et Yohanna, survenue au chapitre 127.


Une adolescente courait dans les champs fleuris qui cernaient Floraville, un bouquet à la main. Bien que relativement jeune, âgée tout au plus d'une quinzaine d'années, cela n'altérait rien à la beauté qui était la sienne.

Plutôt grande, elle avait une silhouette gracieuse dont les formes se devinaient grâce au vent qui plaquait sa robe en dentelle contre sa peau. Ses cheveux blonds, tirant sur le platine, voletaient dans son sillage. Un sourire éclatant fendait son beau visage au teint de porcelaine, rehaussé par deux splendides yeux bleus. Des lèvres charnues couleur vermeille et un nez parfait complétaient cette apparence céleste.

La jeune fille ralentit l'allure de sa course lorsque les premières habitations du village entrèrent dans sa ligne de mire. Quand elle fut à leur hauteur, elle s'arrêta totalement pour se remettre à marcher. L'exercice lui avait rougi les joues, ce qui ne la rendait que plus belle encore.

Elle passa devant la boutique de la fleuriste, dont la réputation s'étendait à des kilomètres à la ronde. La propriétaire, d'ailleurs, Mme Kremer, se tenait face à la devanture, occupée à tailler des arbrisseaux à baies dont elle vendait ensuite les fruits à ses clients. Elle se retourna en entendant des bruits de pas et s'essuya les mains après son tablier déjà maculé de terre brune.

- Tiens ! lança-t-elle en voyant l'adolescente. Bonjour, Yohanna ! Tu es bien matinale, ce matin.
- Bonjour madame. Comment allez-vous ? répondit aussitôt l'intéressée avec une parfaite affabilité.
- Bien, bien. Tu sais qu'un jour, je ferai faillite par ta faute, ma petite ! Si tu continues tous les jours à aller cueillir d'aussi beaux bouquets pour tes parents, tout le monde en voudra et plus personne n'achètera mes fleurs.
- Cela ne risque pas de se produire. Vous tenez la plus belle boutique des environs.

La fleuriste lui répondit d'un sourire. Elle n'avait aucun reproche à faire à la demoiselle et sa réflexion relevait de la taquinerie. Ici, à Floraville, il aurait fallu être fou pour ne pas apprécier Yohanna Lundqvist. Elle était toujours prête à rendre service et montrait une gentillesse extrême à l'égard du voisinage, ce qui était devenu assez rare chez les jeunes de son âge, égoïstes et incapables du moindre respect envers leurs aînés.

L'adolescente parcourut encore quelques mètres à pied, jusqu'à parvenir face à une petite maison élégante. Sa façade d'un mauve gai s'accordait parfaitement avec les rideaux crème qui pendaient aux fenêtres. Une couronne de fleurs ornait la porte, mais elle ne tarderait pas à être remplacée puisqu'elle commençait à se faner.

- Papa ! Maman ! appela-t-elle sitôt qu'elle eut franchi le seuil.

Une odeur exquise de caramel s'échappait de la cuisine à sa gauche et ces effluves délicieux la guidèrent jusque là-bas. Elle y découvrit sa mère accoudée au plan de travail en train de préparer un excellent gâteau dont elle seule avait le secret. Blonde vénitienne, elle était encore plus grande que sa fille et dépassait même son mari plus trapu. Son visage, en revanche, sans être non plus désagréable, était loin d'avoir la même beauté. Ses yeux gris lui donnaient un air froid et ses hautes pommettes, couplées avec ses lèvres pincées une expression hautaine, contrairement à Yohanna qui respirait la joie de vivre.

- Comme cela sent bon ! Tu es la meilleure cuisinière du monde, maman.

Elle s'approcha d'elle pour l'embrasser sur la joue, puis débarrassa le vase posé au centre de la table des fleurs de la veille, qu'elle remplaça par celles fraîchement cueillies. Elle aimait la touche de couleur que cela apportait à la pièce beige.

- Ton père a été appelé tout à l'heure au bureau, informa Mme Lundqvist. Il ne rentrera pas pour le déjeuner.
- C'est dommage. Je lui garderai un bout de tarte.

Elle échangea un sourire avec sa mère, puis déclara qu'elle retournait dehors. A l'instar de chaque été, Yohanna se plaisait à passer plus de temps en extérieur qu'enfermée dans sa maison. Elle aimait la nature et elle aimait prendre l'air, aussi prenait-elle un plaisir particulier à flâner dans les magnifiques environs de Floraville.

Parfois, elle marchait jusqu'à l'entrée du village afin de voir arriver les dresseurs de passage. Elle-même ne disposait d'aucun pokémon et n'en désirait pas. Puisqu'elle se destinait à des études de droit, elle n'aurait guère le temps de s'en occuper. Et puis, elle était plus du genre à se perdre dans ses pensées qu'à exécuter n'importe quelle tâche manuelle, y compris de l'élevage.

Ce jour-là, elle croisa deux jeunes gens, des jumeaux à première vue, équipés du tout dernier modèle de Pokémontre. Quand ils l'interrogèrent brièvement sur les choses à voir à Floraville, elle les conseilla immédiatement de faire une halte chez la fleuriste, dont ils avaient entendu parlé.

Elle s'installa ensuite dans l'herbe sur une couverture qu'elle avait emporté au moment de partir de chez elle. Comme sa peau était aussi blanche que la neige, elle ne bronzait pas facilement, ce qui lui permettait de pouvoir s'étendre au soleil sans craindre de finir brûlée alors qu'elle ne portait même pas de crème.

Bientôt, un adolescent passa sur sa bicyclette. Elle le regarda en souriant : elle-même n'avait jamais appris à faire du vélo, mais elle trouvait que celui-ci avait une jolie allure. A part jouer de temps en temps au football avec les garçons du village, Yohanna n'avait pas l'âme d'une grande sportive.

La matinée touchait à sa fin quand un vrombissement vint lui blesser les tympans. Trois motos noires surgirent devant elle et s'immobilisèrent à sa hauteur en faisant ronfler leurs moteurs. Elle ne jugeait pas les gens sur leur apparence, du moins pas d'ordinaire, mais ceux-ci avaient clairement l'air d'être des loubards.

- Eh, salut poupée ! lança le motard le plus proche d'elle en ôtant son casque pour libérer une tête rougeaude et moustachue. Dis donc, les filles, elles sont toutes aussi mignonnes que toi, dans cette ville ?
- Je n'ai pas la prétention d'être plus ou moins jolie qu'une autre. La beauté est après tout une notion subjective.
- Oh, cultivée, en plus. Ça te plairait de faire un tour sur ma bécane, ma mignonne ?
- Non merci. Votre engin est beaucoup trop bruyant pour moi.
- Allez, fais pas ta chochotte. Je suis sûre que tu adorerais ça.

A côté de lui, ces deux acolytes s'esclaffèrent. Yohanna ne voulait pas leur montrer qu'elle avait peur, cependant elle commençait vraiment à ne pas être rassurée. Heureusement, il y avait quelques personnes dans les alentours, qu'elle pourrait appeler au secours en cas de besoin. Elle n'en eut pas l'occasion.

- Et si vous laissiez cette jeune fille tranquille, qu'est-ce que vous en pensez ?

Les motards fixaient un point derrière elle et elle-même se retourna pour voir un inconnu s'approcher d'eux. Grand, la silhouette musculeuse, il avait de longs cheveux noirs noués en une queue de cheval. Ses yeux étaient bleu clair, presque transparents, et illuminaient un visage hermétique. En effet, malgré sa beauté, il ne se dégageait de lui aucun sentiment de chaleur. Ses lèvres fines étaient pincées, de même que l'arête de son nez pointu.

- Vous avez entendu ce que je viens de dire ? Fichez le camp.

Il adressa un regard menaçant aux trois conducteurs de motos. N'importe qui à cet instant aurait pris la fuite et ils ne firent pas exception. Leur courage semblait se limiter à la persécution de femmes innocentes.

- Je... Je vous remercie, bredouilla Yohanna en étudiant davantage encore son sauveur.

Vêtu d'un jean noir et d'une chemise blanche élégante, il n'avait rien d'un dresseur. D'ailleurs, il n'en était sûrement pas un, puisqu'ils possédaient tous des sacs à dos dans lesquels ils pouvaient transporter leurs affaires, ce qui n'était pas le cas de cet homme.

- Je n'allais pas laisser une jolie demoiselle dans une situation aussi délicate. Enchanté, je m'appelle Eliott.
- Et moi, c'est... Yohanna.

Elle devait faire maintes efforts pour se concentrer car elle se perdait dans les splendides iris de son interlocuteur, qui paraissaient l'éloigner de la réalité. Son coeur battait la chamade, tambourinant dans sa poitrine.

- Un prénom aussi charmant que la personne qui le porte. Au plaisir.

Il lui baisa la main avec galanterie, puis s'éloigna sans rien ajouter d'autre. La jeune fille, totalement abasourdie par cette rencontre des plus incongrues, mais ô combien plaisante, ne réagit même pas à temps pour tenter de le rattraper.

Elle passa le reste de la journée perdue dans ses pensées. Ses parents trouvèrent son comportement un peu étrange, elle qui avait d'ordinaire l'habitude d'égayer le déjeuner par ses conversations joyeuses, or là, elle demeura silencieuse jusqu'au soir.

Elle ne cessait de songer à cet homme qui l'avait tirée d'une fâcheuse situation. Elle n'avait beau l'avoir vu qu'une minute ou deux, elle éprouvait le besoin irrépressible de le revoir, ne serait-ce que pour le remercier de son intervention encore une fois.

- Yohanna ! Tu m'écoutes ?

L'intéressée leva les yeux vers Mme Lundqvist qui agitait le combiné portatif du téléphone sous son nez depuis plusieurs secondes. Un peu hagarde, l'adolescente s'en empara, mais ne le plaqua pas immédiatement contre son oreille. Il lui fallut un instant pour revenir sur Terre.

- Oui, allô ? finit-elle par dire dans le micro.
- Bonsoir, c'est Mme Kremer, la fleuriste à l'appareil. Excuse-moi de te déranger à une heure aussi tardive, mais j'avais un petit service à te demander.
- De quoi s'agit-il ?
- J'ai une grosse commande de dernière minute pour un mariage qui doit se tenir après-demain et, comme tu le sais sûrement, mon employée est en congé. Je sais que tu es en vacances, alors je me suis dit que, peut-être, si cela t'intéressait pour te faire un peu d'argent de poche, tu pourrais venir m'aider à la boutique.
- Ce serait avec un immense plaisir, Mme Kremer ! accepta aussitôt la jeune fille avec enthousiasme. Je vous remercie d'avoir pensé à moi et je serai chez vous demain dès l'ouverture.

Yohanna tint parole. A huit heures précises, le lendemain matin, elle attendait la boutiquière sur le seuil de la porte. Celle-ci ne s'étonna pas de sa ponctualité, étant donné qu'elle savait déjà qu'il s'agissait d'une enfant sur laquelle on pouvait toujours compter.

L'adolescente exécuta toutes les tâches qui lui incombaient avec une docilité respectueuse et un soin minutieux. Elle composait de jolis bouquets sous les yeux de la fleuriste qui, de temps à autre, lui donnait un conseil pour les embellir davantage, qu'elle tâchait de suivre.

Alors qu'elle nouait ensemble les longues tiges de lys blancs à l'aide d'un ruban en satin, elle se surprit à rêver de mariage. Jamais, jusqu'alors, elle ne s'était surprise à avoir de telles pensées, mais c'était sûrement le lot de toutes les adolescentes de son âge.

Elle s'imaginait vêtue d'une somptueuse robe blanche, telle une Gardevoir, cousue à la main et ornée d'une dentelle à la fabrication ancestrale. Elle marcherait en donnant le bras à son père qui l'observerait du coin de l'oeil avec sa traditionnel fierté paternelle, puis il la laisserait seul face à un beau jeune homme.

La clochette de la boutique exiguë, derrière le comptoir de laquelle elle travaillait pendant que Mme Kremer coupait de nouvelles fleurs dans le jardin, tinta en la faisant sursauter. Elle colla un morceau de ruban adhésif sur un bout de tissu, puis se tourna vers le client qui venait de pénétrer à l'intérieur.

- Bonjour, puis-je f... Oh !

Quelle ne fut pas sa stupeur en constatant que le visiteur n'était autre que l'homme qui lui était venu en aide la veille. Rasé de près et désormais vêtu d'un T-shirt blanc qui moulait son torse musclé, il semblait encore plus séduisant que la veille. Yohanna rougit, honteuse à l'idée de songer cela.

- Je suis... ravie de vous revoir, murmura-t-elle timidement.
- Le plaisir est réciproque.
- Je peux... Je peux faire quelque chose pour vous ?
- Oui. Le plus joli bouquet du monde.
- C'est que... nous avons des quantités de modèles, et aussi beaucoup de fleurs différentes. Lesquelles voulez-vous ?
- Lesquelles préfères-tu, toi ?
- Oh, euh... bredouilla la jeune fille en sentant ses joues s'embraser davantage. Les Edelweiss, mais elles sont si rares qu'on ne les trouve pas en boutique. Sinon, j'aime à peu près tout, à condition qu'elles soient claires, voire blanches.
- Dans ce cas, fais-moi un bouquet blanc, s'il te plaît.

Yohanna se mit aussitôt à l'ouvrage. Elle sélectionna parmi les fleurs qui restaient à sa disposition les plus jolies roses, lys, tulipes et oeillets à la couleur de la neige. Elle les arrangea élégamment dans une feutrine cyan puis enferma le tout à l'intérieur d'un papier transparent sur lequel elle colla une petite frisette.

- Voulez-vous une carte avec ? dit-elle en s'efforçant de se conduire comme elle le ferait face à un client de plus ordinaire.
- Volontiers.
- Que désirez-vous que je marque ?

Elle s'empara d'un stylo argenté et d'un papier cartonné saupoudré de paillette dont la plupart restèrent accrochées à sa main, prête à noter ce qu'il s'apprêtait à lui dicter.

- A Yohanna, la plus charmante demoiselle qu'il m'ait été donné de rencontrer.

Elle poussa une petite exclamation surprise, la bouche entrouverte, tandis qu'il posait un billet de cinquante pokédollars sur le comptoir en indiquant qu'elle pouvait évidemment conserver le bouquet.

- C'est que... Merci, souffla-t-elle, vraiment mal à l'aise.

L'homme lui adressa un sourire franc avant de tourner les talons pour se diriger vers la porte du magasin. Il était sur le point d'en actionner la poignée quand, rassemblant son courage, elle l'interpela :

- Eliott ! Attendez ! Je... J'allais bientôt prendre ma pause déjeuner et... Est-ce que cela vous direz de... De venir pique-niquer avec moi ?
- Ce sera avec joie.
- Bon, eh bien... Parfait ! Alors... Euh... Disons... Dans vingt minutes, à l'endroit où l'on s'est rencontré.

La respiration de Yohanna s'accéléra une fois que son interlocuteur eut quitté la pièce et elle peinait à lui redonner un rythme normal. Elle n'en revenait pas qu'elle avait invité un presque parfait inconnu à déjeuner avec elle. En dépit de cela, l'idée en elle-même lui plaisait beaucoup et elle était heureuse qu'il ait accepté.

Elle le retrouva à l'heure et à l'endroit convenu, son panier de pique-nique sous le bras. Elle l'avait préparé le matin même avant de se rendre à la boutique de Mme Kremer et, comme à chaque fois qu'elle en faisait un, il était beaucoup plus rempli que le nécessaire, fort heureusement.

Eliott fut ponctuel, une qualité supplémentaire qu'elle ne manqua pas d'apprécier chez lui. Elle installa une couverture sur l'herbe, sur laquelle ils s'assirent, et dégustèrent les délicieux sandwichs au Canarticho confectionnés par ses soins.

Ils bavardèrent allègrement durant tout le déjeuner. La jeune fille lui parla d'elle et apprit aussi à le connaître davantage. Elle découvrit qu'il s'agissait d'un militaire de carrière jusqu'à ce qu'il ne quitte l'armée pour devenir mercenaire à son vingt-septième anniversaire, soit un an auparavant.

- Pour combien de temps êtes-vous à Floraville ?
- Quelques jours tout au plus. Je loue une chambre chez Meggie Sullivan. J'imagine que tu sais qui elle est.
- Oui. Sa fille a le même âge que moi.
- Ah... Tu as quinze ans... en déduisit l'homme tandis qu'une ombre étrange passait sur son visage l'espace d'un instant. C'est... jeune. Je t'en aurais donné davantage.
- Je ne suis pas certaine que ce soit un compliment que vous me fassiez là, répliqua Yohanna avec un sourire en lui offrant un morceau de tarte aux baies Fraives.

Ils éclatèrent de rire en échangeant un regard complice, puis l'adolescente, une fois son dessert englouti, se laissa basculer sur le dos pour contempler le ciel. Des Grodrive survolaient le village, ce qu'elle ne manqua pas de faire remarquer à son nouvel ami.

Il s'allongea à côté d'elle pour se repaître du spectacle qu'offrait les pokémon mauve. La jeune fille, étendue jusqu'alors contre le sol, changea de position pour se mettre en chien de fusil afin d'étudier son beau visage.

- C'est dommage que vous ne puissiez pas demeurer plus longtemps ici. C'est vraiment un endroit très joli et... nous aurions pu faire davantage connaissance.
- Il nous reste encore suffisamment de temps pour cela. Je ne serai pas reparti avant la semaine prochain au minimum.

Yohanna sentit son coeur s'accélérer lorsqu'il la regarda dans les yeux. Quelque chose lui plaisait beaucoup chez cet homme qu'elle venait pourtant à peine de rencontrer. Evidemment, il était très différent des garçons de Floraville qu'elle côtoyait depuis l'enfance. Sans doute était-ce cela qu'elle aimait.

- Il va falloir que je retourne à la boutique, informa-t-elle en se redressant. Je vous remercie d'avoir accepté mon invitation. C'était... des plus agréables. J'espère avoir l'occasion de vous revoir avant votre départ.
- Mais certainement. Yohanna ?
- Oui ?
- Et si tu me tutoyais, maintenant ?
- Oh... Euh... Oui, d'accord, comme tu veux, répondit-elle précipitamment en s'empourprant. Bon, ahem... A bientôt.

Elle lui tendit une main un peu tremblante en guise d'au revoir, mais il l'ignora pour venir l'embrasser sur la joue, ce qui lui coupa le souffle. Elle était si gênée qu'elle manqua d'en lâcher son panier de pique-nique avant de s'éloigner en hâte sans rien ajouter d'autre.

L'adolescente prit par la suite l'habitude de fréquenter régulièrement Eliott, au point de ne plus parvenir à se passer de sa compagnie. Lui aussi semblait l'apprécier car rien dans son attitude ne démontrait qu'il n'était pas satisfait de sa présence auprès de lui.

Yohanna était une enfant parfaite. Elle avait tout ce qu'elle pouvait désirer : des amis adorables, des parents compréhensifs et des voisins gentils. Cependant, aux côtés de cet homme, elle éprouvait des sentiments qu'elle n'avait jamais ressenti jusqu'à présent et qui conférait à tout le reste une fadeur désagréable. Elle voulait être avec lui.

Le soir où il lui annonça qu'il lui faudrait quitter Floraville le lendemain matin, elle crut sentir son coeur se briser. Elle ne tenait pas à ce qu'il parte. La nouvelle, bien qu'elle aurait dû s'y attendre, fut un tel choc pour elle qu'elle rentra chez elle en pleurant.

- Il ne peut pas s'en aller, marmottait-elle inconsciemment en faisant les cents pas dans sa chambre. Il ne peut pas... Pas comme cela. Pas sans moi...

Elle prit alors une décision qui la poussa à faire quelque chose à quoi elle n'aurait même jamais songé jusqu'alors : s'enfuir de chez elle peu avant minuit, pendant que ses parents dormaient, pour se rendre chez Meggie Sullivan et ses chambres de louage.

Comme il faisait nuit noire, personne ne la remarqua dans les rues du village et elle atteignit sans encombre la grande habitation située dans une impasse. Comme elle avait déjà raccompagné Eliott à plusieurs reprises, elle savait quelle pièce il occupait, et à quelle fenêtre il fallait toquer.

- Yohanna ? Quelle surprise ! Mais qu'est-ce que tu fais ici à cette heure ? s'exclama-t-il en ouvrant les volets.
- Je... J'avais envie de te voir. Il fallait que je te parle avant ton départ.
- Oui, mais tu aurais tout aussi bien pu venir me dire au revoir demain matin.
- Cela ne pouvait pas attendre.

Il l'aida à enjamber la corniche de la fenêtre pour qu'elle pénètre à l'intérieur de la chambre exiguë qui ne contenait que le strict minimum : un lit, un petit placard et un bureau. Légèrement essoufflée par le trajet qui l'avait conduite jusqu'ici, la jeune fille s'accorda un instant pour recouvrer sa respiration.

- Je voulais seulement te dire que... je suis triste à l'idée que tu t'en ailles, d'autant que... que je t'aime beaucoup.
- Moi aussi, je t'aime beaucoup, Yohanna.
- Non, j'entends par là... vraiment beaucoup. Je t'aime tout court, en fait.
- J'avais compris.

Il franchit les quelques centimètres qui la séparait d'elle pour l'embrasser. L'adolescente frémit en sentant ses lèvres sur les siennes, sa peau qui frôlait la sienne et ses doigts qui caressaient ses cheveux.

Elle ne broncha pas lorsqu'il descendit la main qu'il avait placé sur ses hanches, pas plus qu'au moment où il entreprit de défaire les boutons de son chemisier. Elle se laissa entrainer docilement vers le lit. Malgré la légère crainte qu'elle éprouvait à cause de son innocence, elle se sentait en confiance. Elle aimait cet homme, elle n'avait pas à avoir peur.

Quand les rayons du soleil la réveillèrent à l'aube, elle mit un instant à se rappeler où elle se trouvait, étant donné qu'elle ne reconnaissait pas sa chambre. Quand cela lui revint en mémoire, elle rougit. Elle rabattit précipitamment la couverture jusqu'à ses épaules afin de dissimuler sa peau nue.

Un bruit lui fit remarquer la présence d'Eliott, debout dans l'angle de la pièce, une valise à roulettes posée à côté de lui, un manteau sur le bras. Il la regardait d'un air grave, qui n'avait plus rien à voir avec son attitude prévenante des derniers jours.

- Quoi ? bredouilla Yohanna d'une voix ensommeillée. Tu t'en vas ?
- Tu le sais bien.
- Mais je pensais que... qu'après tout cela, tu voudrais rester avec moi.
- C'est impossible, répondit-il d'une façon un peu autoritaire. Je dois partir.
- Dans ce cas, emmène-moi. Tant pis pour mes études et... Et j'inventerai une excuse pour mes parents.
- Ecoute...

Il vint s'asseoir sur le rebord du lit et elle-même se décala vers le centre pour lui laisser davantage d'espace. Un spasme violent lui retourna l'estomac, comme si elle avait un mauvais pressentiment. Que signifiait ce brutal changement dans le comportement d'Eliott ?

- Tu es une jolie fille et je me suis bien amusée avec toi. C'est vrai, j'ai de l'affection à ton égard mais, admets-le, tu n'es qu'une enfant. Alors, maintenant, sois gentille et retourne chez tes parents.
- Mais... Mais... parvint-elle à articuler entre deux sanglots.
- Qu'est-ce que tu croyais ? Que j'allais m'établir avec une gamine qui a la moitié de mon âge ? J'étais convaincue que même toi, tu n'y croyais pas. En plus, j'ai déjà une compagne. Allez, sans rancune. Tu peux me remercier, en plus. J'ai fais tout le travail pour le prochain.

Il allait l'embrasser sur la joue mais Yohanna recula suffisamment pour permettre le mouvement de son bras qui se rabattit contre sa joue en une gifle violente. Eliott recula précipitamment, cracha une insulte à son attention et récupéra ses affaires avant de quitter la pièce, l'abandonnant en pleurs dans cette chambre sordide.

Elle ne sortit pas de chez elle durant les jours qui suivirent, si bien que cela commença à alerter ses parents. Elle mangeait peu, parlait encore moins, comme si elle se laissait dépérir. Elle n'avait plus goût à rien.

En réalité, elle se sentait sale, souillée d'avoir permis à un homme de la toucher quand, en réalité, elle n'avait été pour lui qu'une simple bon moment à passer à défaut d'autre chose. Il s'était bien moqué d'elle en profitant de la sorte de sa naïveté et de son innocence.

L'inquiétude se joignit bientôt à cet état dépressif dans lequel elle se trouvait. En effet, pour elle qui avait des cycles menstruels parfaitement réguliers, elle paniqua lorsqu'elle s'aperçut qu'elle commençait à avoir beaucoup de trop de retard pour cela soit parfaitement normal.

Après deux semaines et demi, alors que ses parents continuaient toujours de la regarder dépérir avec crainte, elle prétexta une maladie anodine afin qu'ils prennent pour elle un rendez-vous chez son médecin.

Elle s'y rendit quelques jours plus tard, à défaut d'avoir pu avant étant donné que son carnet de consultation était plein. Elle aurait voulu être rassurée en lui rendant visite, cependant la conclusion du docteur fut sans appel et confirma ce qu'elle redoutait le plus : elle était enceinte.

Ce soir-là, Yohanna passa un long moment à se promener dans les champs de fleurs sans avoir envie d'en cueillir une seule. Elle était totalement abattue et surtout perdue. La situation à laquelle elle se trouvait désormais confrontée dépassait de loin tout ce que son courage pouvait endurer. Elle ignorait ce qu'elle devait faire et, malgré les bons amis qu'elle possédait, elle ne se sentait pas suffisamment proche de l'un d'entre eux pour réussir à se confier.

Quant à ses parents, il lui semblait même impossible d'y songer. Eux qui étaient si conservateur et tellement pointilleux en ce qui concernait les traditions qu'ils feraient sûrement une crise cardiaque si elle leur révélait la vérité. Il lui fallait donc se taire, mais combien de temps y parviendrait-elle avant que le mal moral dont elle souffrait ne la ronge de l'intérieur ?

Elle ne voulait pas de ce bébé. Elle ne voulait pas porter l'enfant d'un homme qui s'était ri d'elle avant de l'abandonner lâchement. Il était absolument impensable qu'elle songe à le garder. Elle devait s'en débarrasser tant qu'elle le pouvait encore.

Elle sauta sur l'occasion lorsqu'un matin, alors qu'elle venait de dépasser son deuxième mois de grossesse, son père annonça qu'il partait assister à une conférence à Unionpolis. Suite à son insistance sur son envie d'aller faire les boutiques dans cette ville où elle ne s'était pas rendue depuis longtemps, sa mère autorisa Yohanna à s'y rendre.

En fait, elle se souvenait d'un centre spécial localisé là-bas, dont son médecin avait fait mention et où le personnel était capable d'aider les jeunes filles dans sa situation. Elle souhaitait y faire une petite visite dans l'espoir d'y trouver une solution à son problème.

Elle partit donc en taxi jusqu'à la capitale de Sinnoh en compagnie de son géniteur en essayant d'avoir l'air aussi décontractée que possible malgré l'anxiété qui la rongeait. Après une bonne heure de route, ils atteignirent la cité où ils se séparèrent. M. Lundqvist rejoignit la succursale de l'entreprise pour laquelle il travaillait tandis que sa fille se lançait à la recherche de ce fameux établissement.

Elle y fut accueillie à bras ouverts, ce qui la soulagea. On la conduisit rapidement dans le bureau d'une dame bienveillante qui passa les premières minutes de leur entretien à s'efforcer de la mettre en confiance. Quand Yohanna se sentit prête, elle exposa son problème.

La femme l'écouta avec patience et se contenta d'hocher la tête à la fin de son histoire. Elle ne s'est permis ni de commenter, ni de juger. Elle proposa simplement à l'adolescente une autre tasse de lait.

- Tu ne souhaites pas garder ce bébé, n'est-ce pas ? demanda-t-elle après un instant de silence.
- Non, bien sûr que non ! Je sais que c'est mal, mais... je ne peux pas. Je ne me sens pas prête pour cela.
- Rassure-toi, j'en ai vu beaucoup d'autres avant toi qui était dans le même cas.
- Alors... Est-ce que je peux me faire avorter ? s'enquit Yohanna d'une toute petite voix.
- C'est possible, oui, cependant tu n'as que quinze ans. Nous ne pouvons pas te prendre en charge sans la présence d'une personne majeure à tes côtés.
- Mais... Mais je... Je ne connais personne.
- Tu dois bien avoir des amis, des cousins, quelqu'un qui accepterait de te rendre ce service, non ?
- Non. Tous mes amis sont mineurs et si je révélais cela à un adulte, il s'empresserait de tout raconter à mes parents.
- Tu as encore quelques jours devant toi, tu trouveras peut-être quelqu'un d'ici là. En attendant, je te laisse ma carte. Si tu as besoin, tu peux me contacter à ce numéro. C'est ma ligne personnel au centre, je suis joignable tous les matins.

Lorsque Yohanna quitta les lieux, elle se sentait complètement vide et prête à céder au désespoir. En l'espace de trois semaines, elle devait demander à une personne suffisamment digne de confiance de l'aider à se faire avorter en cachette. Même elle, elle n'était pas sûre d'accepter si un jour quelqu'un sollicitait auprès d'elle un tel service, notamment à cause des responsabilités qui en résultaient.

Au retour, elle n'échangea pas le moindre mot avec son père. Comme elle lui répondit froidement lorsqu'il constata qu'elle n'avait rien acheté dans les magasins, il n'insista pas. Assise sur la banquette arrière du taxi, elle était livide. Elle se sentait mal et nauséeuse. C'était sûrement la faute de ce foetus qu'elle portait.

Elle en voulait toutefois moins à ce bébé qui se développer dans son ventre qu'à elle-même. Après tout, elle était l'unique auteur de cette situation. Si elle s'était montrée un peu moins stupide, elle n'en serait pas là aujourd'hui, presque sur le point de devenir une infanticide. Elle se dégoutait.

L'idée de tuer un enfant, même si ce dernier n'était pas encore réellement formé, la révulsait. Comment, cependant, pourrait-elle faire autrement ? Elle était beaucoup trop jeune et ses parents n'accepteraient jamais la vérité. Ce "meurtre" était la solution à tous ses problèmes, mais encore fallait-il qu'elle y parvienne.

Comme elle le faisait désormais depuis deux mois, elle monta directement s'enfermer dans sa chambre et refusa d'en sortir pour le dîner. Elle n'avait pas faim. Qui aurait eu faim, à sa place ?

Il devait être près de neuf heures du soir lorsque sa mère toqua à la porte. Yohanna hésita longuement à lui ouvrir, toutefois elle dut s'y résoudre face à son insistance. La pièce aux murs bleus et au sol blanc était impeccablement rangé. Rien ne trainait, que ce soit par terre, sur la table de nuit ou sur le bureau. C'en était presque trop net.

- Tu es étrange, en ce moment, commença Mme Lundqvist en venant s'asseoir sur le lit où était déjà installée sa fille. Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Rien. Je vais très bien.
- Je te connais par coeur et je sais reconnaître quand tu n'as pas le moral. Même tes résultats à l'école ne sont pas au rendez-vous, tu ne nous as pas habitués à cela.
- Je viens à peine de rentrer au lycée, c'est un changement de décor. Laissez-moi le temps de m'y faire.
- Ma chérie...

La femme la serra dans ses bras et posa son menton sur le sommet de son crâne. Yohanna se laissa faire, bien que cela la mette mal à l'aise. Elle leur mentait tous les jours en leur dissimulant son secret, comment pouvait-elle encore se permettre de les regarder en face ?

- Si quelque chose te contrarie, tu peux m'en parler, tu sais. Je t'écouterai, tu peux tout me dire.

Voyant que l'adolescente ne répondait pas, Mme Lundqvist renonça. Elle se leva, rajusta la robe de chambre qu'elle portait par-dessus ses habits et s'apprêtait à quitter la pièce lorsqu'elle la retint en murmurant d'une voix rauque :

- Maman...
- Oui ?
- Tu te trompes. Je ne peux pas tout te dire. Bonne nuit.

Yohanna voyait ses chances de se faire avorter s'amenuiser de jour en jour. Le délai s'écoulait bien trop vite alors qu'elle-même demeurait relativement passive car elle se sentait incapable de prendre la moindre décision.

A plusieurs reprises, elle songea à fuguer, à s'en aller quelques mois le temps pour elle d'accoucher et d'abandonner son enfant dans un orphelinat, puis de revenir en inventant un quelconque mensonge, mais en agissant de la sorte, elle savait qu'elle briserait le coeur de ses parents. Si elle leur disait la vérité, ce serait leur fierté qui s'envolerait.

Elle ne dormait presque plus et la fatigue se lisait sur son visage. Ses cheveux perdaient de leur éclat, ses yeux se cernaient... Elle n'avait plus rien de la jolie jeune fille des jours heureux. Une chance pour elle, comme elle avait toujours eu des rondeurs, son ventre ne se distinguait pas encore.

Un soir, alors qu'elle achevait son troisième mois de grossesse et qu'elle se retrouvait contrainte de renoncer pour de bon à l'avortement, elle rentra du lycée en pleurs. Elle avait constamment les nerfs à fleur de peau, désormais, et perdait souvent le contrôle sur eux.

- Bon, cela suffit, maintenant ! tonna M. Lundqvist alors qu'ils étaient à table.

Elle avait le visage rougi et les paupières gonflées d'avoir versé tant de larmes. Sa chevelure mal peignée retombait contre ses joues, emmêlée, mais ne suffisait pas à dissimuler ses traits abattus.

- Ton petit cirque a assez duré, maintenant. Tu vas nous dire ce qui ne va pas ! Tu as des problèmes à l'école ? Des gens t'embêtent ?
- N-non, bredouilla-t-elle, craintive, car elle n'avait jamais entendu son père crier et encore moins sur elle.
- Alors qu'est-ce que c'est, ton problème ? Tu passes ton temps enfermée dans ta chambre à pleurer. Tu as eu une peine de coeur ?

Yohanna ne releva pas et il en conclut donc qu'il venait de mettre le doigt sur la réponse. Mme Lundqvist, qui était assise à droite de sa fille, posa son couteau pour prendre sa main dans la sienne.

- Tu sais, ma chérie, ce sont des choses qui arrivent, surtout à ton âge. Cela passera, mais tu aurais tout de même pu nous en parler avant.
- Non, je ne peux pas...
- Mais si, enfin. Nous aurions pu t'écouter et te réconforter. Après tout, nous sommes là pour cela.
- Non, ce n'est pas vrai ! s'écria soudain l'adolescente en repoussant sa chaise. Vous voulez la vérité ? La voilà ! Je n'ai pas seulement une peine de coeur. Je suis enceinte de plus de trois mois.

Son père recracha aussitôt la fourcheté de pâtes qu'il venait de porter à sa bouche dans son assiette et sa mère ouvrit des yeux aussi ronds que des soucoupes. Yohanna resta debout, tremblante, jusqu'à ce que M. Lundqvist se lève à son tour.

- Qui est-ce ?
- Vous ne le connaissez pas. Il était de passage à Floraville et il est reparti il y a longtemps.
- Dis-moi son nom.
- Eliott.
- Eliott comment ?
- Je ne sais pas. Il ne m'a jamais dit son nom de famille.
- Et toi, ma fille, tu te comportes comme une... une...
- C'était un accident !
- Non, un accident, c'est quelque chose qu'on ne choisit pas. Il ne t'a pas violée, n'est-ce pas ?
- Non...
- Alors ce n'était pas un accident. Ma propre fille, une... traînée. Une vulgaire catin !
- Papa, arrête, ce n'est pas... supplia-t-elle d'une voix brisée.
- Fiche le camp ! Dégage ! Je ne veux plus te revoir !
- Maman... implora-t-elle en se tournant vers Mme Lundqvist.

Cette dernière se contenta de baisser honteusement les yeux sans rien dire, ni pour prendre sa défense, ni pour soutenir son mari, qui continuait toujours à tempêter. Ses veines saillaient au niveau de ses tempes et il semblait au bord de la crise cardiaque.

- Sors de ma maison.
- Tu ne peux pas faire cela, je n'ai... Je n'ai aucun endroit où aller.
- Va donc retrouver le salopard qui t'a engrossée ! Moi, je ne veux plus de ta présence sous mon toit ! J'espère que Lilith, la dévoreuse d'enfants, s'occupera de ton cas !

M. Lundqvist l'attrapa violemment par le coude avant qu'elle n'ait eu le temps de réagir et la traina de force jusque dans le vestibule. Yohanna ne tenta même pas de se débattre, le chagrin qu'elle éprouvait l'oppresser trop pour qu'elle y parvienne.

Une fraction de seconde plus tard, elle se retrouva poussée sur le seuil de la porte pendant que celle-ci claquait dans son sillage. Elle se referma d'ailleurs si brutalement sur ses gonds que son carreau se fendit.

En larmes, elle resta un moment assise par terre, sur le paillasson, adossée au battant. Elle était persuadée que son père avait agi sous le coup de la colère, que sa mère, inquiète, ne tarderait pas à venir la chercher. Elle dur cependant admettre qu'elle se trompait lorsque l'un d'entre eux lui jeta sa valise depuis la fenêtre de sa chambre au premier étage.

Elle s'éventra en atterrissant sur le sol et la jeune fille se hâta de ramasser son linge éparpillé. Au moins, elle se concentrait sur sa tâche, cela lui évitait d'angoisser à l'idée qu'on l'avait chassée de chez elle à l'instant.

Comme la nuit tombait, elle cherchait un endroit où dormir. Il n'y avait pas d'hôtel à Floraville et seule Meggie Sullivan louait des chambres d'hôte, or elle ne voulait pas retourner là-bas. Elle ne voulait pas penser à nouveau à Eliott et à la stupidité dont elle avait fait preuve. Elle le payait déjà bien assez cher.

Elle décida de se rendre à pied à Féli-Cité, où elle trouverait sûrement un endroit où loger. Grâce aux économies réalisées en travaillant comme assistante-fleuriste, elle pourrait sûrement régler un loyer, du moins durant un mois ou deux.

Elle cessa de se rendre au lycée, bien qu'elle habite désormais dans la ville où il se trouvait. Elle avait trop honte de paraître devant ses camarades, d'autant que son ventre commençait à présent à s'arrondir progressivement. Un petit renflement se formait sous ses vêtements.

Elle entamait son cinquième mois de grossesse lorsqu'elle dut rendre les clés du petit taudis dans lequel elle vivait jusqu'alors par manque d'argent. Ne sachant pas quoi faire, ni où aller, elle monta dans le premier autobus qu'elle vit. Par chance, il menait à Unionpolis.

Elle pouvait toujours essayer de retourner dans le centre où elle s'était rendue afin de se faire avorter dans l'espoir qu'on puisse lui venir en aide, cependant elle arriva après l'horaire de fermeture du bâtiment. Elle avait même égaré la carte de visite que la femme qui l'avait reçue lui avait donné précédemment.

La pluie tombait drue et elle marcha dessous un long moment, hagarde, jusqu'à attraper froid. Elle ignorait où elle se trouvait, mais un panneau lui indiqua qu'elle approchait de Bonville. Comme il faisait sombre, elle s'égara en chemin et ne l'atteignit jamais. Au lieu de cela, elle prit la petite route en terre escarpée qui menait aux ruines.

Elle grelottait, éternuait et avait sûrement de la fièvre, cependant elle ne s'arrêta pas. Au moins, l'eau dissimulait ses larmes. Elle ne comprenait pas comment elle pouvait en être arrivée là. Elle n'avait commis qu'une seule erreur de jeunesse et voici qu'elle se retrouvait à n'être plus qu'une fille sans nom, une ombre...

Les vieilles constructions surplombaient une espèce de vallée. Le panorama était magnifique, en dépit du brouillard, pourtant Yohanna n'en avait que faire. Elle songea un instant à s'abriter dans l'une de ces ruines, le temps que l'averse se calme, mais son instinct l'attira vers le belvédère.

Une barrière en bois l'encadrait afin de préserver les gens d'une chute éventuelle dans le ravin en contrebas. Elle se pencha par-dessus pour regarder. Elle en avait vu des beaucoup plus profonds à Frimapic, quand elle allait skier avec ses parents durant l'hiver. Celui-ci ne devait faire qu'une demi-douzaine de mètres de profondeur.

Un gémissement lui échappa soudain. Elle sentait le bébé s'agiter à l'intérieur de son ventre. Il le faisait de plus en plus fréquemment, désormais, et elle détestait cela. Comme si elle avait besoin qu'il lui rappelle sa présence ! Elle ne pourrait pas oublier que c'était cet être qui avait gâché sa vie autrefois si parfaite.

Il lui donnait des coups de pied. Apparemment, il ne l'aimait pas, pas plus qu'elle ne l'appréciait bien qu'il soit la chair de sa chair. C'était aussi l'enfant d'Eliott, un homme qui n'avait eu aucun scrupule à se servir d'elle avant de la jeter au rebut.

Elle contempla à nouveau la falaise et le sol au loin. Il n'y avait pas d'herbe, seulement des rochers. Si quelqu'un venait à tomber de l'autre côté, l'atterrissage lui serait certainement fatal.

Les chutes n'étaient les seules à l'être, cependant, puisque le sort de Yohanna continuait de l'accabler comme une fatalité. Elle avait froid, elle avait peur, et surtout elle était toute seule. La pluie pouvait noyer ses larmes, cela ne les empêchait pas de couler. Cela n'effaçait pas la réalité.

Sans trop savoir comment, ni pourquoi, elle avait enjambé la barrière. A présent, seules ses mains crispées sur la poutre dans son dos la maintenait en équilibre sur la corniche. Elle n'eut même le temps de réfléchir à ce qu'elle faisait qu'elle lâchait déjà prise. Littéralement, car métaphoriquement, c'était fait depuis longtemps.

Le gardien qui patrouillait sur le site à cette heure là l'aperçut étendue en bas, dans une mare de sang. Elle était si belle, malgré le liquide rougeâtre qui collait ses cheveux à son visage, qu'il fut à la fois ému et effrayé par le spectacle qu'elle offrait. Bien que convaincu qu'il n'y avait plus rien à faire pour cette pauvre fille, encore tellement jeune, il appela tout de même les secours depuis son poste de fonction.

Une ambulance arriva d'Unionpolis une quinzaine de minutes plus tard, les gyrophares allumés, la sirène rugissante. Un camion de pompiers la suivait et ils aidèrent les infirmiers à descendre en rappel le long de la paroi abrupte de la falaise afin d'aller chercher le corps.

Le premier à arriver auprès de Yohanna fut un homme au visage sympathique, quoique tendu par la gravité de la situation. Il avait de beaux yeux gris et un teint pâle qui contrastait avec la noirceur de ses cheveux. Lui aussi fut frappé par la beauté de l'adolescente en s'agenouillant à côté d'elle, mais il remarqua avant cela son petit ventre rebondi, à l'intérieur duquel le bébé ne s'agitait plus.

- Pauvre fille... murmura-t-il doucement en caressant sa joue.

Pendant un instant, il crut avoir rêver, pourtant il aurait juré que ses paupières venaient de bouger. Il prit son poignet entre ses doigts et poussa un cri pour alerter ses collègues restés en retrait. Son coeur battait encore.

- Elle n'est pas morte ! Allez chercher un treuil plus puissant et une civière, nous allons devoir la remonter. Il faut la conduire de toute urgence à l'hôpital, elle a déjà perdu beaucoup de sang.

Les infirmiers s'agitèrent dans son dos et il chuchota de nouvelles paroles apaisantes à la miraculée. Il caressa ses cheveux maculés de sang avant d'effleurer son front. Il était brûlant de fièvre. L'homme jeta alors un rapide regard par-dessus son épaule. Les autres étaient si occupés à tout mettre en place qu'ils ne s'occupaient pas de lui.

Il posa une paume glacé sur le crâne de la jeune fille qui se rafraîchit aussitôt à son contact. Ses paupières s'agitèrent à nouveau, mais ne s'ouvrirent pas. Son coeur battait trop faiblement et elle avait perdu trop de sang pour reprendre connaissance. Quand le soignant éloigna sa main d'elle, ses doigts étaient recouverts d'une fine pellicule de givre. Grâce à ses pouvoirs, Crios venait de faire tomber sa température.

Yohanna fut rapatriée à l'hôpital d'Unionpolis, mais son état s'aggrava durant le trajet. Elle demeura cliniquement morte durant quelques minutes quand son coeur cessa de battre. Il repartit cependant grâce aux électrochocs qu'elle reçut en arrivant au bloc opératoire où elle fut aussitôt transportée.

Lorsqu'elle reprit conscience, deux jours plus tard, elle se sentait très mal. Bon nombre de ses os s'étaient brisés durant sa chute et étaient à présent immobilisés à l'aide de plâtres épais. Comme son esprit restait encore un peu comateux, elle mit un long moment à se souvenir de tout.

- Excusez-moi... murmura-t-elle en distinguant péniblement une silhouette blanchâtre à cause de sa vision troublée. Où suis-je ?
- A l'hôpital, mademoiselle. Tu es tombée du haut d'une falaise.
- Non... Pas tombée...

Tout redevenait clair, à présent. Elle avait sauté. Sauté dans l'espoir d'en finir avec ce cauchemar qu'elle vivait, mais elle avait échoué. Pourtant, en dépit de cela, elle se sentait libérée. Elle comprit pourquoi en s'apercevant qu'elle ne sentait plus son petit ventre rond sous ses doigts.

- Tu as survécu de justesse à ta chute, déclara Crios en venant s'asseoir auprès d'elle.

Comme Yohanna avait du mal à se concentrer, elle voyait très mal ses traits. Elle n'arrivait qu'à percevoir ses yeux gris et le sourire rassurant qu'il s'efforçait d'afficher sur son visage. Il lui parlait d'une voix très douce et cela la rassurait un peu.

- Tu n'avais aucun papier sur toi lorsque nous t'avons trouvée. Veux-tu que nous avertissions quelqu'un ?
- Non... Je n'ai personne. Plus personne...

Jusqu'à présent, elle n'avait jamais vraiment été seule avec ce bébé dans son ventre, mais c'était désormais le cas. Elle craignait de poser la moindre question. Elle savait très bien qu'il n'était plus en elle.

- Il est mort, n'est-ce pas ?
- Oui... avoua Crios d'un ton compatissant. Le chirurgien a été obligé de te faire un césarienne pour le sortir. Je suis désolé.
- Je crois... Dans le fond, c'est un peu ce que je voulais. Je souhaitais m'en débarrasser, sinon je n'aurais pas sauté.

Des larmes ruisselèrent le long de ses joues lorsqu'elle prit conscience de la cruauté de ses paroles. Certes, elle avait choisi elle-même de se suicider, de se tuer en même temps que le bébé, or maintenant qu'elle lui avait survécu, elle ne pouvait empêcher la culpabilité de l'envahir.

- Je suis... Ce que j'ai fait est abominable. Je ne pensais pas...

Le moniteur auquel elle était reliée se mit à biper plus rapidement, preuve que son coeur s'emballait. Crios l'aida à se rallonger sur le lit alors qu'elle venait juste de se redresser à grand-peine.

- Comment t'appelles-tu ?
- Yohanna.
- Et quel âge as-tu ?
- Quinze ans... révéla-t-elle honteusement.

L'homme posa doucement sa main sur la sienne et caressa ses doigts. Elle aurait voulu lui sourire pour le remercier, toutefois elle n'y parvenait pas. Il lui suffisait de penser à ce qu'elle avait fait à son propre enfant pour que cela lui donne la nausée.

- Vous ne devriez pas rester avec une personne comme moi, sanglota-t-elle. Je ne méritais même pas d'être sauvée.
- Tu es bouleversée, tu as besoin de repos. Je vais te faire une piqure de morphine, cela t'aidera à dormir, d'accord ?

Yohanna n'eut pas le temps de répondre. Elle sentit à peine l'aiguille s'enfoncer dans sa chair avant de sombrer dans un sommeil profond et surtout sans rêve. Les médicaments chassaient les cauchemars, heureusement pour elle. La réalité était déjà suffisamment affreuse comme cela.

On l'autorisa à quitter l'hôpital une longue semaine plus tard, lorsque la plupart de ses contusions et de ses hématomes se furent résorbés. Comme elle s'était cassée une jambe, elle conservait des béquilles avec elle afin de pouvoir se déplacer.

Crios voulut la voir le jour de son départ, mais il la manqua de peu, occupé ailleurs par une urgence. Il se culpabilisa de l'avoir laissée partir ainsi, sans un mot de réconfort. Il se doutait bien que la pauvre enfant était toute seule, sans quoi elle n'en serait jamais arrivée à une issue aussi désespérée. Il craignait qu'elle ne fasse à nouveau une bêtise, même à présent qu'elle était libérée du fardeau que représentait un bébé qu'elle n'était pas psychologiquement prête à avoir.

Yohanna, cependant, n'était pas ainsi. Elle était beaucoup plus courageuse que son apparence fragile le laissait croire et loin d'être lâche pour essayer de se donner la mort derechef. La première fois, elle pensait que cela mettrait fin à tous ses problèmes. Si elle venait à le faire désormais, ce serait uniquement pour couper court à se culpabilité, or elle devait vivre avec. Il s'agirait de sa pénitence pour son crime.

Ce fut d'ailleurs ce concept même de pénitence qui la convainquit de s'adresser à la cathédrale d'Unionpolis afin d'y trouver un toit et de la nourriture, bien qu'elle ne soit pas croyante, et encore moins après le triste sort dont elle avait été la victime.

La mère supérieure refusa d'accueillir entre les murs d'Arceus une adolescente sans doute versatile et qui reviendrait sur son choix d'entrer dans les ordres au cours des semaines à venir. Elle lui suggéra d'attendre d'être un peu plus âgée avant de se représenter dans un lieu de culte pour l'intégrer. La jeune fille n'eut alors pas d'autre choix que celui de lui narrer sa triste histoire.

Au début, la religieuse songea à la chasser et le lui fit comprendre à maintes reprises mais, au travers des larmes de Yohanna, elle parvint finalement à percevoir sa détresse et les regrets sincères qu'elle nourrissait envers ses propres actes. Elle l'accepta donc en tant que soeur, à condition qu'elle garde à jamais le secret sur son passé et qu'elle fasse preuve d'un dévouement sans faille envers l'Eglise.

Un soir, elle quitta le couvent en cachette afin de se rendre au cimetière d'Unionpolis où, elle le savait, on avait enterré son bébé. Elle faisait d'atroces cauchemars toutes les nuits, suite auxquels elle se réveillait toujours en pleurant et totalement angoissé. Elle avait besoin d'affronter ses démons.

Il était près de minuit lorsqu'elle franchit la grille de l'endroit lugubre. Il n'y avait pas un bruit. Seule la brise automnale venait caresser son beau visage. Elle erra longuement entre les tombes, dans les différentes allées, jusqu'à parvenir au secteur où les enfants étaient enterrés.

Elle chercha des yeux où le sien reposait. A l'hôpital, on l'avait forcée à nommer son cadavre, bien qu'elle n'en ait eu aucune envie. Une chance, on ne lui avait imposé de le voir. Elle savait juste qu'il s'agissait d'un garçon et qu'elle l'avait appelée Sigmund, comme son grand-père.

Elle repéra la stèle à son nom. Cela provoqua une boule douloureuse dans son estomac. Elle ne savait pas comment réagir. Devait-elle pleurer ? Devait-elle s'excuser ? Finalement, elle resta de glace. Elle n'arrivait pas à ressentir la moindre émotion.

Elle resta une bonne partie de la nuit ainsi, immobile, à fixer la couche de terre brune qui recouvrait le corps du foetus qu'elle avait porté. Au lieu de donner la vie, elle avait donné la mort. Quelle ironie...

Elle sursauta en entendant des bruits de pas alors qu'elle se croyait seule. La peur la paralysa un instant. Quelle personne censée viendrait visiter un cimetière au beau milieu de la nuit, hormis elle-même ?

Elle ne savait pas exactement d'où cela provenait, mais elle se mit à courir, terrorisée. Elle voulait quitter cet endroit effrayant au plus vite. Qui savait quelle créature pouvait rôder dans les ténèbres ? Elle lisait désormais assez la Pokible pour connaître la menace que représentait Darkrai.

Alors qu'elle atteignait à bout de souffle l'allée principale, elle jeta un regard par-dessus son épaule afin de s'assurer qu'elle n'était pas suivie. Elle ne vit personne, derrière elle, du moins. Devant, elle rentra dans quelqu'un de plein fouet.

Elle poussa un cri et recula précipitamment. Une silhouette entièrement noire lui faisait face. Elle allait hurler derechef lorsqu'elle s'aperçut qu'il s'agissait simplement d'une femme, une veuve, certainement, qui portait un manteau sombre et un chapeau orné d'un voile qui lui tombait devant les yeux.

- Oh... murmura-t-elle, rassurée. Je suis désolée, j'ai... J'ai paniqué.
- Ce n'est pas grave, répondit l'autre d'une voix froide.

Yohanna ne distinguait pas son visage et une aura mystérieuse bien particulière semblait émaner de son interlocutrice. Elle l'étudia avec attention. La femme ne bougeait pas, immobile face à elle.

- Qu'est-ce qu'une aussi jolie jeune fille fait dans un endroit aussi malsain à une heure pareille ?
- Je pourrais vous retourner la question.
- Je suis venue voir quelqu'un.
- Moi aussi.
- Un... nouveau-né ? demanda l'inconnue. Je t'ai vue près des tombes.
- Cela ne vous regarde pas. Qui êtes-vous pour me poser ces questions ?
- Je ne te veux aucun mal. Tu n'avais pas l'air bien, tout à l'heure. Je pensais que je pourrais peut-être t'aider.
- Je n'ai pas besoin d'aide.
- En es-tu certaine ?

Yohanna hésita une seconde à répondre. Si, elle en avait besoin, mais elle n'en voulait pas, et surtout pas d'une femme dont elle ne parvenait même pas à distinguer le visage. C'aurait pu être n'importe qui.

La pluie se mit à tomber, mais ni l'une ni l'autre ne bougea. L'adolescente continuait de fixer le voile de son interlocutrice et cette dernière semblait l'observer elle aussi avec intérêt. Après un long silence, l'autre finit par dire :

- Tu ferais mieux de rentrer chez toi. Tu n'as pas de manteau et tu vas attraper froid.
- Je n'ai pas de chez moi...
- Tu en trouveras un le moment venu.

La jeune fille, qui venait de détourner les yeux, les ramena aussitôt sur cette mystérieuse inconnue qui commençait à l'intriguer plus qu'à l'effrayer. Bien qu'elle soit incapable de voir ses traits, elle aurait juré qu'elle était particulièrement jeune, beaucoup trop pour être veuve.

- Qui êtes-vous ? osa-t-elle enfin demander.
- Je m'appelle Cassidy.

Yohanna l'étudia encore un instant, persuadée qu'il s'agissait d'une personne dérangée mentalement, puis marmonna qu'elle devait partir. Elle recula de quelques pas, tourna les talons et s'éloigna rapidement en direction de l'entrée du cimetière, loin de cette femme si étrange.

Celle-ci attendit qu'elle soit hors de vue pour relever le voile qui masquait son visage pâle à la beauté exceptionnelle, révélant ainsi des yeux noirs où l'iris se confondait avec la pupille et une bouche écarlate qui s'étira en un sourire satisfait : elle ne s'était pas trompée le jour où elle avait décidé de lui confier le pouvoir de la glace. De toute façon, qu'arriverait-il si elle, Némésis, venait à faire des erreurs ?