Entre infini et au-delà de Cyrlight

Demons - Imagine Dragons


Cassy attrapa la main tendue de la déesse qui la hissa avec une force surprenante sur le dos de Lugia. Elle l'aida ensuite à tirer Crios, toujours solidement ligoté par Draco, tandis que Marion et Léa déposaient Emily en douceur sur son plumage blanc. Les pokémon, eux, regagnèrent leurs balls.

- Comment avez-vous su que nous étions en danger ? haleta la dresseuse en se laissant tomber contre l'encolure du légendaire.
- J'étais aux ruines Sinjoh. Les Zarbis m'ont transmis un message d'Athéna pour m'avertir que la résurrection de Cronos était imminente. Elle m'informait aussi qu'elle t'avait fourni les coordonnées de cette île et que tu devais forcément t'y trouver.
- Pourquoi ne pas vous les avoir communiquées directement à vous ? Vous auriez pu venir ici, récupérer le coffret et cela nous aurait épargné sa libération.
- Pandore n'a pas peur de toi, alors qu'elle aurait fui en emmenant sa boîte avec elle si elle m'avait vue arriver. Là, elle pensait pouvoir vous combattre, tes amis et toi.

Marion et Léa ne cessaient de détailler Némésis de la tête aux pieds, les yeux ronds. Visiblement, elles n'en revenaient pas d'avoir été sauvées par la plus puissante des divinités, celle qui effrayait Arceus lui-même. Crios, lui, ne semblait pas s'être aperçu de la situation. Il continuait simplement de jeter des regards hagards autour de lui.

- Que s'est-il passé ? demanda l'humaine légendaire en le désignant d'un geste.
- Apparemment, il a rencontré Cronos et depuis, il est en état de choc. Nous n'avons encore rien pu faire pour l'aider.
- Rencontrer Cronos ? C'est impossible.
- Comment cela ?
- Son âme s'est évadée de sa prison, mais c'est encore un être incorporel. Il ne pourra pas réintégrer son corps avant d'avoir recouvré la totalité de ses pouvoirs, ce qui peut prendre plusieurs jours.
- Qu'a-t-il vu, alors ?
- Une ombre, souffla Némésis. Autrement dit, son véritable visage.
- Une minute... intervint Léa. Vous voulez dire que là, il n'est pas au sommet de sa puissance ?
- Non, pas encore. Il ne le sera qu'une fois totalement réincarné, mais pour retrouver une apparence charnelle, il aura besoin d'un sacrifice. Il lui faudra offrir un corps en échange du sien.

Les trois consoeurs échangèrent un regard lourd de sous-entendus qui n'échappa pas à la sagacité de la divinité. D'instinct, Cassy resserra son étreinte autour des épaules graciles de Mew avant de murmurer :

- Je suis désolée... J'ai échoué sur toute la ligne. Non seulement Cronos s'est libéré mais qui plus est il a enlevé Pandore avec lui. Il n'y a plus rien pour nous permettre de juger Arceus, désormais.
- Avec la résurrection de son ennemi juré, son procès est je le crains relégué au second plan. Ce n'est pas ta faute, Cassidy, tu as fait de ton mieux. C'est moi qui n'aurais pas dû te confier une telle mission. Athéna voulait aller chercher la boîte elle-même, mais je l'ai convaincue de ne pas le faire car je savais qu'Arceus s'attendait à ce qu'elle s'en charge personnellement.

A cet instant, un éclair fondit sur eux. Némésis, debout sur l'échine de Lugia contrairement à ses passagers qui étaient tous assis, leva une main en direction du ciel noirâtre. Aussitôt, une champ de protection les encercla, sur lequel la foudre vint ricocher. Elle balaya ensuite l'air du bras et la brume se fendit immédiatement pour laisser filtrer un chemin plus clair.

- Il nous reste un peu de temps devant nous. Cronos attendra l'heure propice pour agir, mais une fois de retour dans notre monde, il n'y aura plus personne pour l'arrêter.

Cassy pencha la tête vers l'avant pour l'appuyer contre celle de Mew. Marion, qui ne connaissait rien de la véritable histoire du démon, ne posait pas la moindre question et Léa restait silencieuse, occupée à étaler des herbes qu'elle mastiquait au préalable sur les plaies d'Emily.

Les attaques de Cronos faiblirent lorsqu'ils se furent éloignés de l'île. Apparemment, son champ d'action demeurait relativement limité. Les deux consoeurs de la dresseuse s'étaient endormies, de même que Crios. Elle, en revanche, continuait de lutter contre le sommeil malgré sa fatigue. Némésis vint s'asseoir à côté d'elle.

- Vous n'êtes vraiment pas furieuse ? interrogea-t-elle d'une toute petite voix alors qu'elle peinait à garder les yeux ouverts.
- Non. Tu n'es qu'une humaine, tu as déjà fait beaucoup plus que ce dont ton espèce est capable. Les Zarbis m'ont tout montré. Je sais à quel point tu as fait preuve de courage en tuant ton ami. C'était une marque de sagesse digne d'Athéna.
- Mais il est mort pour rien.
- Effectivement.
- Est-ce que... Est-ce que Cronos aurait pu le manipuler au travers du coffret pour le convaincre de l'ouvrir ?
- Cela fait certainement partie des aptitudes qu'il a réussi à conserver désincarné, mais dans ce cas, ce n'est que par le biais de simples paroles. Il aurait pu le convaincre, pas le contraindre.
- Je me suis trompée à son sujet.

La divinité esquissa un sourire pendant que Cassy continuait de fixer un point invisible en face d'elle, le regard perdu dans le vide.

- Je vous connais tous par coeur. C'est moi qui vous ai amenés à devenir ce que vous êtes. Et au fond de toi-même, tu sais très bien que tu ne t'es pas trompée : tu as voulu te duper. Depuis toujours, tu voulais croire Sven capable de changer, or une part de toi-même se doutait pertinemment qu'il ne le ferait jamais. Il aimait trop le frisson sadique de la mise à mort pour cela.
- Sur quels critères vous êtes-vous basée pour nous sélectionner ?
- La simple force de la destinée. C'est le sort qui a voulu que ce soit vous, pas moi. J'ai mis en place la Confrérie, mais seuls vous étiez capables d'être compatibles ou non avec les glyphes. Ma volonté ne pouvait suffire à vous choisir. Vous deviez devenir les dix-sept. C'était ainsi et pas autrement.
- Eric n'a jamais compté comme l'un des nôtres. Il se moquait de ce que la Confrérie symbolisait véritablement. La seule chose qui l'importait, c'était le pouvoir.

Un éclat obscur voila les iris déjà sombres de Némésis l'espace d'une seconde. La jeune femme n'y prêta aucune attention, trop occupée à réprimer un bâillement dans le creux de sa main.

- Tu ferais bien de te reposer. Les jours à venir risquent d'être particulièrement rudes.
- Je ne veux pas...
- Tu dors debout. Ne t'inquiète pas, je veillerai sur vous. Nous approchons de Hoenn et d'ici quelques heures, nous aurons atteint Johto.

L'humaine légendaire passa un bras autour de son épaule et la força à venir appuyer sa tête contre sa clavicule. Cassy, un peu surprise, n'eut cependant pas la force de lui résister. Elle sombra presque aussitôt dans la sommeil, non sans avoir senti les lèvres de la déesse déposer un baiser sur le sommet de sa tête.

Elle pensait que son épuisement l'aiderait à somnoler d'une traite, pourtant son repos fut agité. Elle ne cessa de remuer, en proie à de véritables cauchemars. Elle voyait les yeux rouges décrits par Crios jaillir d'une fumée noirâtre, puis entendait un rire démoniaque qui lui faisait froid dans le dos.

Elle se réveilla en sursaut, trempée de sueur. Elle était pelotonnée en boule et son visage reposait sur les jambes de Némésis qui caressait ses cheveux en fredonnant d'une voix apaisante. Quand elle remarqua qu'elle venait de s'éveiller, elle interrompit son petit rituel.

- Tu t'es beaucoup agitée, constata-t-elle pendant qu'elle se redressait.
- Oui, j'ai... J'ai vu des choses épouvantables. Je...
- Cronos, n'est-ce pas ?
- J'ignore pourquoi. Je n'ai pas été confronté à lui. Je sais uniquement ce que Crios m'en a rapporté.
- Tu es bouleversée. C'est ta culpabilité qui te taraude. Qui plus est, la peur que tu éprouves est parfaitement légitime. Même si tu en parlais à tes amis, ils ne comprendraient pas la gravité de la situation aussi bien que toi.
- Léa la conçoit.
- Elle a vécu avec une humaine légendaire pendant des mois. Même si Circé ne lui a jamais parlé de Cronos, pour la simple et bonne raison qu'elle ne le connait pas, elle lui a certainement montré des choses qui dépassent l'entendement et elle devine donc aisément à quel point tout le reste peut être insignifiant face à cela.

Cassy ramena ses jambes contre son buste afin de se recroqueviller. Elle tremblait, pourtant elle n'avait pas froid. C'était des soubresauts nerveux qui la parcouraient, sans doute dus au malaise qu'elle éprouvait.

- Comment allons-nous pouvoir l'arrêter ?
- Je dois réfléchir à la question.
- Il y a très peu de chances pour que nous y parvenions, non ?
- C'est exact. L'heure est venue pour moi d'user de mon rôle pour ramener un semblant d'équilibre en ce monde.
- Vous pensez réussir ?
- De mémoire de légendaire, personne ne m'a encore jamais vue échouer. Il faut que je parle avec Arceus.
- Il ne vous écoutera jamais.
- Qu'en sais-tu ? répliqua Némésis avec une ébauche de sourire. Il a beau être l'Alpha, il fait comme tout le monde. Lorsque je donne un ordre, il l'exécute.
- Le fera-t-il à présent que vous n'avez plus les mêmes pouvoirs qu'autrefois ?
- Bien sûr. Même affaiblie, il n'en demeure pas moins que tout le monde me craint.
- Et nous, dans cette histoire ? Je veux dire... La Confrérie ?
- Mets les tiens à l'abri et veille sur eux. Tu ne pourras rien faire de plus.
- Mais... s'offusqua immédiatement Cassy.
- Qu'est-ce que je viens de dire ?
- Qu'il fallait exécuter vos ordres.
- Parfait, conclut presque gaiement la déesse. Puisque je ne suis plus aussi forte qu'au temps jadis, seul Arceus a encore le pouvoir de contrer Cronos, or même lui a été cruellement affaibli depuis leur dernière rencontre.
- Je le sais, vous me l'aviez dit. Athéna ne pourrait-elle pas...
- Si, naturellement. C'est la raison pour laquelle je dois m'immiscer entre eux. Il y a trop de tensions qu'il me faut atténuer, au moins pour un temps, afin de les convaincre de s'entraider. J'aurais besoin de rassembler toute l'aide possible, mais pour cela, ils devront coopérer.

Cassy acquiesça. Elle comprenait très bien où Némésis voulait en venir. Satan comptait lui aussi parmi les plus puissants de son espèce, or Lilith ne lui permettrait jamais de se rallier à Arceus, même temporairement, et il ne ferait jamais rien pour la contredire, quitte à mener le monde à sa perte.