Le Maître du Vent de supersian

Le Roucool se débattait en vain. Ses cris plaintifs meublaient le silence lourd, résonnant comme des dernières volontés. Le battement de ses jeunes ailes projetait des plumes autour de lui. Des plumes brunes, teintées parfois de blanc, qui planaient, avant de s'écraser doucement au sol. L'homme qui le tenait, le visage fermé et inexpressif, était complétement insensible à l'oiseau, et ses deux mains, autoritairement posées sur la gorge et les pattes du pokémon, lui empêchaient toute tentative de fuite.

Chaque regard se tournait vers l'homme, qui avançait à pas lents, vers l'autel. Son habit de cérémonie, une toge rouge, glissait sur le sol de pierre, comme un esprit glisse vers Charon*. A sa droite et à sa gauche, d'autres assistants à la cérémonie se tenaient, bien droits, eux-aussi habillés d'une toge couleur sang.

L'autel, d'un simple bois, était recouvert d'un drap blanc, où des symboles représentant des plumes entrelacées étaient brodés d'un fil doré.

Alors que l'homme, arrivé devant le meuble sacré, posait et maintenait fermement l'oiseau sur l'autel, tous baissèrent la tête, et commencèrent à murmurer des prières indistinctes dans une langue ancienne. Autour d'eux, les torches flambaient, éclairant la scène de leur flamme irréelle. Les boiseries magnifiques de la Tour retenaient leur souffle. Le pilier lui-même semblait s'arrêter.

Le temps resta suspendu, comme la dague finement ouvragée était suspendue au-dessus du cou du Roucool. Le sacrificateur, portant une couronne de plumes rares que l'on reconnaissait comme appartenant à différentes races de pokémons vols, lança un appel au Dieu Ho-oh, l'oiseau légendaire, le garant de la Terre et des hommes, à qui il destinait le sang de cet oiseau innocent, pour honorer son nom et le glorifier.

Puis, la lame trancha le cou du Roucool. L'oiseau poussa son dernier cri, que personne n'écouta. Dans un dernier sursaut, il expira, et son âme s'envola retrouver Ho-oh à qui il avait offert sa vie. Son corps, lui, s'écrasa sur l'autel, tâchant le drap et les symboles du liquide rouge versé pour la gloire d'un Dieu.

Les personnes présentes suivaient la scène avec attention. L'homme qui avait tenu l'oiseau rejoignit les autres spectateurs, sans le moindre frisson pour avoir été l'instrument de la mort du jeune Roucool. Le sacrificateur essuya la dague sur le drap, retournant la lame doucement, répétant l'opération jusqu'à ce qu'elle soit de nouveau nette. Puis, il plongea son index droit dans la blessure de l'oiseau, et s'appliqua à recouvrir les symboles brodés du sang de la victime. Quand tous furent recouverts, il enveloppa le corps du Roucool dans le drap, et déposa le tout dans un coffre.

le sacrificateur hôta alors de son étrange coiffe une plume d'acier, grise et tranchante, la posa par-dessus le drap, et referma le coffre.

Puis, il parla une dernière fois. L'assistance ponctua ces ultimes dires d'une nouvelle prière, et tous sortirent, sans un autre mot.

Le sacrificateur, lui, nettoya méticuleusement toutes les traces de la cérémonie, avant de s'éclipser à son tour, emportant le coffre, qu'il brûla dans une clairière écartée, achevant ainsi le rituel de l'innocence.


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* Charon, dans la mythologie grecque, est le passeur des Enfers. Il emmène les morts de l'autre côté du Styx sur sa barque, pour peu qu'on lui donne son obole... (Et attention ! Si vous n'avez pas votre obole, vous êtes condamné à errer 100 ans sur le rivage, c'est pas des rigolos les Dieux de l'Olympe !)